DÉVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION
DES BIOCARBURANTS
M. le président. La
parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 307, relative au développement de la production des biocarburants.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, la production européenne de biocarburants a véritablement démarré, vous le savez, il y a une dizaine d'années, dans le but d'améliorer la qualité de l'air et de diversifier l'agriculture après la réforme de la PAC de 1992.
La Commission européenne, depuis lors, a développé d'autres arguments en faveur des biocarburants, en particulier la réduction de notre dépendance énergétique et la limitation des émissions de gaz à effet de serre. L'Union européenne souffre en effet d'une dépendance énergétique croissante : nous dépendons aujourd'hui à 50 % de sources d'énergie importées et, si rien n'est fait, ce taux passera à 70 % en 2030. Par ailleurs, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, principalement le CO2 produit par la consommation d'hydrocarbures fossiles, est devenue une préoccupation environnementale majeure. Le protocole de Kyoto, adopté en 1997, auquel, vous le savez, le Président de la République attache une importance prioritaire, prévoit l'engagement, pour l'Union européenne, de parvenir, à l'horizon 2008-2012, à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport au niveau d'émission de 1990.
Au plan européen, nous sommes passés, sur ce sujet, des déclarations d'intention aux déclarations d'action. La directive européenne favorisant l'incorporation des biocarburants dans les essences et le gazole, qui a été définitivement adoptée le 8 avril dernier, fixe ainsi comme objectifs aux Etats membres d'atteindre des taux d'incorporation de 2 % en 2005 et de 5,75 % en 2010. Et une autre directive devrait être adoptée d'ici à quelques semaines, tendant à donner à chaque Etat membre une grande latitude pour défiscaliser des volumes supplémentaires de biocarburants, jusqu'à 100 % d'exonération.
Monsieur le ministre, à l'heure où le Gouvernement a lancé un grand débat national sur l'énergie, préalable à l'adoption de la loi d'orientation sur les énergies, la France doit affirmer une volonté politique forte en faveur du développement de la filière biocarburants. Cette volonté doit être plus puissante, beaucoup plus puissante, que le lobby des industries pétrolières.
La richesse et la force de notre agriculture confèrent en effet à notre pays, dans ce domaine, des atouts majeurs, et cette filière présente des avantages considérables : réduction de la quantité de CO2 émis, puisque en remplaçant l'essence par de l'éthanol ou le gazole par du diester, nous réduirions de 75 % les émissions de gaz à effet de serre sur la quantité substituée ; amélioration de la sécurité de notre approvisionnement énergétique ; développement de la multifonctionnalité de l'agriculture, permettant par ailleurs de retirer des terres de la production alimentaire tout en maintenant le revenu des agriculteurs ; production de tourteaux susceptibles de remplacer les farines animales, ce qui réduirait notre déficit en matières riches en protéines ; et création d'emplois en zone rurale, sachant que, selon les estimations, 1 000 tonnes de biocarburants génèrent 6,3 emplois, contre 0,08 emploi pour 1 000 tonnes de pétrole.
Pour y parvenir, nous connaissons les actions à entreprendre. Il faut fixer, pour la France, des objectifs chiffrés d'incorporation des biocarburants dans l'essence et le diesel. Il faut rapidement agréer des unités de production supplémentaires, tant en diester qu'en éthanol. Il faut accentuer la détaxation fiscale des biocarburants, c'est essentiel. Enfin, il faut lutter contre le projet du commissaire européen Fischler d'interdire la production de cultures industrielles sur jachère, ce qui serait tout simplement une aberration.
Monsieur le ministre, alors que les Etats-Unis viennent, pour leur part, d'annoncer des objectifs très volontaristes dans ce domaine, pourriez-vous me préciser les intentions du Gouvernement concernant le développement d'une filière biocarburants forte et performante en France ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de
la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député Stéphane Demilly, vous avez fort bien retracé l'importance, à tous égards, du développement de la filière des biocarburants en France. Depuis maintenant plus de dix ans, c'est vrai, notre pays s'est résolument engagé dans une politique volontariste de développement de nouvelles valorisations, non alimentaires, des produits agricoles, et en particulier des biocarburants. Ce soutien s'est principalement concrétisé par la mise en place d'un cadre fiscal en faveur des biocarburants, puis par la création du groupement d'intérêt scientifique AGRICE, agriculture pour la chimie et l'énergie, destiné à soutenir la recherche et le développement.
