FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 36  de  M.   Asensi François ( Député-e-s Communistes et Républicains - Seine-Saint-Denis ) QOSD
Ministère interrogé :  santé
Ministère attributaire :  santé
Question publiée au JO le :  02/12/2002  page :  4502
Réponse publiée au JO le :  04/12/2002  page :  6039
Rubrique :  établissements de santé
Tête d'analyse :  hôpitaux
Analyse :  effectifs de personnel. praticiens
Texte de la QUESTION : On estime à 20 000 le nombre de postes vacants d'infirmier en France et à 200 dans les hôpitaux publics de la Seine-Saint-Denis. Pour la plupart des établissements de soins, on note aussi des carences en sages-femmes et en anesthésistes. Ces déficits en personnel, couplés aux restrictions budgétaires, aboutissent à des fermetures de services au détriment des patients et de la vocation généraliste des établissements de soins. M. François Asensi demande donc à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées quelles dispositions il compte prendre pour résoudre ces déficits de personnel et pour que la politique de péréquation entre les hôpitaux français ne se fasse pas au détriment de l'offre et de la qualité des soins auxquelles la population de la Seine-Saint-Denis a droit.
Texte de la REPONSE :

EFFECTIFS DES PERSONNELS HOSPITALIERS
EN SEINE-SAINT-DENIS

    M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour exposer sa question n° 36, relative aux effectifs de personnel hospitalier en Seine-Saint-Denis.
    M. François Asensi. Le système de santé en France est aujourd'hui dans une situation inquiétante. Il ne se passe pas une semaine sans que je sois interpellé par des patients, leur famille ou le personnel médical, qui ressentent tous un profond malaise. En raison d'une péréquation mécanique, qui ne tient pas compte de ses spécificités économiques et sociales, le département de Seine-Saint-Denis a payé le prix fort à cet égard.
    Plusieurs exemples peuvent illustrer mon propos.
    Le 7 octobre dernier, le service des urgences en ophtalmologie de l'hôpital Robert-Ballanger d'Aulnay-sous-Bois, dont je suis président du conseil d'administration, devait fermer ses portes faute de moyens budgétaires. Et pourtant ce service recevait 4 300 patients par an ; il était d'autant plus sollicité qu'il palliait le manque endémique d'ophtalmologistes libéraux en Seine-Saint-Denis. Aujourd'hui, les patients sont dirigés vers Paris, avec les problèmes de transport que cela peut poser.
    A la mi-novembre, j'étais à la clinique Vauban à Livry-Gargan pour soutenir le personnel médical qui s'opposait à sa fermeture programmée. Celle-ci faisait suite au rachat par un grand groupe financé par les fonds de pension et qui répond plus aux exigences de profit qu'à celles des soins et du service public. Face à la mobilisation, le tribunal de commerce a accordé un sursis de six mois à la clinique, mais cela ne doit pas masquer l'état global dans lequel se trouve le secteur de l'obstétrique en Seine-Saint-Denis.
    En 1989, ce département comptait vingt-cinq maternités, cinq publiques et vingt privées. Depuis lors, dix des vingt maternités privées ont été fermées. La première conséquence de ces fermetures a été une diminution des naissances en maternité de type 1, à bas risque, au profit des maternités de type 2 et 3 ; cela sans dotation de moyens supplémentaires, malgré l'augmentation d'activité que cela a entraîné dans ces maternités et en dépit de l'augmentation générale des naissances. Autre conséquence : la remise en cause des progrès importants accomplis, sous l'impulsion du conseil général, pour lutter contre la mortalité périnatale, dont le taux était bien plus élevé dans ce département que la moyenne nationale. Aujourd'hui, la durée d'hospitalisation post-partum s'est rétrécie au maximum et le retour au domicile s'effectue sans accompagnement.
