DEBAT :
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MISE EN CAUSE DU JUGE VAN RUYMBEKE M. le président. Pour le groupe socialiste, la
parole est à M. Arnaud Montebourg. (Vives exclamations sur les bancs
du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs
députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Carton jaune
! M. le président. Je vous en prie, chers collègues
! M. Guy Geoffroy. Au piquet, au piquet ! M. le
président. Je vous en prie ! (De très nombreux députés brandissent
des feuilles jaunes de séance et scandent " Au piquet, au piquet !
") Vous êtes à l'Assemblée nationale, chers collègues. Cessez ce vacarme
! Monsieur Montebourg, vous avez la parole. M. Arnaud
Montebourg. Permettez-nous d'abord d'exprimer notre surprise devant
l'absence de M. le ministre d'État, Nicolas Sarkozy,... Plusieurs
députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et l'absence
de Ségolène ? M. Arnaud Montebourg. ...qui prétend rester à
son poste et qui, néanmoins, déserte sa charge depuis plusieurs semaines alors
qu'il devrait répondre à la représentation nationale. (Applaudissements sur
les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et
républicains.) M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Tout à
fait ! Mme Chantal Robin-Rodrigo et Mme Martine
Billard. Exact ! M. Arnaud Montebourg. Mais ma
question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur
le garde des sceaux, vos dernières attaques et votre travail méthodique de
déstabilisation du juge Van Ruymbeke (Protestations sur les bancs du groupe
de l'Union pour un mouvement populaire), juge qui enquête avec beaucoup de
difficultés sur la corruption internationale et l'argent sale des paradis
fiscaux, ont justifié qu'il s'exprime lui-même publiquement en évoquant son
lynchage par le pouvoir que vous représentez, et ce malgré le soutien de sa
hiérarchie judiciaire. M. Jean Auclair. Arrêtez de jouer les
Zorro ! M. Arnaud Montebourg. Ces attaques en rappellent
d'autres, contre le procureur Éric de Montgolfier qui a pourtant accompli un
travail considérable contre la délinquance financière sur la Côte d'Azur.
Ces attaques sont les mêmes que celles, permanentes, répétitives et
inquiétantes, que M. Sarkozy lui-même (Exclamations sur les bancs du groupe
de l'Union pour un mouvement populaire) lance en exerçant des pressions
contre les magistrats de l'ordre judiciaire, de l'ordre administratif et contre
toutes les autorités indépendantes qui, dans ce pays, disent le droit, même
lorsque celui ci vous déplaît. La Commission nationale de déontologie de la
sécurité, autorité chargée d'enquêter sur les bavures policières, s'est vu
couper ses crédits pour qu'elle ne travaille plus. La Commission nationale de
l'informatique et des libertés, qui s'inquiète des abus du fichage par le
ministre de l'intérieur, fait l'objet de pressions intolérables (Vives
protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire), d'ailleurs dénoncées par son propre président, qui est membre de
votre parti politique. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe
socialiste.) La colonisation systématique des amis de M. Sarkozy à la
tête de la police judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe de
l'Union pour un mouvement populaire), des parquets, des parquets généraux,
bloque désormais toutes les enquêtes embarrassantes pour le
pouvoir. M. Bernard Accoyer et M. Jean
Leonetti. Et sous Mitterrand ? M. Arnaud
Montebourg. Ajoutez à cela les menaces et les pressions sur les
journalistes, quand ce n'est pas leur licenciement qui est commandité par le
ministère de l'intérieur. Tout cela façonne peu à peu une République sous
contrôle. M. Yves Nicolin. Baratin ! M. Arnaud
Montebourg. Tous ces faits, incontestables et parfaitement vérifiables,
dessinent, monsieur le garde des sceaux, le visage d'une démocratie fictive et
absolutiste. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un
mouvement populaire.) M. le président. Posez votre
question, monsieur Montebourg. M. Arnaud Montebourg. Et si,
par malheur, les élections vous laissaient les mains libres, cela préparerait à
la France un destin bien inquiétant pour nos libertés et pour l'État de droit.
