FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 3228  de  M.   Montebourg Arnaud ( Socialiste - Saône-et-Loire ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  07/02/2007  page : 
Réponse publiée au JO le :  07/02/2007  page :  951
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  magistrats
Analyse :  exercice des fonctions
DEBAT :

MISE EN CAUSE DU JUGE VAN RUYMBEKE

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Arnaud Montebourg. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Carton jaune !
M. le président. Je vous en prie, chers collègues !
M. Guy Geoffroy. Au piquet, au piquet !
M. le président. Je vous en prie ! (De très nombreux députés brandissent des feuilles jaunes de séance et scandent " Au piquet, au piquet ! ")
Vous êtes à l'Assemblée nationale, chers collègues. Cessez ce vacarme !
Monsieur Montebourg, vous avez la parole.
M. Arnaud Montebourg. Permettez-nous d'abord d'exprimer notre surprise devant l'absence de M. le ministre d'État, Nicolas Sarkozy,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et l'absence de Ségolène ?
M. Arnaud Montebourg. ...qui prétend rester à son poste et qui, néanmoins, déserte sa charge depuis plusieurs semaines alors qu'il devrait répondre à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Tout à fait !
Mme Chantal Robin-Rodrigo et Mme Martine Billard. Exact !
M. Arnaud Montebourg. Mais ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le garde des sceaux, vos dernières attaques et votre travail méthodique de déstabilisation du juge Van Ruymbeke (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), juge qui enquête avec beaucoup de difficultés sur la corruption internationale et l'argent sale des paradis fiscaux, ont justifié qu'il s'exprime lui-même publiquement en évoquant son lynchage par le pouvoir que vous représentez, et ce malgré le soutien de sa hiérarchie judiciaire.
M. Jean Auclair. Arrêtez de jouer les Zorro !
M. Arnaud Montebourg. Ces attaques en rappellent d'autres, contre le procureur Éric de Montgolfier qui a pourtant accompli un travail considérable contre la délinquance financière sur la Côte d'Azur.
Ces attaques sont les mêmes que celles, permanentes, répétitives et inquiétantes, que M. Sarkozy lui-même (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) lance en exerçant des pressions contre les magistrats de l'ordre judiciaire, de l'ordre administratif et contre toutes les autorités indépendantes qui, dans ce pays, disent le droit, même lorsque celui ci vous déplaît.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité, autorité chargée d'enquêter sur les bavures policières, s'est vu couper ses crédits pour qu'elle ne travaille plus.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui s'inquiète des abus du fichage par le ministre de l'intérieur, fait l'objet de pressions intolérables (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), d'ailleurs dénoncées par son propre président, qui est membre de votre parti politique. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
La colonisation systématique des amis de M. Sarkozy à la tête de la police judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), des parquets, des parquets généraux, bloque désormais toutes les enquêtes embarrassantes pour le pouvoir.
M. Bernard Accoyer et M. Jean Leonetti. Et sous Mitterrand ?
M. Arnaud Montebourg. Ajoutez à cela les menaces et les pressions sur les journalistes, quand ce n'est pas leur licenciement qui est commandité par le ministère de l'intérieur. Tout cela façonne peu à peu une République sous contrôle.
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Arnaud Montebourg. Tous ces faits, incontestables et parfaitement vérifiables, dessinent, monsieur le garde des sceaux, le visage d'une démocratie fictive et absolutiste. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Posez votre question, monsieur Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. Et si, par malheur, les élections vous laissaient les mains libres, cela préparerait à la France un destin bien inquiétant pour nos libertés et pour l'État de droit. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Qu'avez-vous donc à nous répondre, monsieur le garde des sceaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Il y a au moins un sujet de satisfaction aujourd'hui, monsieur Montebourg : je constate avec plaisir que votre punition a été levée ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je m'en réjouis !
M. Albert Facon. Zéro !
M. le garde des sceaux. Mais, si je comprends bien, on vous demande de reprendre du service pour essayer, une fois de plus, de politiser une question de justice. Et cela, je le déplore ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je le déplore parce qu'il s'agit de choses trop sérieuses, et la France mérite mieux que ces basses polémiques s'agissant de la magistrature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Tout le monde a rendu hommage au professionnalisme de M. Van Ruymbeke.
M. Jean-Pierre Blazy. Pas vous !
M. le garde des sceaux. Et moi-même, je l'ai fait pas plus tard que ce matin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Pour autant, compte tenu du trouble suscité par les révélations parues dans la presse, à savoir que le juge d'instruction chargé du dossier des frégates de Taïwan avait rencontré un certain nombre de personnes, à commencer par M. Gergorin, à l'époque vice-président d'EADS,...
Un député du groupe socialiste. Et Villepin, quand l'a-t-il rencontré ?
M. Patrick Lemasle. Tout cela à la demande de Sarkozy !
M. le garde des sceaux. ...j'ai été obligé, cette question ayant tellement troublé l'attention des observateurs,...
Mme Martine David. La réponse est laborieuse !
M. le garde des sceaux. ... de saisir le premier président de la cour d'appel pour les éléments que nous connaissions,...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Répondez à la question posée !
M. Bernard Roman. Lamentable !
M. le garde des sceaux. ...puis l'Inspection générale des services judiciaires, laquelle a fait observer trois éléments dont je veux faire part à la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Puisque vous vitupérez et que vous ne voulez pas m'écouter, je vais baisser la voix. (Mêmes mouvements.)
L'Inspection générale des services judiciaires a d'abord fait remarquer qu'il n'est pas prévu qu'un juge chargé d'un dossier rencontre à ce titre une personne hors procédure et sans que cette rencontre donne lieu à un procès-verbal.
M. Michel Herbillon. Tout à fait !
M. le garde des sceaux. Ensuite, l'Inspection générale des services judiciaires a fait remarquer qu'un juge co-saisi d'une affaire, ce qui était le cas en l'espèce, est tenu de tenir au courant de ses rencontres l'autre juge co-saisi, ce que M. Van Ruymbeke a omis de faire.
Enfin, l'Inspection générale des services judiciaires a observé qu'une pièce de l'instruction, à savoir un CD-Rom, avait été transmise pour expertise à un tiers à l'instruction.
Ces trois faits sont considérés par l'Inspection comme des fautes déontologiques. Comment imaginer que le garde des sceaux, alors que le débat sur la responsabilité des magistrats est ouvert, puisse considérer qu'il ne faudrait pas saisir le Conseil supérieur de la magistrature, qui est le juge des juges ? Aujourd'hui, ce n'est pas à moi de juger, ni à vous, monsieur Montebourg, ni d'ailleurs à M. Van Ruymbeke, mais au Conseil supérieur de la magistrature. (" Très bien ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans cette affaire, il est clair que ceux qui parlent de l'indépendance des juges feraient mieux de respecter la procédure de jugement des juges, qui passe par leur renvoi devant le Conseil supérieur de la magistrature, présidé, je le rappelle, par le premier président de la Cour de cassation, puisqu'il s'agit d'un juge du siège. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mesdames, messieurs les députés, arrêtons de politiser les affaires de justice ! Et puis, monsieur Montebourg, tout ce qui est excessif est insuffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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