    Les restrictions budgétaires en Seine-Saint-Denis sont d'autant plus sévères que ce département paie un lourd tribut à la péréquation. L'hôpital de Montfermeil est en cessation de paiement et celui de Montreuil dans une situation budgétaire très précaire. Les établissements franciliens ont été au total ponctionnés d'environ 600 millions d'euros depuis la première application de la péréquation en 1996 ; et cela, je le répète, sans prendre en compte les spécificités économiques et sociales propres à chaque département.
    Pour revenir à l'ophtalmologie, le fait que la Seine-Saint-Denis compte une forte population ouvrière n'est pas sans conséquences sur la nécessité particulière d'avoir ce type de service d'urgence. En outre, dans un département où une forte partie de la population est en détresse économique et sociale, la notion de proximité prend une tout autre dimension et une importance réelle.
    Il faut aussi se préoccuper des moyens humains. On refuse parfois des patients, non par manque de lits mais par manque de personnel. On estime à 20 000 le nombre de postes d'infirmiers vacants en France, dont 200 dans les hôpitaux publics de Seine-Saint-Denis. Et encore, je parle des emplois vacants, pas des postes nécessaires dans l'immédiat pour assurer un fonctionnement normal des établissements de soins de plus de 1 000.
    Aujourd'hui, les hôpitaux ne sont pas à même de faire face aux problèmes posés par les 35 heures : on ne leur en donne pas les moyens et les restrictions budgétaires ne vont pas dans ce sens. Du fait d'une sensibilité croissante au risque médical, ce sont aussi des secteurs entiers de la profession médicale qui se retrouvent en danger : procéder à une anesthésie ou à une échographie représente à l'heure actuelle une responsabilité sans doute disproportionnée.
    Des mesures concrètes s'imposent, notamment un relèvement des quotas dans les écoles d'infirmières et de médecine. Le plan Hôpital 2007, au-delà des termes de « responsabilisation » et de « modernisation », pleins d'ambiguïté, n'aborde que trop peu la question du personnel. En outre, ces mesures s'inscrivent dans le long terme. Or nous sommes confrontés à des situations d'urgence qui exigent des solutions d'urgence.
    Quelles mesures immédiates le Gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre pour juguler cette hémorragie qui touche le système de santé en Seine-Saint-Denis, en ce qui concerne les moyens tant humains que financiers ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, qui m'a demandé de le représenter ce matin pour cette séance de questions.
    La pénurie d'infirmiers et d'infirmières que vous évoquez constitue en effet l'une des préoccupations de Jean-François Mattei. Même s'il est difficile d'établir un chiffrage précis de la carence, force est de constater que plusieurs régions sont plus particulièrement touchées, dont l'Ile-de-France, comme vous venez de le souligner.
    Face à cette situation, le Gouvernement a engagé un travail important. La politique de renforcement de l'attractivité des écoles d'infirmières a déjà permis d'atteindre 98 % des quotas d'élèves prévus. Il ne suffit pas, en effet, d'avoir des places disponibles - 26 500 à l'heure actuelle -, encore faut-il les pourvoir.
    De même, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la possibilité donnée aux infirmières de cumuler une pension de retraite et un revenu d'activité participe aussi de ce souci de développer l'attractivité de la profession. La réflexion est par ailleurs engagée sur la mise au point d'une politique de renforcement de l'attractivité des zones largement déficitaires, telle l'Ile-de-France.
    La péréquation budgétaire entre les hôpitaux, mise en oeuvre en 1996, était à l'origine justifiée par l'écart important qui existait entre le coût de l'offre de soins en Ile-de-France et le coût moyen à l'échelle nationale, qui était en 1997 de 20 %. Selon les chiffres de 2001, cet écart s'établit désormais à 11 %. L'effort réalisé est important. Jean-François Mattei a donc décidé de desserrer, l'année prochaine, la contrainte budgétaire qui pèse sur l'Ile-de-France : elle sera allégée de plus de 50 millions d'euros.
    Tels sont, monsieur le député, les éléments de réponse que je peux vous donner.

CR 12 REP_PUB Ile-de-France O