(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.) Qu'avez-vous donc à nous répondre, monsieur le garde des sceaux
? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du
groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du
groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le
président. La parole est M. le garde des sceaux. M. Pascal
Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Il y a au
moins un sujet de satisfaction aujourd'hui, monsieur Montebourg : je constate
avec plaisir que votre punition a été levée ! (Vives exclamations sur les
bancs du groupe socialiste. - Rires et applaudissements sur les bancs du groupe
de l'Union pour un mouvement populaire.) Je m'en réjouis ! M.
Albert Facon. Zéro ! M. le garde des sceaux. Mais,
si je comprends bien, on vous demande de reprendre du service pour essayer, une
fois de plus, de politiser une question de justice. Et cela, je le déplore !
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.) Je le déplore parce qu'il s'agit de choses trop sérieuses, et
la France mérite mieux que ces basses polémiques s'agissant de la magistrature.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Tout le
monde a rendu hommage au professionnalisme de M. Van Ruymbeke. M.
Jean-Pierre Blazy. Pas vous ! M. le garde des
sceaux. Et moi-même, je l'ai fait pas plus tard que ce matin
(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour autant,
compte tenu du trouble suscité par les révélations parues dans la presse, à
savoir que le juge d'instruction chargé du dossier des frégates de Taïwan avait
rencontré un certain nombre de personnes, à commencer par M. Gergorin, à
l'époque vice-président d'EADS,... Un député du groupe
socialiste. Et Villepin, quand l'a-t-il rencontré ? M.
Patrick Lemasle. Tout cela à la demande de Sarkozy ! M. le
garde des sceaux. ...j'ai été obligé, cette question ayant tellement
troublé l'attention des observateurs,... Mme Martine David.
La réponse est laborieuse ! M. le garde des sceaux. ... de
saisir le premier président de la cour d'appel pour les éléments que nous
connaissions,... Plusieurs députés du groupe socialiste.
Répondez à la question posée ! M. Bernard Roman. Lamentable
! M. le garde des sceaux. ...puis l'Inspection générale des
services judiciaires, laquelle a fait observer trois éléments dont je veux faire
part à la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe
socialiste.) Puisque vous vitupérez et que vous ne voulez pas m'écouter,
je vais baisser la voix. (Mêmes mouvements.) L'Inspection générale des
services judiciaires a d'abord fait remarquer qu'il n'est pas prévu qu'un juge
chargé d'un dossier rencontre à ce titre une personne hors procédure et sans que
cette rencontre donne lieu à un procès-verbal. M. Michel
Herbillon. Tout à fait ! M. le garde des sceaux.
Ensuite, l'Inspection générale des services judiciaires a fait remarquer qu'un
juge co-saisi d'une affaire, ce qui était le cas en l'espèce, est tenu de tenir
au courant de ses rencontres l'autre juge co-saisi, ce que M. Van Ruymbeke a
omis de faire. Enfin, l'Inspection générale des services judiciaires a
observé qu'une pièce de l'instruction, à savoir un CD-Rom, avait été transmise
pour expertise à un tiers à l'instruction. Ces trois faits sont considérés
par l'Inspection comme des fautes déontologiques. Comment imaginer que le garde
des sceaux, alors que le débat sur la responsabilité des magistrats est ouvert,
puisse considérer qu'il ne faudrait pas saisir le Conseil supérieur de la
magistrature, qui est le juge des juges ? Aujourd'hui, ce n'est pas à moi de
juger, ni à vous, monsieur Montebourg, ni d'ailleurs à M. Van Ruymbeke, mais au
Conseil supérieur de la magistrature. (" Très bien ! " sur les bancs du
groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans cette affaire, il
est clair que ceux qui parlent de l'indépendance des juges feraient mieux de
respecter la procédure de jugement des juges, qui passe par leur renvoi devant
le Conseil supérieur de la magistrature, présidé, je le rappelle, par le premier
président de la Cour de cassation, puisqu'il s'agit d'un juge du siège.
(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mesdames,
messieurs les députés, arrêtons de politiser les affaires de justice ! Et puis,
monsieur Montebourg, tout ce qui est excessif est insuffisant.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire.)
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