Texte de la QUESTION :
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M. Gilbert Meyer appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur le fait que le recouvrement des factures d'eau potable fait l'objet d'impayés de plus en plus fréquents. Les outils mis à la disposition des distributeurs d'eau, pour remédier à la situation, sont très limités. Ainsi, la dernière version du projet de loi sur l'eau prévoit d'interdire les cautions solidaires, les versements par l'abonné de dépôts de garantie ou d'avances et toute autre forme de frais d'accès. Par ailleurs, la Commission des clauses abusives a rappelé qu'un certain nombre de pratiques doivent être éliminées des documents remis aux usagers, par exemple, les clauses relatives au dépôt de garantie et de la solidarité du propriétaire à l'égard de son locataire. Enfin, les copropriétés constituent des sources d'impayés récurrentes puisqu'il n'existe pas d'obligation légale ou réglementaire de pose de compteurs divisionnaires, c'est-à-dire individualisés pour l'eau froide. De fait, les factures sont adressées soit au propriétaire, soit au syndic, qui se charge ou non de l'acquittement auprès du fournisseur, à charge pour lui de récupérer les sommes en question auprès des copropriétaires ou des locataires. Or, c'est la personne qui a signé le contrat, et elle seule, qui est responsable vis-à-vis du distributeur d'eau du paiement des factures. Dans nombre de cas, les occupants d'un immeuble s'acquittent mensuellement de provisions au titre de leurs consommations d'eau. Si coupure il devait y avoir, elle se ferait au niveau du compteur général et pénaliserait les occupants alors même qu'ils se seraient acquittés, pour la plupart, de leur provisions mensuelles. Cette absence de responsabilisation est très néfaste dans la lutte contre les impayés d'eau. Le règlement de service est un document obligatoire fixant dans les détails les obligations respectives du service des eaux et de l'abonné. Il a valeur de contrat pour l'usager. Pourtant, les coupures d'eau sont des démarches lourdes et nécessitent préalablement et conformément à la loi du 29 juillet 1998 sur l'exclusion une information obligatoire des services sociaux. Ceux-ci doivent vérifier si les usagers débiteurs relèvent d'une situation de précarité et de fait « préserver leur accès à une fourniture d'eau ». Face aux nombreuses situations d'impayés, il paraît néanmoins indispensable de prévoir un dispositif plus contraignant permettant les coupures d'eau, dans l'hypothèse où l'usager, rappelé en vain à ses obligations, continue à ne pas s'acquitter des factures correspondant à sa consommation. Cette question devient extrêmement épineuse car les impayés provoquent une augmentation du prix de l'eau pour les « payeurs ». En plus les « impayés » créent un cercle vicieux puisque le non-paiement de la redevance entraîne d'autres usagers à rejoindre les redevables qui ne paient pas. D'ici peu de temps, en l'absence d'une règle plus ferme, le prix de l'eau va atteindre un coût qui ne sera plus supportable. Nous devons aussi craindre pour la qualité de l'eau distribuée. Le distributeur d'eau doit avoir, ainsi, la possibilité de se tourner plus efficacement vers le droit des contrats. En vertu de ce droit, les prestations que s'engagent à fournir les contractants doivent être exécutées de bonne foi : l'entreprise fournit l'eau potable à un abonné, et celui-ci doit régler ses factures en temps opportun. Si l'abonné, en revanche, bénéficie d'une prestation sans pour autant payer ce qu'il doit, l'autre cocontractant doit pouvoir refuser d'exécuter sa propre prestation en opposant l'exception d'inexécution. Cette exception entraînerait non pas la disparition des obligations elles-mêmes, mais en suspendrait simplement l'exécution jusqu'à l'acquittement des factures de consommation exigibles. Il lui demande donc de lui indiquer les mesures qu'elle entrevoit de prendre pour remédier à cette situation.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant l'accès à l'eau par les personnes en situation de précarité et la nécessité de fournir aux gestionnaires des services les moyens nécessaires pour recouvrer leurs créances. L'eau est un élément essentiel pour la santé et le bien-être des personnes et, lors de la consultation sur la réforme de la politique de l'eau organisée en 2003, les associations de consommateurs ont réaffirmé leur souhait de voir garantir ce droit à l'eau, conformément aux orientations arrêtées lors du sommet de Johannesbourg. Les dispositions à prendre dans ce domaine doivent être examinées attentivement afin de ne pas remettre en cause l'équilibre financier des services. À ce titre, diverses dispositions sont proposées dans l'avant-projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques actuellement soumis à la concertation. Sans attendre l'examen de ce texte, le Gouvernement a proposé dans le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, en cours d'examen par le Parlement, une unification des dispositifs d'aides aux personnes en situation de précarité pour l'accès à l'eau, à l'énergie et aux services téléphoniques dans le cadre du fonds de solidarité pour le logement. Ce dispositif rénové clarifie l'organisation locale du dispositif d'aide et facilitera l'examen des demandes, en considérant l'accès à l'ensemble des services essentiels et en particulier à l'eau, que les charges d'eau soient incluses dans les charges locatives, en cas d'abonnement collectif, ou directement facturées par le gestionnaire du service, en cas d'abonnement individuel. En cas d'abonnement collectif, l'avant-projet de loi interdit toute coupure afin de ne pas pénaliser les occupants de l'immeuble qui ont payé leurs charges. Il appartiendra alors au gestionnaire d'utiliser les moyens légaux de recouvrement des créances auprès du syndic de l'immeuble. En cas d'abonnement individuel, et lors de retards de paiement, il appartiendra au gestionnaire d'informer l'abonné des dispositions prises en application de la loi de lutte contre les exclusions. A compter de cette date, la coupure d'eau ne pourra intervenir avant un délai de quatre mois. Passé ce délai et en l'absence d'intervention du fonds de solidarité pour le logement, la coupure d'eau pourra intervenir conformément aux dispositions arrêtées par le règlement de service. Le montant excessif de certains dépôts de garanties a par ailleurs été souligné par la commission des clauses abusives dans son avis du 25 janvier 2001. Ces dépôts de garantie pouvant alourdir le coût d'accès à l'eau pour les personnes les plus modestes, des services ont d'ores et déjà décidé d'en abandonner la pratique et de procéder au remboursement des sommes perçues. Afin de faciliter l'accès à l'eau, l'avant-projet de loi propose d'interdire cette pratique ainsi que les demandes de caution solidaire. Les facturations intermédiaires sur la base d'une estimation des consommations d'eau au vu des relevés précédents ou les prélèvements mensuels constituent aujourd'hui des pratiques largement admises par les consommateurs, permettant au service de sécuriser et de mieux échelonner ses recettes. Les dispositions relatives aux paiements des factures d'eau et aux coupures seront arrêtées par le règlement de service, qui précisera dans ces domaines les devoirs et obligations du gestionnaire et de l'abonné. Les règlements ou leurs modifications seront à soumettre à l'examen préalable de la commission des services publics locaux, afin de recueillir l'avis des représentants des usagers, puis notifiés aux abonnés. A l'issue de la concertation actuellement en cours, un projet de loi sera présenté en Conseil des ministres fin 2004, afin qu'il puisse être examiné par le Parlement au début de l'année prochaine.
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