Texte de la QUESTION :
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M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité d'assister davantage les victimes de délits dans le recouvrement des dommages et intérêts qui leur ont été accordés par les tribunaux. En effet, une fois le jugement devenu définitif, les victimes se retrouvent seules. Elles doivent effectuer elles-mêmes les démarches, par la voie amiable, puis éventuellement par voie d'huissier. Cela pose des problèmes aux victimes, qui peuvent avoir été traumatisées par l'agression dont elles ont été victimes, et souhaiter clore le dossier au plus vite. Le fait d'avoir encore affaire à leurs agresseurs après le jugement peut s'avérer difficile à vivre. Les victimes peuvent également ne pas oser entreprendre les démarches face à des délinquants qui retrouvent vite leur arrogance une fois sortis du processus judiciaire. Enfin, le recours à un huissier représente un coût qui peut faire hésiter les victimes, surtout lorsque les sommes sont faibles ou que les débiteurs sont notoirement insolvables. Cette situation, très pénible pour les victimes, peut être ressentie comme une justice imparfaitement rendue, car n'étant pas allée assez loin dans l'accompagnement des victimes. Il lui demande ce qu'il compte faire pour répondre aux attentes des victimes concernant le recouvrement des dommages et intérêts qui leurs sont légitimement dus.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire qu'il existe un régime d'indemnisation autonome des victimes d'infractions régi par les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale. Les victimes d'infractions peuvent, indépendamment de la procédure pénale, dans le délai de trois ans à compter de la date des faits ou dans l'année suivant la dernière décision de justice rendue, saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), juridiction civile autonome instituée au sein de chaque tribunal de grande instance. L'indemnité allouée à la victime, fixée par la CIVI, est versée par le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), qui bénéficie d'une action récursoire contre l'auteur. Cette procédure permet à la victime de recevoir l'indemnisation de son préjudice, même si l'auteur est insolvable ou inconnu. Pour les victimes d'infractions graves d'atteinte à la personne, l'indemnisation du préjudice est intégrale. Les victimes d'atteinte légère à la personne ainsi que les victimes d'atteinte aux biens ayant subi des faits d'escroquerie, d'abus de confiance, d'extorsion de fonds, de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien, ont un droit à indemnisation plafonné et soumis à des conditions de ressources, notamment. L'activité des CIVI ne cesse de croître comme le montre la forte progression des demandes déposées auprès des CIVI et du FGTI (16 397 dossiers ouverts au FGTI en 2003, soit 20 % de plus qu'en 2000 et deux fois plus qu'en 1995) ainsi que les sommes versées par le FGTI (188 millions d'euros en 2003). Cette progression est la marque d'une amélioration régulière de l'accès des victimes au droit à l'indemnisation. Cependant, dans le cadre de son programme d'action en faveur des victimes, le garde des sceaux a souhaité que des améliorations soient encore apportées aux procédures d'indemnisation des victimes d'infractions. Aussi la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité introduit une offre obligatoire d'indemnisation par le FGTI dès la saisine de la CIVI, afin d'accélérer le règlement des dossiers ne faisant pas l'objet de contestation tout en préservant les droits de la victime. En outre, dans le cadre du Conseil national de l'aide aux victimes, un groupe de travail a été chargé de faire des propositions concrètes visant à faciliter l'accès, accélérer et rendre plus compréhensible par les victimes la procédure d'indemnisation devant les CIVI. Le groupe de travail devra rendre un pré-rapport au cours de l'été 2004. En dehors du champ de compétences de la CIVI, il appartient à la victime de recouvrer auprès de l'auteur les sommes qui lui ont été allouées par la juridiction, et en cas de difficulté de s'adresser à un huissier de justice. Cet auxiliaire de justice est en effet seul habilité à mettre en oeuvre les voies d'exécution forcée, notamment la saisie sur salaire ou la saisie sur compte bancaire. Les frais d'huissier sont, en vertu de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, destinés à être supportés par le débiteur en sus du principal de la dette. Néanmoins, le créancier peut être amené à en faire l'avance, sauf s'il bénéficie des conditions de ressources lui permettant une prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle. Depuis la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, les victimes des infractions les plus graves n'ont plus à débourser les frais d'avocats et d'huissiers, et bénéficient de plein droit de l'aide juridictionnelle quel que soit le montant de leurs ressources. Si l'huissier de justice rencontre des difficultés dans la recherche des renseignements utiles à la poursuite de l'exécution du jugement, il a désormais, depuis la loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires et juridiques, la possibilité d'interroger directement le fichier des comptes bancaires (FICOBA). L'huissier de justice chargé de l'exécution dispose également de la faculté d'interroger le fichier des immatriculations pour savoir si le débiteur est propriétaire de véhicules susceptibles d'être saisis. En outre, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité prévoit qu'en cas de médiation ou de composition pénale, lorsque l'auteur s'est engagé à verser des dommages intérêts à la victime, celle-ci a la possibilité, au vu du procès-verbal ou de l'ordonnance de validation, d'en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer prévue par le nouveau code de procédure civile. Enfin, le garde des sceaux souhaite rappeler à l'honorable parlementaire l'existence d'un dispositif législatif particulier qui réprime spécifiquement le fait d'organiser frauduleusement son insolvabilité, soit en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine, soit en réduisant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens. Prévue par l'article 314-7 du code pénal, cette infraction est réprimée par trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. L'article 314-8 du même code prévoit par ailleurs que la personne condamnée comme complice de l'infraction peut être tenue solidairement aux obligations pécuniaires résultant de la condamnation à laquelle l'auteur principal a voulu se soustraire, dans la limite des fonds ou de la valeur vénale des biens reçus à titre gratuit ou onéreux.
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