CONSÉQUENCES DE LA SUPPRESSION
DES EMPLOIS-JEUNES
ET DES
AIDES-ÉDUCATEURS
M. le président. La
parole est à Mme Odile Saugues, pour exposer sa question, n° 383,
relative aux conséquences de la suppression des emplois-jeunes et des
aides-éducateurs.
Mme Odile Saugues.
Madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, les
emplois-jeunes ont particulièrement démontré leur utilité dans les secteurs
urbains les plus fragiles et chacun d'entre nous sait très bien que, pour
encourager la mise en place d'une politique de la ville volontariste, le facteur
humain est déterminant. Grâce à ce dispositif, de nombreuses associations qui
oeuvrent dans les quartiers les plus démunis de nos villes ont pu multiplier,
d'ailleurs avec le soutien de l'Etat et des collectivités locales, les missions
de prévention, de réinsertion, d'animation, d'accompagnement, qui ont rencontré
un vif succès. Ces emplois ont souvent permis de fédérer de nombreuses actions,
qui, bien souvent, n'étaient pas suffisamment coordonnées. C'est aussi le cas
pour les aides-éducateurs. Tous les élus qui ont, dans leur circonscription, des
établissements classés en zone d'éducation prioritaire savent très bien le
travail formidable effectué par ces jeunes et le soutien qu'ils ont apporté aux
équipes enseignantes.
Je
prendrai pour seul exemple le quartier de la Gauthière à Clermont-Ferrand, que
je connais tout particulièrement pour y avoir vécu vingt-sept ans. Avec l'aide
de trente-deux emplois-jeunes ou aides-éducateurs, dont seize sont présents en
permanence dans le quartier, au sein des associations et des établissements
scolaires, de nombreuses actions ont pu y voir le jour : des ateliers
informatiques ont été créés, des échanges internationaux se sont développés, le
partenariat avec les associations du quartier et celui entre les associations et
les écoles ont été confortés, des animations culturelles ont été mises en place,
la surveillante et la sécurité ont été accrues, notamment dans les deux écoles
Jean-de-La Fontaine et Charles-Perrault ainsi qu'au collège de
La Charme, tous classés en zone d'éducation prioritaire.
La disparition programmée de ces
emplois va non seulement pénaliser ces jeunes et leurs familles, mais aussi
porter atteinte à l'équilibre du quartier en remettant en cause des activités et
des services qui étaient reconnus et appréciés de tous les habitants qui
souffraient d'un certain isolement. Alors que le Gouvernement entend poursuivre
la politique de la ville en réactivant les zones franches pour tenter
d'encourager les activités économiques - malgré les effets d'aubaine que
l'on connaît - comment entend-il conforter dans nos quartiers les activités
associatives, culturelles et éducatives s'il décide de supprimer les moyens
humains qui portaient ces actions ?
M. le président. La
parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité
professionnelle.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité
professionnelle. Madame la députée, le Gouvernement a abordé avec
pragmatisme les suites à donner au programme « Nouveaux services emplois-jeunes
», soucieux, avant toute chose, du sort des jeunes qui s'y étaient engagés. Sa
décision d'arrêter les nouvelles entrées est justifiée, vous le savez, d'abord
par le coût du programme - plus de trois milliards d'euros chaque année, en
pleine charge - et surtout par le fait que celui-ci ne s'adressait pas aux
jeunes qui rencontraient les plus grandes difficultés d'accès à l'emploi. C'est
la raison pour laquelle ce programme n'a pas été en mesure de contre-carrer la
reprise du chômage des jeunes, observée dès 2001, contrairement aux contrats
jeunes en entreprise, mis en place dès cet été.
Pour autant, cette décision ne peut
pas être considérée comme une marque de désintérêt de la part du
Gouvernement - loin s'en faut - ni comme un abandon des 150
000 jeunes encore concernés. Le poids budgétaire de ce programme dans la
loi de finances 2003, qui s'élève à 2,7 milliards d'euros, l'atteste
suffisamment. Ainsi, les conventions en cours d'exécution iront à leur terme.
Cette mesure vaut évidemment pour les aides-éducateurs auxquels vous faisiez
référence. En ce qui concerne les fonctions sans aucun doute utiles que
remplissent les aides-éducateurs, je vous rappelle qu'à l'initiative de mon
collègue Luc Ferry, le Gouvernement mettra en place, dès l'année prochaine, un
nouveau dispositif d'assistant d'éducation. Celui-ci est destiné, dans des
conditions plus satisfaisantes que celles des emplois-jeunes, à organiser de
façon pérenne la prise en charge de ces besoins de l'éducation nationale :
statut permanent, et non limité à cinq ans, comme l'était le programme
emplois-jeunes ; contrat de droit public pour éviter une confusion des genres
public/privé, comme dans le cas des aides-éducateurs ; contrat de trois ans
renouvelable une fois.
Par
ailleurs, le Gouvernement mettra en place cette année le « contrat d'insertion
dans la vie sociale », qui permettra notamment à des jeunes en difficulté
d'acquérir une première expérience professionnelle reconnue, en travaillant
pendant trois ans dans des associations d'utilité sociale. Voilà, madame, les
éléments que je suis en mesure de vous apporter.
M. le président. La
parole est à Mme Odile Saugues.
Mme Odile Saugues.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui hélas ! ne me
surprend guère. Vous avez parlé de pragmatisme et de coût du programme. Ces mots
difficiles à entendre, je les transmettrai aux trente-deux jeunes qui m'ont
mandatée aujourd'hui ainsi qu'aux 900 habitants signataires de la
pétition.
Au passage, je
voudrais souligner que faire signer une pétition par 900 habitants,
c'est-à-dire 15 % environ de la population d'un quartier que l'on dit
difficile, marqué par des difficultés économiques et l'émergence de phénomènes
communautaristes, montre que la solidarité n'est pas un vain mot et peut
mobiliser des énergies.
Mais
votre réponse n'est pas à la hauteur de l'enjeu, à la hauteur de la très grande
angoisse et du malaise que connaissent le mouvement associatif, le milieu
scolaire et périscolaire : inquiétude des professionnels proches de
l'enseignement, comme ceux des CIO, les centres d'information et d'orientation ;
menaces sur les associations qui interviennent en complément du service de
l'enseignement public, la réduction des inégalités sociales et culturelles
passant par un travail en liaison avec les jeunes dans les quartiers ;
inquiétude aussi à propos du logement, puisque, vous le savez, les gels des
crédits correspondants pénalisent beaucoup les bailleurs sociaux. Ce sont autant
de soucis qui cristallisent autour des problèmes que je viens d'évoquer et sur
lesquels ma question, qui concerne un sujet particulier, focalise
l'attention.
En tout état de
cause, je reste convaincue que le Gouvernement devra, dans l'urgence, apporter
des réponses à la mesure des enjeux, parce que les acteurs de terrain se sentent
vraiment délaissés.