Texte de la QUESTION :
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Mme Paulette Guinchard s'inquiète auprès de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'augmentation des suicides dans les établissements pénitentiaires français. Selon le dernier rapport annuel de l'Observatoire international des prisons, 122 détenus se sont donnés la mort en 2002, soit 17,3 % de plus qu'en 2001. Le taux de suicide dans les prisons françaises est ainsi l'un des plus importants en Europe. Elle lui demande quelles mesures de prévention (formation des personnels, surveillance accrue du quartier disciplinaire) il entend prendre afin de prévenir ces suicides.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il porte une grande attention au problème des suicides dans les établissements pénitentiaires. Le taux de suicide dans les prisons françaises doit être comparé à celui enregistré sur l'ensemble de la population en France, lequel est l'un des plus élevés d'Europe et constitue la première cause de mortalité entre vingt-cinq et trente-quatre ans. Si, comme dans d'autres pays occidentaux, les suicides sont plus nombreux en prison, il est important de noter que la France se classe dans la moyenne des pays européens. Les suicides de personnes détenues représentent un peu moins de 1 % de l'ensemble des suicides. Au-delà de ces constats, force est de souligner que l'efficacité des réponses apportées dans le cadre de la politique de prévention du suicide en prison ne saurait se mesurer à l'aune de la seule statistique du nombre de suicides, ces données chiffrées ne rendant aucunement compte des passages à l'acte suicidaire qui ont pu être évités grâce au travail accompli par l'ensemble des acteurs en milieu carcéral. Ce travail concerne non seulement les personnels des services pénitentiaires mais aussi les personnels sanitaires. Confrontée de longue date à ce phénomène, la direction de l'administration pénitentiaire a engagé dès 1967 une politique de prévention des suicides en détention. Sur la base de nombreux rapports de réflexion et d'étude, à la suite d'un programme expérimental lancé en 1997, une circulaire du 29 mai 1998 a ciblé en direction de l'ensemble des établissements les axes fondamentaux de la prévention du suicide. Ce texte a été complété par une circulaire interministérielle du 26 avril 2002, signée par les ministres de la justice et de la santé, en relation notamment avec la « stratégie nationale d'actions face au suicide pour 2000-2005 » lancée par le ministère chargé de la santé. L'augmentation de la capacité des établissements pénitentiaires et l'amélioration des conditions de détention inscrites dans le rapport annexé à la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice devraient contribuer à la prévention du suicide. Il en est de même en ce qui concerne les améliorations du dispositif de prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles psychiatriques. La loi du 9 septembre 2002 précitée prévoit notamment que l'ensemble des hospitalisations à temps complet pour troubles mentaux des personnes détenues sera réalisé dans des établissements de santé. Pour parvenir à cet objectif, des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) seront créées en 2009, et les activités des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) seront alors progressivement recentrées sur les soins ambulatoires. À la suite des préconisations formulées dans un rapport par le professeur Jean-Louis Terra en 2003, trois grands axes de travail ont été conçus. Le premier axe porte sur la formation au repérage du risque suicidaire, tant en formation initiale qu'en formation continue ; à la fin 2006, quelque 5 000 agents auront bénéficié de ces formations. Le deuxième axe, relatif à la mise en place d'un système de détection et au déploiement de plans de prévention, doit faciliter pour chaque établissement pénitentiaire la mise en oeuvre des méthodes d'évaluation du risque suicidaire individuel présenté par les personnes détenues. Enfin, des actions nationales ont été entreprises depuis 2004. Le cahier des charges des nouveaux établissements pénitentiaires intègre les préconisations relatives à la réduction des moyens d'accès au suicide dans les cellules. S'agissant du renforcement de la pluridisciplinarité, il a été demandé à chaque établissement d'inscrire la thématique de la prévention du suicide dans le cadre préexistant de ses commissions pluridisciplinaires (commission locale d'insertion, de classement au travail, d'indigence...) ou grâce à une commission spécifique de prévention du suicide. Il a également été rappelé aux chefs d'établissement de prendre toutes les mesures utiles pour aider les familles des personnes suicidées dans l'accomplissement du travail de deuil afin de réduire les effets consécutifs à la survenue d'un suicide. Le dispositif actuel fait l'objet d'une évaluation pilotée notamment par le professeur Terra, auteur d'un premier rapport en 2003 et dont découleront de nouvelles mesures pour la fin de l'année. Si, en dépit des actions engagées tant par les services pénitentiaires que par les équipes des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) et des SMPR, le nombre de suicides reste à un niveau encore trop élevé puisqu'en 2005, 122 personnes sous écrou se sont donné la mort, il convient de préciser que le taux de suicide est passé de 24,4 pour 10 000 personnes détenues en 1996 à 20,4 en 2005.
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