ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT
DE LA TRUFFICULTURE
M. le président. La
parole est à M. Frédéric Soulier, pour exposer sa question
n° 372, relative à l'organisation et au développement de la
trufficulture.
M. Frédéric Soulier. Monsieur le ministre de
l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, j'appelle
votre attention sur le fleuron médiatique des produits agricoles de France : la
truffe.
La première fête
nationale de la truffe a eu lieu le 6 février dernier à Chartrier-Ferrière,
en Causse corrézien, à 15 kilomètres de Brive-la-Gaillarde où nous avons eu
le plaisir de vous accueillir. Cet événement inédit, d'ampleur nationale, a
rassemblé les familiers du « diamant noir » du Quercy, du Périgord, du Limousin,
de Bourgogne, de Lorraine, de Provence et de Touraine, et tous les médias locaux
et nationaux. Cette première édition a fait parler d'elle ; une équipe de la
télévision anglaise BBC, ainsi que la Télévision Suisse Romande ont relayé cet
événement hors de nos frontières.
Chartrier-Ferrière, en Corrèze, est
le berceau de la truffe. La première truffière expérimentale y a été créée en
1978 sous l'égide de l'Institut national de la recherche agricole - INRA.
Trois axes de recherche ont été déterminés : conduite des truffiers en verger ;
fertilisation et irrigation des plants ; étude de l'écosystème truffier. Cette
recherche expérimentale a donné un nouvel élan à la production trufficole
jusqu'alors mal maîtrisée en raison de la méconnaissance de la biologie du
champignon.
Aujourd'hui les
résultats obtenus en Corrèze servent de référence nationale pour une
trufficulture moderne. La première étape de « recalibrage » de la production est
close ; celle de la « labellisation » de la qualité est venue. Dans ce sens, les
objectifs poursuivis par les professionnels de la corporation sont au nombre de
quatre : poursuivre les aides de l'Etat dans le cadre des contrats pour
l'agriculture durable permettant ainsi la relance des plantations ; moraliser
les marchés français face à l'invasion de la Tuber
indicum appelée truffe de Chine ; obtenir la défiscalisation des terrains
truffiers en changeant l'appellation « verger » qui classe ces terres dans une
catégorie bien spécifique mais différente de la réalité, en assimilant les
truffières aux forêts ou aux bois ; enfin, et surtout, obtenir le label « Truffe
de France » permettant aux consommateurs d'apprécier la qualité et l'origine de
la provenance.
Envisagez-vous,
monsieur le ministre, de prendre des mesures afin de faire évoluer la
législation en vigueur, de créer un référentiel et un label pour l'un des
produits les plus médiatiques sur le plan économique et culturel de notre pays,
la truffe ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la
pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de
la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, je vous remercie
d'introduire la truffe et Chartrier-Ferrière dans cet hémicycle ! (Sourires.)
Je connais votre intérêt pour les
perspectives de développement du secteur de la truffe dont la production en
France, après s'être élevée à 1 000 tonnes au début du xxe siècle, a
atteint son étiage au début des années 80. Grâce aux efforts des
producteurs et aux actions engagées par les pouvoirs publics, elle représente
aujourd'hui de 40 à 50 tonnes par an et concerne 20 000 producteurs
dans notre pays.
Dans le cadre
d'une procédure décentralisée confiée aux régions, des contrats d'agriculture
durable pourront être négociés avec les professionnels de secteurs présentant un
fort intérêt territorial et environnemental. L'activité trufficole s'inscrit
très naturellement dans cette perspective.
Le programme de développement de la
trufficulture et de reconstitution d'un verger truffier en Europe, lancé par le
groupement européen TUBER, est actuellement en cours d'examen par les instances
de la Commission européenne. Prévu pour la période 2003-2007, ce programme
d'initiative communautaire associe la France, l'Italie et l'Espagne sur des
objectifs communs de recherche, d'expérimentation, de mise en place des
conditions de reconstitution d'un verger truffier européen reprises dans des
dispositifs nationaux. La formation professionnelle des acteurs, l'information
et la diffusion des résultats de la recherche et de l'information sont également
concernées par ce projet européen.
Le commissaire européen Franz
Fischler a apporté une première réponse sur le sujet du développement rural ;
elle renvoie les professionnels aux dispositifs nationaux, notamment le plan de
développement rural national - PDRN - et les contrats d'agriculture
durable - CAD. Cette réponse nécessite à présent d'être expertisée au
niveau national. J'ai demandé à mes services d'analyser les suites concrètes qui
peuvent être envisagées le plus rapidement possible sur cette base.
Sur la partie consacrée à la
recherche, qui constitue un axe majeur du projet, les réponses de la Commission
ne sont pas encore connues. Je vais m'enquérir du stade de l'instruction de ce
dossier et demander à la Commission de faire connaître sa position sur ce sujet
dans des délais rapprochés. J'ai décidé, en effet, de l'informer que les
pouvoirs publics français soutiennent sans réserve cette initiative, qui est de
nature à améliorer et à renforcer grandement la cohérence des actions déjà
engagées dans le secteur, tant au niveau national que dans le cadre du programme
européen Demeter.
Je rappelle
que d'autres réflexions sont actuellement menées. Ainsi, concernant la
défiscalisation des truffières, qui pourraient être considérées comme des bois
et non comme des vergers, des réunions avec les professionnels vont permettre
d'analyser les difficultés techniques et juridiques et de proposer les mesures
qui pourraient être envisagées au niveau national, par exemple dans le cadre du
projet de loi en faveur du monde rural que je présenterai à la rentrée
prochaine.
S'agissant de la
concurrence chinoise, la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes, qui effectue annuellement des
contrôles sur toutes les truffes commercialisées en France, a mis en oeuvre
cette année un dispositif spécifique visant les importations frauduleuses de
truffes chinoises. En liaison avec les services des douanes, une enquête
spécifique est en cours pour identifier les réseaux de commercialisation et
contrôler les truffes chinoises sur les marchés et chez les divers
utilisateurs.
Enfin, un accord
interprofessionnel sur les normes minimales de commercialisation de la truffe
est en cours de préparation. Il améliorera la transparence du marché et
permettra une meilleure information, donc une fidélisation plus grande du
consommateur.
On peut en effet,
monsieur le député, imaginer que tous ces effort convergents, tout cet amour
pour ce superbe produit, pourraient trouver leur couronnement dans la création
d'un label.
Comme vous l'avez
dit, la production de truffes faitpartie du patrimoine culinaire et culturel
national. Le programme TUBER vise à la conforter, en plus des actions menées par
mon ministère pour assurer un complément de revenus aux exploitations situées
dans des zones peu peuplées, notamment dans le sud de la France, et à encourager
l'entretien de l'espace rural, le maintien des traditions et la valorisation des
terroirs.
C'est pour manifester
l'intérêt que je porte à cette production que j'ai tenu à participer à la
première fête nationale de la truffe, qui s'est tenue en février dernier à
Chartrier-Ferrière, chez vous, monsieur le député.