FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 352  de  M.   Le Drian Jean-Yves ( Socialiste - Morbihan ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture, alimentation et pêche
Ministère attributaire :  agriculture, alimentation et pêche
Question publiée au JO le :  26/05/2003  page :  3971
Réponse publiée au JO le :  28/05/2003  page :  4243
Rubrique :  élevage
Tête d'analyse :  PAC
Analyse :  volailles. soutien du marché
Texte de la QUESTION : M. Jean-Yves Le Drian attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur l'avenir de la filière avicole française, et plus particulièrement bretonne. L'aviculture connaît, en effet, depuis des mois une crise sans précédent. Le plan gouvernemental d'« adaptation » de la filière volaille, visant à inciter à la fermeture de 400 000 mètres carrés de poulaillers (on parle de 200 000 mètres carrés en Bretagne), est un nouveau coup dur porté à la Bretagne, premier bassin avicole français avec plus de 40 % de la production. Il ne sera évidemment pas sans conséquences sur l'activité des outils d'abattage et de transformation et sur les 20 000 emplois salariés bretons de la volaille. Beaucoup de questions restent posées à la fois pour restructurer ce secteur (accompagnement social, modernisation et restructuration d'entreprises) et pour accompagner les efforts de rééquilibre du marché (promotion, aide à l'innovation). Il lui demande, en conséquence, quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour accompagner dans les meilleures conditions cette restructuration et donner des perspectives à ce secteur d'activité.
Texte de la REPONSE :

AVENIR DE LA FILIÈRE AVICOLE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, pour exposer sa question, n° 352, relative à l'avenir de la filière avicole.
    M. Jean-Yves Le Drian. Monsieur le ministre de l'agriculture, la filière avicole française traverse l'une des crises les plus noires de son histoire. Cette situation dramatique, que vous connaissez car nous avons eu l'occasion d'en discuter, est la conséquence d'une crise ancienne liée à une surproduction antérieure, de la perte de débouchés à l'étranger, face à une concurrence internationale très forte, en particulier au Brésil et en Thaïlande, d'une relative baisse de la consommation, de la porosité du marché communautaire, de l'inévitable disparition progressive des restitutions et, enfin, de la faiblesse générale de l'organisation du marché de la filière avicole sur le territoire communautaire.
    Cette crise touche particulièrement la Bretagne, où le poids de l'aviculture est très important - 40 % du volume national, près de 20 000 emplois, 7 500 dans la production et 11 000 dans l'industrie d'abattage et de transformation - et singulièrement le Morbihan puisque c'est le premier département avicole de France. Et les premières mesures prises ont entraîné des restructurations importantes, en particulier dans le groupe Doux, qui se traduisent par des licenciements et des fermetures de sites, notamment dans le Morbihan.
    Monsieur le ministre, vous avez engagé un plan d'adaptation prévoyant la fermeture nette de 400 000 mètres carrés de poulaillers à brève échéance. Il semble bien que, malgré la relative modestie des aides apportées à la fermeture, cette offre va trouver preneur, si j'ose dire, tant la crise est grave. Les candidats au départ sont déjà plus nombreux que prévu, en effet, et on peut se demander si 400 000 mètres carrés suffiront, ce qui constitue une aberration.
    Je souhaiterais donc faire le point avec vous sur l'état de la situation et savoir si le Gouvernement a l'intention de prendre d'autres mesures. Quel avenir peut-on proposer à cette filière ? Se limitera-t-on à des dispositions tendant à supprimer des mètres carrés ? Ne faut-il pas être plus vigoureux et plus audacieux dans la modernisation et les restructurations d'entreprises ? Ne faut-il pas être plus insistant dans l'aide à l'innovation et à la diversification des produits ? Qu'en est-il de la préférence communautaire, aujourd'hui bien menacée ? Voilà toute une série de questions qui se posent.
    Monsieur le ministre, le sujet est grave. Il perturbe beaucoup de familles, beaucoup d'éleveurs mais aussi de nombreuses entreprises. Pouvez-vous nous éclairer sur les initiatives que vous comptez éventuellement prendre en ce domaine ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, comme de nombreux élus du Grand Ouest, de la région Bretagne comme de la région Pays de la Loire, vous m'interrogez aujourd'hui sur la situation effectivement dramatique de la filière avicole française, qui est confrontée depuis la fin des années 90 à une situation de déséquilibre structurel du marché. C'est le résultat de multiples causes que vous avez rappelées.
    Les débouchés à l'exportation ont été réduits, à la suite, d'une part, des baisses de restitutions programmées dans les accords de l'Organisation mondiale du commerce conclus à Marrakech en 1994 et, d'autre part, de l'augmentation sensible des importations de viande de volaille en provenance de pays tiers sur les marchés, qui constituaient les principaux débouchés pour les entreprises françaises. Ce déséquilibre est en outre aggravé par un repli de la consommation intérieure.
    J'ajoute qu'au cours de ces dernières années la gestion de ce secteur par les pouvoirs publics n'a pas été marquée par le plus grand courage, l'absence d'interprofession n'étant pas de nature non plus à favoriser une stratégie collective propre à permettre de sortir de la crise, d'autant que cette filière, tout comme la filière porcine, ne connaît pratiquement pas de mécanisme européen de type organisation commune de marché. Autrement dit, il s'agit d'un secteur totalement libéralisé pour lequel nous ne disposons pas d'outils de marché comparables à ceux dont ont su se doter d'autres productions comme le lait ou la viande.
