FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 386  de  M.   Anciaux Jean-Paul ( Union pour un Mouvement Populaire - Saône-et-Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  02/06/2003  page :  4141
Réponse publiée au JO le :  04/06/2003  page :  4384
Rubrique :  hôtellerie et restauration
Tête d'analyse :  débits de boissons
Analyse :  gérants. accidents de la route. implication
Texte de la QUESTION : M. Jean-Paul Anciaux attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la condamnation prononcée le 2 avril 2003 par le tribunal correctionnel de Dijon à l'encontre d'un débitant de boissons. Même s'il ne lui appartient aucunement de commenter cette décision judiciaire, il s'interroge néanmoins sur les conséquences que peut avoir une trop grande responsabilisation des débitants de boissons qui ne sont pas en mesure de contrôler le comportement de leurs clients, ni de déterminer leur imprégnation alcoolique. La loi ne fait interdiction aux cafetiers que de donner à boire de l'alcool à des personnes manifestement ivres. Cette appréciation est particulièrement délicate et la notion d'état d'ivresse est très différente de celle d'imprégnation alcoolique. Une personne avec un fort taux d'alcool dans le sang peut très bien ne présenter aucun signe d'ivresse alors que l'inverse est également possible. Il lui demande si des orientations de politiques pénales ont été données en la matière et comment il compte mettre en oeuvre les axes de la lutte contre la délinquance routière tout en préservant les conditions d'une exploitation satisfaisante des débits de boissons. Il attire l'attention du Gouvernement sur le fait que chaque débit de boissons est une entreprise qui compte un ou plusieurs salariés, et qu'à ce titre elle concourt au maintien et au développement économique de notre pays.
Texte de la REPONSE :

CONDAMNATION D'UN DÉBITANT DE BOISSONS
À LA SUITE D'UN ACCIDENT DE LA ROUTE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour exposer sa question, n° 386, relative à la condamnation d'un débitant de boissons à la suite d'un accident de la route.
    M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    Monsieur le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice je souhaite attirer votre attention sur la condamnation prononcée le 2 avril 2003 par le tribunal correctionnel de Dijon à l'encontre d'un débitant de boissons. Même s'il ne m'appartient aucunement de commenter une décision de justice, je m'interroge sur les conséquences que peut avoir une trop grande responsabilisation des débitants de boissons, qui ne sont pas en mesure de contrôler le comportement de leurs clients ni de déterminer leur imprégnation alcoolique.
    La loi ne fait interdiction aux cafetiers que de « donner à boire de l'alcool à des personnes manifestement ivres ». Cette appréciation est particulièrement délicate et la notion d'état d'ivresse est très différente de celle d'imprégnation alcoolique. Une personne avec un fort taux d'alcool dans le sang peut très bien ne présenter aucun signe d'ivresse alors que l'inverse est également possible. Compte tenu de l'absence de critères d'appréciation objectifs de l'état d'ébriété d'un individu, des orientations particulières de politique pénale ont-elles été données en la matière ?
    Par ailleurs, comment le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre la lutte contre la délinquance routière sous emprise de l'alcool tout en préservant les conditions d'une exploitation satisfaisante des débits de boissons ?
    Je me permets, monsieur le secrétaire d'Etat, d'appeler l'attention du Gouvernement sur le fait que chaque débit de boissons est une entreprise qui compte un ou plusieurs salariés. A ce titre, elle concourt au maintien et au développement économique de notre pays. Prenons garde de ne pas décourager, par des sanctions trop lourdes, à caractère d'exemplarité, toute initiative de création ou de reprise de débit de boissons, d'autant que ces entreprises artisanales restent bien souvent, qu'il s'agisse des cafés de quartier en zone urbaine ou des implantations en zone rurale, les derniers lieux de rencontres, d'échanges et de convivialité.
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.
    M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le député, je dois d'abord excuser le garde des sceaux, retenu par une réunion du Gouvernement sur les questions de développement durable présidée par le Premier ministre.
    Le jugement que vous avez évoqué se fonde tout de même sur des faits d'une extrême gravité. Ne généralisons donc pas au vu de cette condamnation. En l'occurrence, en effet, le taux d'alcoolémie du conducteur concerné dépassait quatre grammes d'alcool par litre de sang. Il est d'ailleurs ressorti de l'enquête que le cafetier ne pouvait pas ignorer que l'intéressé allait prendre le volant, ce qu'il a fait. Il a ensuite causé un accident qui a provoqué la mort de trois personnes. Il a donc été condamné à trois ans de prison dont dix-huit mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve de trois ans et son permis de conduire a été annulé avec interdiction de le repasser avant un délai de cinq ans.
    La responsabilité de l'auteur de cet accident mortel était telle qu'elle n'a pu qu'entraîner celle du cafetier qui avait manifestement fait preuve d'une complicité passive. La condamnation prononcée ne résulte donc d'aucune instruction particulière ; elle a simplement traduit la volonté du tribunal de sanctionner ce qui apparaissait comme une complicité.
    Il n'est évidemment pas question de faire la chasse aux cafetiers. A cet égard, vous pouvez rassurer ceux que vous connaissez. Il s'agit simplement de rappeler à chacun ses responsabilités vis-à-vis des autres. Le Parlement s'est d'ailleurs engagé dans cette voie puisqu'il examine actuellement un projet de loi comportant plusieurs dispositions relatives à la sécurité routière.
    Je tiens d'ailleurs à réaffirmer, au nom du Premier ministre, du garde des sceaux et de l'ensemble du Gouvernement, que la sécurité routière est l'une des priorités fortes de l'action gouvernementale. Nous voulons convaincre chacun, non seulement par la répression, mais aussi par la pédagogie, que la sécurité routière n'est pas seulement l'affaire des autres, qu'elle ne procède pas de la responsabilité des seuls chauffards : elle relève d'une responsabilité collective et nationale.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.
    M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends votre réponse, mais elle ne me satisfait pas dans la mesure où ma question mettait surtout l'accent sur la notion d'appréciation. En effet, il n'est pas évident, pour un cafetier, d'apprécier le taux d'alcoolémie d'un consommateur. Cela peut être rapproché de la proposition de loi adoptée par le Sénat visant à restreindre la consommation de tabac pour les jeunes de moins de seize ans. En effet, comment un buraliste pourra-t-il apprécier l'âge des jeunes ?
    Il ne faudrait pas que, dans une démarche systématique, on veuille amener les commerçants et les artisans à se substituer aux services de contrôle. Il ne doit appartenir qu'à ces derniers d'exercer cette mission, sur la base d'un référentiel prévoyant des éléments objectifs d'appréciation afin de garantir l'égalité de tous devant la loi.
    C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai surtout voulu appeler l'attention sur cette notion d'appréciation. En effet, il me paraît anormal de vouloir rendre systématiquement responsables et coupables les cafetiers alors qu'ils ne disposent d'aucun moyen pour apprécier avec justesse l'état d'ébriété des consommateurs.

UMP 12 REP_PUB Bourgogne O