PROPOSITIONS ALTERNATIVES
AU PLAN DE RESTRUCTURATION
DU GROUPE ALSTOM
M. le président. La
parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour exposer sa question, n° 359, relative aux propositions alternatives au plan de restructuration du groupe Alstom.
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre délégué au commerce extérieur, le groupe Alstom s'est engagé dans un vaste plan de restructuration annoncé le 12 mars dernier. Il vend son secteur « transmissions » et « distribution », il cède ses activités de petites et moyennes turbines et prépare un plan de licenciements dans sa branche « production d'énergie », lequel a encore été alourdi le 19 mai par rapport aux prévisions initiales et aboutira à la suppression de 9 500 emplois en Europe, dont 1 153 en France.
Dans ce contexte, le site Rateau de La Courneuve, qui produit des turbines industrielles à vapeur, est purement et simplement menacé de disparition.
Ces ventes, cessions d'actifs et suppressions d'emplois sont essentiellement motivées par la nécessité de réduire un important endettement et de faire remonter le cours des actions Alstom.
La forte détérioration du marché de la production d'énergie, due à la rupture de la bulle de l'Internet, est certes un élément conjoncturel à prendre en compte et face auquel il faut s'adapter. Mais la réponse qui consiste à tailler dans l'emploi et à se séparer d'actifs procède de la fuite en avant, sans vision à long terme.
Le plan annoncé apparaît ainsi comme la première étape d'un démantèlement de l'ensemble du secteur énergie d'Alstom en France et en Europe, qui met en cause sa cohérence industrielle. Le Gouvernement ne peut rester inactif face à ces dispositions, qui traduisent la stratégie uniquement financière de ce groupe multinational, à leurs conséquences sociales et aux répercussions qu'elles ont sur l'avenir de notre industrie énergétique.
En outre, le Gouvernement doit faire valoir auprès de l'entreprise qu'une grande partie de son développement se nourrit de commandes publiques. Les salariés et le pays dans son ensemble n'ont pas à faire les frais d'erreurs de gestion. Ces décisions sont par ailleurs un non-sens économique au regard des immenses besoins en énergie électrique qui s'annoncent pour les vingt ans à venir, comme l'a d'ailleurs souligné Mme la ministre lors du débat national sur l'énergie organisé par le Gouvernement. Au moment où trois milliards d'êtres humains n'ont toujours pas accès à l'électricité, où des technologies innovantes voient le jour en matière de production d'électricité, tels la géothermie, le retraitement des ordures ménagères, la cogénération, qui pourrait croire que le créneau des turbines à vapeur ne soit plus un marché porteur ? Si c'était le cas, Siemens aurait-il racheté cette branche ?
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur le ministre, ce qu'entend faire le Gouvernement pour inciter la direction d'Alstom à revenir sur ces décisions, et à privilégier une stratégie industrielle plutôt que financière. Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour garantir la survie de notre secteur énergétique, en particulier celle du site de La Courneuve ? Interviendrez-vous auprès de la direction pour qu'elle étudie sérieusement les propositions alternatives élaborées par les salariés, qui sont de bonnes propositions, d'après la direction elle-même ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Madame la députée, vous semblez séparer les questions économiques des questions financières. Malheureusement, dans l'entreprise, elles sont indissociables. Jusqu'à présent Alstom avait réussi à construire trois grands métiers, et à y être leader mondial.
En effet, non content de détenir une énorme part du marché mondial dans la construction navale, la construction ferroviaire et la production d'électricité, Alstom jouit d'un véritable leadership technologique dans ces domaines. Cela dit, en raison de l'effondrement actuel du marché mondial des équipements de production d'énergie qui atteint toutes les entreprises du secteur, Alstom connaît de réelles et profondes difficultés.
Face à cette situation, la nouvelle direction du groupe Alstom ne pouvait pas ne pas réagir. Elle a présenté la semaine dernière, au comité de groupe France, les grandes lignes des mesures qu'elle étudie et qui seront discutées au niveau des comités centraux d'entreprise de ses filiales dans les semaines à venir. L'essentiel du plan de réorganisation concerne Grenoble et Belfort et les sièges sociaux.
L'usine de La Courneuve comprend à la fois une activité de production de turbines vapeur et des activités de service. En ce qui concerne les activités de production de turbines vapeur, la direction d'Alstom a indiqué la semaine dernière qu'elle poursuivait la recherche de partenariats possibles. L'arrêt des activités de production de cet établissement n'est cependant pas improbable, compte tenu des difficultés rencontrées pour intéresser un partenaire. Si je ne me trompe, madame la députée, le directeur d'Alstom France a tenu à vous rencontrer, ainsi que M. le maire de La Courneuve, pour vous présenter la situation le plus précisément possible.
Le Gouvernement veillera, le moment venu et si cela s'avère nécessaire, à rappeler à l'entreprise ses obligations dans le domaine social et territorial, en rapport avec ses décisions industrielles et la situation des bassins d'emploi. Nous y veillerons, à La Courneuve comme à Belfort.
M. le président. La
parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, loin de moi l'intention de séparer les
questions industrielles des questions financières. Dans la dernière période, ce
sont les grandes entreprises, et les plans sociaux sont là pour le rappeler, qui
ont manifesté un plus grand souci des questions financières que du développement
industriel et économique. Je veux rappeler, sans entrer dans des détails sur
lesquels nous aurons l'occasion de revenir, que le groupe Alstom s'est aventuré
dans plusieurs opérations grâce auxquelles il était censé devenir le leader dans
son secteur. Car aujourd'hui il faut devenir le plus gros, il faut à tout prix
que l'action et les profits financiers augmentent, même si c'est au détriment de
l'emploi et du développement industriel. Alstom porte de graves responsabilités
dans la situation d'aujourd'hui et il est injuste que ce soit les salariés qui
en fassent les frais. C'est pourquoi je demande à nouveau au Gouvernement de
faire le nécessaire pour que ce groupe, qui grâce au travail de l'ensemble des
salariés a acquis une technique et un savoir-faire uniques, puisse jouer son
rôle...
M. le président.
Madame Jacquaint...
Mme Muguette
Jacquaint. ... sans parler même des très importantes commandes
publiques dont il a bénéficié.
M. le président. Je
rappelle que nous sommes dans le cadre des questions orales sans débat.
Mme Muguette
Jacquaint. Je le sais, monsieur le président !