Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Cohen attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les attaques permanentes dont sont l'objet par la Communauté européenne les services publics et les prestataires de service qui exercent des missions de service publics. L'amende infligée récemment à EDF illustre la détermination de l'UE d'éliminer de façon insidieuse et progressive les entreprises publiques du paysage économique et plus grave encore le concept même de services publics. L'UE ne remet pas directement en cause leur statut mais elle sanctionne les aides de l'État dont elles bénéficient. Ainsi, en abrogeant la garantie étatique à des entreprises qui enregistrent des déficits structurels comme EDF, l'UE remet définitivement en cause leur caractère public ce qui amène in fine à transformer leur statut d'EPIC en SA. Dans ce contexte le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin à travers deux décisions récentes conforte le positionnement européen et sa vision libérale du service public. Tout d'abord, il a établi un accord sur le schéma du financement des retraites des industries gazières et électriques, préalable nécessaire pour une procédure de changement de statut. Ensuite, il a conforté l'UE dans sa décision de supprimer la garantie d'État à EDF, décision qui a été largement applaudie par Bruxelles et le commissaire européen à la concurrence. Ces gages de la part du Gouvernement, sans contrepartie puisque l'exécutif européen exige que EDF rembourse près de 890 millions d'euros, tentent peut-être de faire oublier l'épisode du pacte de stabilité mais l'heure n'est pas à la distribution de bons points. Le Gouvernement au nom de la concurrence et de l'économie de marché procède ainsi à la remise en cause totale des services publics et porte atteinte à la cohésion nationale. Ces décisions engagent le Gouvernement et sa responsabilité. Il lui demande de bien vouloir exposer les motivations qui ont prévalu dans ses choix et de faire connaître les limites qu'il tend se fixer par rapport aux diktats de l'UE et de ses avancées libérales. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'industrie.
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Texte de la REPONSE :
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Le Gouvernement français accorde la plus grande importance aux services publics en général, et au service public de l'électricité en particulier. C'est la raison pour laquelle il a défendu avec force, et obtenu de ses collègues européens, l'inclusion, dans les deuxièmes directives sur l'ouverture du marché à la concurrence, de dispositions relatives notamment à la protection des consommateurs ou la possibilité d'instituer une péréquation tarifaire. C'est pourquoi, il a également veillé à travers les mesures de transposition à assurer la préservation du service public. En matière de production, l'article 6 de la loi du 10 février 2000 prévoit ainsi que le Gouvernement arrête une programmation pluriannuelle des investissements lui permettant de s'assurer de l'existence de moyens de production suffisants pour assurer à tout moment un équilibre durable entre l'offre et la demande en électricité, ceci quels que soient les investissements spontanés des acteurs du marché. La loi du 10 février 2000 a également institué une contribution sur tous les kilowattheures consommés sur le territoire national, dite « contribution au service public de l'électricité ». Cette contribution est notamment destinée à compenser les obligations supportées par certains opérateurs du secteur électrique, essentiellement par EDF et par les distributeurs non nationalisés (DNN), en matière de cohésion territoriale et sociale, comme le maintien de la péréquation tarifaire, la participation aux fonds départementaux pour le maintien de l'énergie aux personnes en situation de précarité ou le développement des énergies renouvelables ou de la cogénération. Dans le domaine des réseaux, le transport demeure une activité régulée assurant sa mission sous le contrôle de l'Etat. L'Etat veillera ainsi notamment à un développement et à un entretien du réseau avec un haut degré d'exigence. Enfin, il convient de souligner qu'un contrat de service public est en cours d'élaboration entre l'Etat et l'entreprise. Ce contrat de service public renforcera encore les exigences en matière de service public et demeurera quelles que soient les de forme juridique d'EDF. Il intégrera les enjeux de sûreté fondamentaux du système électrique (notamment la sécurité des approvisionnements pour les périodes de pointe et l'équilibre offre/demande) afin d'assurer la continuité et la qualité du service public. Si le Gouvernement est donc attaché à la consolidation du service public, force est néanmoins de constater que l'ouverture des marchés à la concurrence et leur intégration progressive va se traduire par une évolution majeure du contexte économique dans lequel évoluent EDF et GDF. Il importe donc que le Gouvernement permette aux deux entreprises de s'adapter à cette ouverture des marchés. Afin de disposer des moyens de mettre en oeuvre leur stratégie et de la capacité de nouer si nécessaire des alliances, tout en respectant l'ensemble des exigences du service public, il apparaît souhaitable que la forme juridique des deux entreprises soit modifiée tout en restant publique. Telle est l'intention du Gouvernement. Ce n'est donc pas pour satisfaire la Commission que le Gouvernement français a décidé de faire évoluer le statut des entreprises mais pour leur permettre de mettre en oeuvre leur projet. Il se trouve que cette décision intervenue d'ailleurs avant l'ouverture d'une procédure contre la garantie illimitée accordée à EDF, l'a vidée de son objet. Quant à l'évolution du système de financement des retraites des IEG, la réforme en cours permettra d'en assurer la pérennité en établissant une solidarité financière entre ce régime et les régimes de droit commun. On ne peut donc que se réjouir que la Commission ait estimé que cette réforme constituait une aide d'État compatible avec le marché commun. Enfin, pour ce qui est de l'avantage fiscal dont la Commission estime qu'EDF a bénéficié en 1997 (889 MEUR), elle n'a pas décidé d'infliger une amende à l'entreprise mais a demandé qu'elle rembourse à l'Etat le montant de l'avantage ainsi que les intérêts. Il va de soi qu'EDF, si elle le souhaite, aura la possibilité de contester cette décision devant les juridictions communautaires et que les pouvoirs publics se réservent également la possibilité d'utiliser toutes les voies ouvertes par le droit communautaire pour soutenir cette démarche. Sur ce dossier très technique, il semble difficile de reprocher à la Commission de vouloir faire respecter les règles contenues dans le traité instituant l'Union européenne, et donc à ce titre également celles concernant la concurrence et les aides d'État.
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