FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 40855  de  M.   Lengagne Guy ( Socialiste - Pas-de-Calais ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  08/06/2004  page :  4195
Réponse publiée au JO le :  06/02/2007  page :  1394
Date de changement d'attribution :  02/06/2005
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  établissements
Analyse :  conditions de détention
Texte de la QUESTION : M. Guy Lengagne appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés inhérentes à l'état actuel de surpopulation carcérale. Le récent rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) indique notamment que les incidents se multiplient dans les prisons françaises, incidents parfois extrêmement graves et qui s'expliquent dans une large mesure par le fait que le nombre des détenus (61 000 au mois de juillet 2003) a atteint un niveau record. Cette situation compromet la sécurité des personnels pénitenciers et elle rend parfois insupportables les conditions de vie des détenus. Naturellement, la question de l'augmentation du nombre des suicides présente une gravité particulière et elle appelle une réponse énergique. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle suites le Gouvernement entend donner au constat dressé par le rapport de la CNDS.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il porte une grande attention à la situation des personnes détenues au regard de la surpopulation carcérale ainsi qu'au problème des suicides dans les établissements pénitentiaires. Au 1er novembre 2006, le nombre de personnes écrouées détenues est de 57 612 pour 50 404 places opérationnelles. Afin d'augmenter les capacités d'accueil des établissements pénitentiaires, un effort sans précédent a été consenti depuis la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9 septembre 2002 qui comporte diverses dispositions relatives à la mise en oeuvre d'un programme de construction d'établissements pénitentiaires avec la création de 13 200 places. Les futures infrastructures construites dans ce cadre ont des vocations très variées ; établissements pour adultes et pour mineurs, maisons centrales très sécurisées ou quartiers pour courtes peines axés sur un suivi individualisé permettant de préparer la sortie du détenu et de réduire le risque de récidive. Cette complémentarité voulue montre bien que le ministère de la justice a largement pris en compte, dans ses nouveaux programmes pénitentiaires, la diversité des publics qui lui sont confiés. Cette politique permet de ne pas mélanger les détenus profondément ancrés dans la délinquance avec ceux ayant commis des actes délictueux moins graves, et souvent incarcérés pour la première fois. Par ailleurs, un dispositif d'accroissement de la capacité d'accueil au moyen de réaménagement de locaux ou d'extensions a été engagé depuis 2 ans. Il a déjà permis d'offrir 1 100 nouvelles places qui seront complétées sous peu par 1 400 places supplémentaires, dont 500 en centres de semi-liberté. Enfin, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a réformé en profondeur le régime de l'application des peines et introduit des dispositions destinées à relancer les alternatives à l'incarcération (travail d'intérêt général, sursis avec mise à l'épreuve...) notamment à travers l'extension du dispositif du placement sous surveillance électronique pour aboutir à 3 000 placements disponibles simultanément en 2007. En ce qui concerne la survenue de suicides dans les établissements pénitentiaires, le taux de suicide dans les prisons françaises doit être comparé à celui enregistré dans la population générale en France, lequel est un des plus élevés d'Europe et constitue la première cause de mortalité entre 25 et 34 ans. Si, comme dans d'autres pays occidentaux, les suicides sont plus nombreux en prison, il est important de noter que la France se classe dans la moyenne des pays européens. Les suicides des personnes détenues représentent un peu moins de 1 % de l'ensemble des suicides. Au-delà de ces constats, force est de souligner que l'efficacité des réponses apportées dans le cadre de la politique de prévention du suicide en prison ne saurait se mesurer à l'aune de la seule statistique du nombre de suicides, ces données chiffrées ne rendant aucunement compte des passages à l'acte suicidaire qui ont pu être évités grâce au travail accompli par l'ensemble des acteurs en milieu carcéral. Ce travail concerne non seulement les personnels des services pénitentiaires mais aussi les personnels sanitaires. La prévention du suicide est une préoccupation constante de l'administration pénitentiaire. L'augmentation de capacité et l'amélioration des conditions d'incarcération ainsi que les dispositions en matière de prise en charge des troubles psychiatriques des personnes incarcérées prévues par la loi n° 2002-1138 de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002 devraient contribuer à la prévention du suicide. En ce qui concerne les préconisations formulées dans son rapport par monsieur le professeur Jean-Louis Terra en 2003, elles ont été suivies par la mise en oeuvre de trois grands axes de travail. Le premier axe porte sur la formation au repérage du risque suicidaire, tant en formation initiale qu'en formation continue ; à la fin 2006, quelque 5 000 agents auront bénéficié de ces formations. Le deuxième axe, relatif à la mise en place d'un système de détection et au déploiement de plans de prévention, doit faciliter pour chaque établissement pénitentiaire la mise en oeuvre des méthodes d'évaluation du risque suicidaire individuel présenté par les personnes détenues. Enfin des actions nationales ont été entreprises depuis 2004. Le cahier des charges des nouveaux établissements pénitentiaires intègre les préconisations relatives à la réduction des moyens d'accès au suicide dans les cellules. S'agissant du renforcement de la pluridisciplinarité, il a été demandé à chaque établissement d'inscrire la thématique de la prévention du suicide dans le cadre préexistant de ses commissions pluridisciplinaires (commission locale d'insertion, de classement au travail, d'indigence...) ou grâce à une commission spécifique de prévention du suicide. Il a également été rappelé aux chefs d'établissement de prendre toutes les mesures utiles pour aider les familles des personnes suicidées dans l'accomplissement du travail de deuil afin de réduire les effets consécutifs à la survenue d'un suicide. Le dispositif actuel fait l'objet d'une évaluation pilotée notamment par le professeur Terra, qui donnera lieu à de nouvelles mesures. La prévention du suicide s'insérant plus largement dans la problématique de santé mentale des personnes détenues, l'administration pénitentiaire s'attache à développer des synergies d'action avec les personnels sanitaires à la fois au niveau de l'élaboration des politiques de prévention et dans leur mise en oeuvre, au plus près des personnes détenues, par les personnels pénitentiaires qui les prennent en charge.
SOC 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O