    Depuis un an, nous menons donc de front des réformes structurelles et des mesures conjoncturelles.
    Pour ce qui touche aux importations, j'ai été alerté, dès les premiers jours de ma prise de fonctions, sur le détournement de procédure que constituait l'importation de volailles saumurées en provenance principalement du Brésil et de la Thaïlande. Après une longue et difficile bataille à Bruxelles, j'ai obtenu, à la fin de 2002, la restauration de la préférence communautaire.
    M. Michel Hunault. Très bien !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Les chiffres de 2002 font du reste état pour la première fois d'une baisse des importations communautaires - environ un tiers - et cette tendance est confirmée au premier trimestre de cette année. Ont également été mises en place des mesures conjoncturelles de gestion de l'offre ; nous avons progressé avec tous les partenaires dans la mise en route d'une véritable interprofession.
    Mais la restauration de l'équilibre du marché dans la durée suppose bien évidemment des mesures structurelles.
    Dès le 21 novembre dernier, j'ai annoncé un plan d'adaptation de la filière, comprenant un volet amont et un volet aval. Le volet amont vise à accompagner, par l'octroi d'aides financières aux producteurs qui se portent volontaires, la fermeture de 400 000 mètres carrés de surface de bâtiments d'élevage, soit l'équivalent de 2 % environ de notre production, permettant de revenir à de meilleurs équilibres économiques en termes de prix. J'ai mobilisé une enveloppe de 6 millions d'euros pour financer ce programme de cessation. Ce volet a rencontré, vous l'avez indiqué, un écho favorable auprès des producteurs, puisque les demandes de retrait déposées dans les directions départementales de l'agriculture et de la forêt représentent une surface de plus de 550 000 mètres carrés.
    Précisons, car c'est un point fondamental, que je n'entends pas répéter les erreurs commises il y a quatre ans lors du premier plan de cessation où les fermetures, en fait financées par le contribuable, ont vu leur effet réduit à néant par des ouvertures en d'autres endroits. J'ai donc bien précisé que, en contrepartie de l'argent public ainsi engagé, le plan de cessation d'activité en amont s'accompagnerait d'un tableau retraçant les entrées et les sorties. Il est hors de question que les mètres carrés ainsi supprimés à tel endroit soient reconstitués ailleurs. L'objectif est donc bien 400 000 mètres carrés nets de fermetures alors que dans le précédent plan, dit plan Perrin, ces 400 000 mètres carrés se sont en fait résumés à 150 000 mètres carrés en termes de fermetures nettes dans la mesure où, dans le même temps, 250 000 mètres carrés avaient été reconstruits.
    Parallèlement à ce volet amont, le volet aval du plan d'adaptation est d'une très grande importance. De surcroît, les entreprises du secteur, du fait de la crise persistante, n'ont pas autant investi qu'elles auraient voulu et dû le faire. Aussi nos outils ont-ils perdu en compétitivité. Annoncé le 12 mai dernier, ce volet aval vise à accompagner les entreprises qui s'engagent dans un processus de restructuration et de modernisation de leurs sites industriels afin d'améliorer la compétitivité de l'industrie avicole française. Une enveloppe de 3 millions d'euros est affectée au renforcement des aides aux investissements dans les entreprises.
    Cet effort sera complété par certaines collectivités décentralisées. Le conseil général du Morbihan et la région Bretagne m'ont déjà confirmé leur engagement aux côtés de l'Etat.
    Il est certain que cette restructuration se traduira malheureusement par la fermeture de certains outils. Le plan vise à en atténuer les effets, notamment sur l'emploi, grâce à de nouveaux investissements visant notamment à encourager la diversification dans de nouveaux produits.
    Mon collègue François Fillon et moi-même avions préventivement saisi la mission interministérielle pour les mutations économiques. Celle-ci s'est déjà réunie deux fois sur le sujet. Ensemble, nous avons décidé de mettre en place une cellule nationale d'accompagnement de ces mutations, où siègent les ministères concernés, aux côtés des partenaires sociaux.
    Des cellules locales de même nature seront installées dans les bassins de production potentiellement concernés. Je l'ai du reste indiqué à Vannes la semaine dernière lorsque j'ai rencontré les organisations syndicales des groupes affectés par ces restructurations ainsi que les organisations professionnelles et syndicales agricoles.
    Ce second volet, qui porte à 9 millions d'euros les montants qui seront versés en 2003, témoigne de l'engagement du Gouvernement en faveur de cette filière.
    J'insiste sur le fait, monsieur le député, que la constitution d'une interprofession forte et importante est une condition essentielle d'une gestion durable de cette filière. Sitôt la loi sur l'initiative économique définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, nous disposerons des outils législatifs qui permettront de la mettre en place. Il faudra alors que l'ensemble de la filière, qui depuis quelques mois travaille beaucoup sur ce sujet, ait enfin pris sa décision afin que ce secteur très important pour l'agriculture et l'économie françaises puisse se doter d'une gestion tout à la fois moderne et anticipatrice.

SOC 12 REP_PUB Bretagne O