Texte de la QUESTION :
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M. Pierre-Louis Fagniez appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés consécutives à un accident de service d'un agent de la fonction publique dans l'exercice de son travail. L'État étant son propre assureur, et selon la législation en vigueur pour l'administration, la réparation des dommages résultant d'un accident de service revêt un caractère forfaitaire. Aucune réparation n'est ainsi prévue par l'administration pour les chefs de préjudice tels que pretium doloris, préjudice esthétique, d'agrément et moral. Elle indemnise pourtant des vêtements, des lunettes et le matériel détérioré pendant le service. Cette situation met en lumière l'iniquité subie par les travailleurs du secteur public dans ce domaine, puisque ceux-ci ne peuvent prétendre à une indemnisation, l'État étant à la fois assureur et employeur. En outre, aucune mesure ne permet de remédier au préjudice de carrière lorsque l'invalidité de la personne entraîne sa retraite anticipée. Or, le premier alinéa de l'article 12 de la loi 85-677 du 5 juillet 1985 précise : « L'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne. » Il souhaiterait donc savoir si l'État, qui demeure son propre assureur, peut être tenu à l'application de ce texte. De même, un malade pouvant bénéficier d'un congé d'une durée maximale de trois ans avec le bénéfice du plein traitement, et deux ans à demi-traitement, il lui demande dans un souci d'équité de bien vouloir lui indiquer les dispositions qu'il pense adopter afin d'empêcher la mise en retraite d'office des handicapés lourds en dépit de leur volonté souvent exprimée de réinsertion.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, par une décision rendue le 4 juillet 2003 (CE Ass., 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville), l'assemblée du contentieux du Conseil d'État a profondément remanié sa jurisprudence relative à la réparation des dommages subis par les agents publics à la suite d'accidents de service ou de maladies professionnelles. Des dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant plus obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. S'agissant des dommages causés par les véhicules dont les personnes publiques ont la propriété ou la garde, la Cour de cassation juge que même lorsque la victime est agent de l'État, elle a droit à la réparation intégrale de son préjudice (Cass. 2e civ., 14 mars 1990, agent judiciaire du Trésor c/Saz). Par ailleurs, l'article 24 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 assimile l'État à un assureur notamment pour l'application du premier alinéa de l'article 12 de la même loi aux termes duquel « l'assureur qui garantit la responsabilité du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ». Enfin, il est rappelé à l'honorable parlementaire que l'aptitude physique de l'agent pour l'exercice de ses fonctions constitue l'une des cinq conditions, énoncées à l'article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, nécessaires pour prétendre à la qualité de fonctionnaire. Lorsque le fonctionnaire de l'État a été reconnu, par suite d'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 dispose que son poste de travail doit être adapté et que, à défaut, le fonctionnaire peut être reclassé dans un autre corps sous réserve qu'il en fasse la demande et que les conditions de l'emploi de reclassement permettent à l'intéressé de remplir les fonctions correspondantes. L'hypothèse d'une inaptitude générale à n'importe quel emploi est prévue par la combinaison des articles 47 et 48 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Il en ressort que le fonctionnaire qu'il est impossible de reclasser à l'issue de son congé de longue maladie ou de longue durée peut être placé en disponibilité. Au bout de trois années de disponibilité, si le reclassement est toujours impossible, l'article 47 du décret permet d'admettre l'intéressé à la retraite. Ainsi, l'admission à la retraite doit être regardée comme n'intervenant qu'après l'épuisement de toutes les modalités offertes par les textes pour réintégrer le fonctionnaire, ce qui est conforme au principe général du droit selon lequel il appartient à l'employeur de reclasser le salarié inapte physiquement à occuper son emploi et de ne recourir à son licenciement qu'en cas d'impossibilité de reclassement (CE, 2 octobre 2002, chambre du commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle).
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