RELATIONS COMMERCIALES
ENTRE LA GRANDE DISTRIBUTION
ET SES
FOURNISSEURS
M. le président. La
parole est à M. Dominique Paillé, pour exposer sa question, n° 370,
relative aux relations commerciales entre la grande distribution et ses
fournisseurs.
M. Dominique Paillé. Monsieur le ministre de
l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, je
souhaite vous interroger sur les relations entre les producteurs agricoles et la
grande distribution. Ce domaine qui relève tout à la fois de votre compétence et
de celle de votre collègue Renaud Dutreil.
Ces relations souffrent à
l'évidence d'un certain nombre de dérives auxquelles les organisations
agricoles, quelles qu'elles soient, se sont violemment opposées par des actions
spectaculaires sur le terrain, dénonçant ce qu'elles appellent « le racket de la
grande distribution ».
Le
Gouvernement a annoncé des mesures nouvelles et a renforcé, depuis l'année
passée, les contrôles exercés par la DGCCRF. Pourtant, aucun dossier n'a jamais,
à ma connaissance, été étudié par la commission d'examen des pratiques
commerciales, au point que certains en viennent à s'interroger sur la réelle
utilité de cette instance. Des procédures judiciaires sont néanmoins en cours
dans plus de la moitié des départements. Toutes les enseignes sont concernées ;
les faits portent sur la surpénalisation des conditions générales de vente,
l'absence de contrats de coopération commerciale, le paiement avant prestation,
la facturation de services fictifs ou disproportionnés, et bien d'autres sujets
encore.
Le renforcement des
procédures de contrôle apparaît aujourd'hui incontournable et même
indispensable. Par crainte de se voir déréférencer, nombre de fournisseurs
hésitent à se hasarder dans des procédures aux résultats très incertains.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous informer sur l'évolution de ce dossier,
notamment au regard de l'aboutissement des procédures en cours, et nous indiquer
si le Gouvernement envisage de prendre des mesures nouvelles pour garantir la
clarification des relations commerciales, mieux faire appliquer le droit à la
concurrence, sanctionner toutes les pratiques abusives et redonner ainsi
confiance aux consommateurs comme aux agriculteurs producteurs, afin que ces
derniers aient le sentiment de pouvoir décemment vivre de leurs productions ?
M. Michel Hunault et
M. Mansour Kamardine. Très bien !
M. le président. La
parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la
pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de
la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous soulevez là un
sujet de préoccupation constant dans mon action à la tête du ministère chargé de
l'agriculture, sujet que je partage avec le secrétaire d'Etat chargé de la
consommation, et dont le conflit de la fin de l'année entre le monde agricole et
la grande distribution a rappelé l'extrême sensibilité.
Ainsi que vous le savez, la loi du
15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques a fait évoluer le
cadre de notre action. Le respect des dispositions du titre II relatif à la
moralisation des pratiques commerciales a fait l'objet de contrôles effectués
par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes, sous forme d'une enquête nationale sur les
caractéristiques de la coopération commerciale. Cette enquête a permis de
collecter des informations auprès de toutes les centrales de référencement et
d'achat pour la période de 1999 à 2003, et auprès de plus de deux cents
fournisseurs dans quarante-six départements. Les rapports d'enquête ont été
exploités et ont déjà donné lieu à dix-neuf assignations en cours relevant du
droit civil et regroupant des pratiques systématiques contraires à la loi, ainsi
qu'à deux cent cinquante procès-verbaux.
S'agissant de la commission
d'examen des pratiques commerciales, sa composition, conformément au souhait de
la profession agricole, a été élargie et garantit désormais une représentation
directe des producteurs agricoles. Composée également de parlementaires et de
représentants des administrations, cette instance a pour fonction d'observer
l'évolution de ces pratiques, d'identifier celles qui sont abusives et de
favoriser l'adoption de pratiques contractuelles équilibrées. Elle a, à ce
titre, récemment transmis ses préconisations sur le projet de circulaire relatif
à la négociation commerciale.
Cette circulaire, publiée par mon
collègue Renaud Dutreil le 25 mai dernier, a pour objectif, en redonnant un
espace de négociation entre les partenaires, de revenir sur les dérives
constatées sur les marges arrière et de mieux les contrôler à l'avenir.
S'agissant du droit de la
concurrence dans les relations commerciales avec la production agricole, le
Sénat, lors de sa séance du 27 mars 2003, a adopté plusieurs amendements au
projet de loi sur l'initiative économique. Il a notamment inséré un article
additionnel instaurant un nouveau dispositif visant à interdire les prix de
cession abusivement bas, désormais considérés comme un délit civil, en
particulier lorsqu'ils sont pratiqués en situation de crise conjoncturelle des
produits agricoles sensibles, telle que définie dans le code rural.
Ce dispositif consiste à introduire
une action en responsabilité et réparation du préjudice subi devant le tribunal
compétent. Les ministres en charge de l'agriculture et de l'économie peuvent
demander le prononcé d'une amende civile de 2 millions d'euros maximum, au
nom du trouble apporté à l'ordre public économique. La notion de prix
abusivement bas sera appréciée par le juge au regard notamment du coût de
production des produits.
L'objectif de ce nouveau dispositif
est de protéger les agriculteurs contre les pratiques tarifaires prédatrices
mettant en péril la survie des exploitations agricoles en période de crise
conjoncturelle. Sont visés le vendeur mais aussi l'acheteur qui fait pratiquer
ces prix abusivement bas.
Grâce
à ce dispositif et à plusieurs autres amendements dont j'espère que l'Assemblée
nationale confirmera l'adoption, notamment pour l'amélioration et l'extension
des dispositions prévues par la loi NRE, les engagements que nous avons pris
avec le secrétaire d'Etat chargé de la consommation au nom du Gouvernement, à la
fin de l'année dernière, seront tenus. Nous disposerons d'instruments nouveaux
qui nous permettront de mieux répondre aux difficultés récurrentes rencontrées
par le secteur des produits frais. Ainsi, l'intérêt de l'agriculteur rejoindra
celui du consommateur.
Parmi
toutes ces dispositions sur lesquelles l'Assemblée nationale aura l'occasion de
se prononcer dans les semaines qui viennent, il en est une particulièrement
importante qui concerne les interprofessions. En effet, moraliser et rendre plus
équitables les relations entre la production et la distribution suppose
évidemment d'appliquer efficacement les différents, textes, notamment ceux qui
résultent de la loi sur les nouvelles relations économiques ; mais cela suppose
aussi, du côté de la production, un effort pour mieux organiser des filières
qui, en l'état actuel des choses, le sont fort mal. L'outil législatif dont nous
serons désormais dotés nous permettra précisément de renforcer ces
interprofessions.
Tels sont,
monsieur le député, les quelques éléments de réponse que je voulais vous
apporter.
M. Michel Hunault et
M. Mansour Kamardine. Très bien !