Les filières de production de biocarburants constituent désormais une réalité dans notre pays. Elles mobilisent plus de 300 000 hectares, relevant essentiellement du régime du gel des terres institué par la réforme de la politique agricole commune de 1992. Au plan industriel, une vingtaine d'usines participent à la production de biocarburants.
Ainsi, en 2002, près de 309 000 tonnes d'ester méthylique d'huile végétale issue de colza et de tournesol ont été introduites dans le gazole consommé en France. Par ailleurs, 90 500 tonnes d'éthanol d'origine agricole, produit à partir de blé ou de betterave, ont été incorporées à l'essence sous forme d'ETBE, éthyl-tertio-butyl-éther. Pour cette même année, les biocarburants ont bénéficié d'une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, pour un montant global de près de 180 millions d'euros.
Bien évidemment, et vous l'avez souligné, la production de biocarburants s'inscrit aujourd'hui dans une logique agricole - réorientation des productions et des débouchés, création de nouvelles sources de revenus et d'emplois, aménagement du territoire, production de protéines végétales -, mais aussi, par la promotion des matières premières renouvelables, dans une logique d'indépendance énergétique et de maîtrise des émissions des gaz à effet de serre. A cet égard, il faut le souligner, une étude réalisée en 2002 sous l'égide de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et de la direction des ressources énergétiques et minérales du ministère chargé de l'industrie confirme le bilan énergétique favorable des filières de production de biocarburants par rapport à leurs concurrents fossiles. De même, au plan environnemental, les filières de production de carburants d'origine végétale présentent un gain important en termes d'émission de gaz à effet de serre.
Comme vous l'avez rappelé, l'adoption récente de la directive visant à la promotion des biocarburants dans les transports routiers, ainsi que celle, prochaine, de la directive créant un cadre fiscal harmonisé en faveur des carburants verts, ouvrent enfin la voie effective d'un développement que je veux soutenir. En effet, pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, les biocarburants peuvent utilement contribuer à une politique de développement durable, à laquelle le Président de la République, vous le savez, est particulièrement attaché. Ils améliorent également l'indépendance énergétique de notre pays. Ils offrent, enfin, de nouvelles perspectives aux agriculteurs, notamment dans votre région.
Dans cette perspective, s'agissant, d'une manière plus générale, du développement de l'ensemble des filières non alimentaires, énergétiques et non énergétiques d'ailleurs, j'ai demandé qu'une mission soit conduite par le comité permanent du corps d'inspection afin d'identifier, à partir d'une évaluation des perspectives à moyen et long terme, les voies et moyens d'une véritable politique de valorisation des productions agricoles non alimentaires. Cela passe bien évidemment, monsieur le député, par le renforcement et l'approfondissement des mesures nationales, notamment fiscales - nous y travaillons avec mon collègue Alain Lambert, ministre délégué chargé du budget -, mais également par une approche européenne.
Du point de vue européen, il faut distinguer deux aspects, auxquels vous avez fait allusion. La directive fiscale va dans le bon sens, mais ce n'est pas le cas des propositions du commissaire, inacceptables en l'état - sur ce sujet comme sur d'autres, d'ailleurs, mais ce n'était pas l'objet de votre question. Sachez en tout cas que, dans le cadre des discussions autour de la revue à mi-parcours de la PAC, dès notre premier mémorandum, déposé en juin dernier, juste après notre arrivée au gouvernement, nous avons demandé instamment que la question des biocarburants soit enfin prise à bras-le-corps.
Voilà les quelques éléments d'information que je voulais vous donner. Dans les semaines et les mois qui viennent, ici et là, la question sera abordée dans plusieurs débats, colloques et réflexions, en particulier dans le cadre des assises de l'énergie, auxquelles vous avez fait allusion. Et soyez assuré qu'à la place qui est la mienne, je ferai tout pour que, au niveau interministériel, à Paris comme à Bruxelles, soient enfin prises les mesures tendant à renforcer les filières biocarburants.
M. Stéphane Demilly. Très bien !
M. le président. La
parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse très encourageante. Le monde agricole, qui apprécie l'action que vous menez à la tête de votre ministère, compte sur vous pour développer les biocarburants.