FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 3413  de  Mme   Taubira Christiane ( Socialiste - Guyane ) QE
Ministère interrogé :  équipement, transports et logement
Ministère attributaire :  équipement, transports et logement
Question publiée au JO le :  30/09/2002  page :  3310
Réponse publiée au JO le :  17/03/2003  page :  2036
Rubrique :  outre-mer
Tête d'analyse :  DOM : Guyane
Analyse :  transports aériens. aéroport. appellation
Texte de la QUESTION : Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le changement de nom de l'aéroport international de Guyane. Cet aéroport porte le nom de Rochambeau. Rochambeau était ce général qui a introduit des chiens bouledogues à Saint-Domingue pour éradiquer la révolte des esclaves. C'était en 1802, il y a juste deux siècles. Napoléon Bonaparte ayant décidé, dès la signature de la paix d'Amiens entre la France et l'Angleterre, de rétablir l'esclavage aboli dans les colonies françaises le 4 février 1794, il envoya à cet effet le général Leclerc à Saint-Domingue, « perle des Antilles », à la tête de troupes importantes. Le général Toussaint Louverture, vainqueur dès 1791, met en échec l'armée napoléonienne dirigée par Leclerc. Ce dernier signe un traité de paix avec Toussaint Louverture le 5 mai 1802, trois mois après le début des combats. Leclerc s'engage à respecter la liberté pour laquelle les anciens esclaves se sont battus, il reconnaît le gouvernement de Saint-Domingue dirigé par Toussaint Louverture, propose d'intégrer les officiers de Toussaint dans l'armée française selon leur grade et se déclare délégué de la France auprès du gouvernement de Saint-Domingue. En réalité, par le biais d'une ruse, il trahit sa parole et fait arrêter Toussaint Louverture qui sera conduit au fort de Joux, dans le Jura où, interdit de sortir de sa cellule, il périra de froid et de faim. Les officiers de Toussaint ayant compris que le rétablissement de l'esclavage est la mission réelle de Leclerc dirigeront une nouvelle insurrection et vaincront encore les troupes françaises. Leclerc trahira à nouveau sa parole en convoquant le général Maurepas avec famille et troupes au prétexte de lui remettre le commandement de la ville du Cap. Le général Maurepas sera arrêté, supplicié et sa famille, y compris ses jeunes enfants, ainsi que tous ses soldats seront noyés sous ses yeux. Il expirera plusieurs heures après au mât du navire auquel il était ligoté. Le général Rochambeau succédera au général Leclerc. Considérant les défaites successives de son prédécesseur, il décide l'achat de six cents chiens bouledogues dressés à se nourrir de la chair des Noirs et à s'abreuver de leur sang. Ce sont les Espagnols qui avaient mis en place l'élevage à grande échelle de ces chiens bouledogues mangeurs de Noirs. Le vicomte de Noailles (le même que celui de la nuit du 4 août 1789) fut chargé de se rendre à Cuba pour ramener ces chiens féroces. Une démonstration publique eut lieu dans la ville du Cap, dans la cour d'un couvent de religieuses. Un Noir fut attaché au poteau. « Les chiens stimulés par une faim dévorante ne sont pas plus tôt lâchés qu'ils mettent en lambeaux ce malheureux », raconte A. Métral dans un ouvrage publié en 1825. C'est Victor Schoelcher, scandalisé, qui fera connaître, en 1842, la missive adressée par le général Rochambeau au général Ramel, basé dans la ville de Tortue, à l'occasion de la distribution des chiens. « Je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de cent cinquante hommes de la Garde Nationale du Cap, commandé par M. Barri. Il est suivi de vingt-huit chiens bouledogues. Ces renforts vous mettront à même de terminer entièrement vos opérations. Je ne dois pas vous laisser ignorer qu'il ne vous sera passé en compte aucune ration ni dépense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à manger. Je vous salue affectueusement. Signé Rochambeau ». Cette lettre date du 15 Germinal. Les insurgés de Saint-Domingue redoublent de courage face à cette opération d'extermination. Rochambeau capitule le 18 novembre 1803. Les anciens esclaves se regroupent dans la moitié ouest de l'île de Saint-Domingue devenue, depuis, la République d'Haïti. L'aéroport de Guyane, ancienne colonie où régna l'esclavage s'appelle Rochambeau. Des arguties dilatoires sont avancées pour prétendre qu'il s'agit, non du général, mais du maréchal, père du premier, ayant commandé le corps français envoyé en renfort aux Etats-Unis auprès des colons insurgés contre la domination anglaise, et que l'aéroport de Guyane ayant été construit par les Américains durant la Seconde Guerre mondiale, c'est en hommage au maréchal qu'il fut ainsi baptisé. Ces arguties sont intolérables. D'abord parce que si les Américains souhaitent rendre hommage au maréchal, ils peuvent le faire avec l'un de leurs multiples aéroports, à Yorktown par exemple, ville que ce Rochambeau a aidé les colons à prendre. La Déclaration d'Indépendance qui traite les Amérindiens de « nurciless les savages » (sauvages sans merci) et ignorent totalement les Noirs encore esclaves tout en réaffirmant le droit de propriété (les esclaves sont des biens meubles, propriété de maîtres ayant sur eux droit de vie et de mort) appellerait par ailleurs quelque toilettage, D'autre part, il est inconvenant et grossier, à l'égard des Guyanais, de leur histoire et des jeunes générations, de se livrer à ce jeu familial. Un tel ergotage serait vécu partout ailleurs comme une agression caractérisée. Elle lui demande si le Gouvernement entend se prononcer en faveur du changement de nom de l'aéroport. La loi prévoit que les frais afférents soient imputés au concessionnaire, en l'occurrence à la chambre de commerce et d'industrie de la Guyane. L'avis du Gouvernement vaut ici pour sa nécessité, sa valeur symbolique et sa participation éventuelle aux frais et aux cérémonies.
Texte de la REPONSE : Les forces américaines qui donnèrent à l'aérodrome de Cayenne le nom de Rochambeau, lors de la construction de l'aéroport en 1942, entendaient rendre hommage à Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, qui, de 1781 à 1783, commanda le corps expéditionnaire français envoyé à l'appui de la révolution américaine, et non à son fils Jean Marie, dont les autorités américaines ignoraient certainement jusqu'à l'existence, et qui commit en Haïti les faits que relate l'honorable parlementaire. Loin de relever d'une « argutie dilatoire », ce rappel correspond seulement à la réalité historique. Le maréchal Rochambeau, dont le nom est associé à ceux de La Fayette et de Grasse, est en effet une des personnalités françaises dont le souvenir, marqué par de nombreux témoignages tel le monument de Princeton dédié à « l'armée de Rochambeau » inauguré en 1998, est encore aujourd'hui profondément ancré dans la conscience américaine. Pour autant, un changement de dénomination d'un aérodrome est possible, à la demande du gestionnaire ou d'une collectivité locale intéressée. Le dossier est instruit, sous l'autorité du préfet, par la direction régionale de l'aviation civile, qui recueille l'avis de toutes les parties intéressées, notamment du gestionnaire et de l'affectataire de l'aérodrome, des collectivités et des organismes concernés directement ou indirectement par la nouvelle dénomination et, le cas échéant, par celle dont l'abandon est envisagé. La décision est prise par le ministre chargé de l'aviation civile, qui consulte au préalable le Conseil supérieur de l'infrastructure et de la navigation aérienne. Les frais de cette opération, et notamment le changement de la signalisation de l'aéroport, sont à la charge du demandeur.
SOC 12 REP_PUB Guyane O