EFFECTIFS DES PERSONNELS HOSPITALIERS
EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président. La parole
est à M. François Asensi, pour exposer sa question n° 36, relative aux
effectifs de personnel hospitalier en Seine-Saint-Denis.
M.
François Asensi. Le système de santé en France est aujourd'hui dans une
situation inquiétante. Il ne se passe pas une semaine sans que je sois
interpellé par des patients, leur famille ou le personnel médical, qui
ressentent tous un profond malaise. En raison d'une péréquation mécanique, qui
ne tient pas compte de ses spécificités économiques et sociales, le département
de Seine-Saint-Denis a payé le prix fort à cet égard.
Plusieurs exemples peuvent illustrer
mon propos.
Le
7 octobre dernier, le service des urgences en ophtalmologie de
l'hôpital Robert-Ballanger d'Aulnay-sous-Bois, dont je suis président du conseil
d'administration, devait fermer ses portes faute de moyens budgétaires. Et
pourtant ce service recevait 4 300 patients par an ; il était d'autant plus
sollicité qu'il palliait le manque endémique d'ophtalmologistes libéraux en
Seine-Saint-Denis. Aujourd'hui, les patients sont dirigés vers Paris, avec les
problèmes de transport que cela peut poser.
A la mi-novembre, j'étais à la
clinique Vauban à Livry-Gargan pour soutenir le personnel médical qui s'opposait
à sa fermeture programmée. Celle-ci faisait suite au rachat par un grand groupe
financé par les fonds de pension et qui répond plus aux exigences de profit qu'à
celles des soins et du service public. Face à la mobilisation, le tribunal de
commerce a accordé un sursis de six mois à la clinique, mais cela ne doit
pas masquer l'état global dans lequel se trouve le secteur de l'obstétrique en
Seine-Saint-Denis.
En 1989,
ce département comptait vingt-cinq maternités, cinq publiques et
vingt privées. Depuis lors, dix des vingt maternités privées ont été
fermées. La première conséquence de ces fermetures a été une diminution des
naissances en maternité de type 1, à bas risque, au profit des maternités
de type 2 et 3 ; cela sans dotation de moyens supplémentaires, malgré
l'augmentation d'activité que cela a entraîné dans ces maternités et en dépit de
l'augmentation générale des naissances. Autre conséquence : la remise en cause
des progrès importants accomplis, sous l'impulsion du conseil général, pour
lutter contre la mortalité périnatale, dont le taux était bien plus élevé dans
ce département que la moyenne nationale. Aujourd'hui, la durée d'hospitalisation
post-partum s'est rétrécie au maximum et le retour au domicile s'effectue sans
accompagnement.
Les restrictions
budgétaires en Seine-Saint-Denis sont d'autant plus sévères que ce département
paie un lourd tribut à la péréquation. L'hôpital de Montfermeil est en cessation
de paiement et celui de Montreuil dans une situation budgétaire très précaire.
Les établissements franciliens ont été au total ponctionnés d'environ
600 millions d'euros depuis la première application de la péréquation
en 1996 ; et cela, je le répète, sans prendre en compte les spécificités
économiques et sociales propres à chaque département.
Pour revenir à l'ophtalmologie, le
fait que la Seine-Saint-Denis compte une forte population ouvrière n'est pas
sans conséquences sur la nécessité particulière d'avoir ce type de service
d'urgence. En outre, dans un département où une forte partie de la population
est en détresse économique et sociale, la notion de proximité prend une tout
autre dimension et une importance réelle.
Il faut aussi se préoccuper des
moyens humains. On refuse parfois des patients, non par manque de lits mais par
manque de personnel. On estime à 20 000 le nombre de postes d'infirmiers vacants
en France, dont 200 dans les hôpitaux publics de Seine-Saint-Denis. Et
encore, je parle des emplois vacants, pas des postes nécessaires dans l'immédiat
pour assurer un fonctionnement normal des établissements de soins de plus de 1
000.
Aujourd'hui, les hôpitaux ne
sont pas à même de faire face aux problèmes posés par les 35 heures : on ne
leur en donne pas les moyens et les restrictions budgétaires ne vont pas dans ce
sens. Du fait d'une sensibilité croissante au risque médical, ce sont aussi des
secteurs entiers de la profession médicale qui se retrouvent en danger :
procéder à une anesthésie ou à une échographie représente à l'heure actuelle une
responsabilité sans doute disproportionnée.
Des mesures concrètes s'imposent,
notamment un relèvement des quotas dans les écoles d'infirmières et de médecine.
Le plan Hôpital 2007, au-delà des termes de « responsabilisation » et de «
modernisation », pleins d'ambiguïté, n'aborde que trop peu la question du
personnel. En outre, ces mesures s'inscrivent dans le long terme. Or nous sommes
confrontés à des situations d'urgence qui exigent des solutions d'urgence.
Quelles mesures immédiates le
Gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre pour juguler cette hémorragie qui
touche le système de santé en Seine-Saint-Denis, en ce qui concerne les moyens
tant humains que financiers ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué à la famille.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le
député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. le ministre de
la santé, de la famille et des personnes handicapées, qui m'a demandé de le
représenter ce matin pour cette séance de questions.
La pénurie d'infirmiers et
d'infirmières que vous évoquez constitue en effet l'une des préoccupations de
Jean-François Mattei. Même s'il est difficile d'établir un chiffrage précis de
la carence, force est de constater que plusieurs régions sont plus
particulièrement touchées, dont l'Ile-de-France, comme vous venez de le
souligner.
Face à cette
situation, le Gouvernement a engagé un travail important. La politique de
renforcement de l'attractivité des écoles d'infirmières a déjà permis
d'atteindre 98 % des quotas d'élèves prévus. Il ne suffit pas, en effet, d'avoir
des places disponibles - 26 500 à l'heure actuelle -, encore faut-il les
pourvoir.
De même, dans le cadre
du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la possibilité donnée
aux infirmières de cumuler une pension de retraite et un revenu d'activité
participe aussi de ce souci de développer l'attractivité de la profession. La
réflexion est par ailleurs engagée sur la mise au point d'une politique de
renforcement de l'attractivité des zones largement déficitaires, telle
l'Ile-de-France.
La péréquation
budgétaire entre les hôpitaux, mise en oeuvre en 1996, était à l'origine
justifiée par l'écart important qui existait entre le coût de l'offre de soins
en Ile-de-France et le coût moyen à l'échelle nationale, qui était en 1997 de 20
%. Selon les chiffres de 2001, cet écart s'établit désormais à 11 %.
L'effort réalisé est important. Jean-François Mattei a donc décidé de desserrer,
l'année prochaine, la contrainte budgétaire qui pèse sur l'Ile-de-France : elle
sera allégée de plus de 50 millions d'euros.
Tels sont, monsieur le député, les
éléments de réponse que je peux vous donner.