FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 42382  de  M.   Lengagne Guy ( Socialiste - Pas-de-Calais ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  29/06/2004  page :  4875
Réponse publiée au JO le :  21/12/2004  page :  10280
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  cours d'assises
Analyse :  procès. médiatisation. conséquences
Texte de la QUESTION : M. Guy Lengagne appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la médiatisation croissante des procès d'assises et les risques quelle comporte. Les médias s'emparent en effet des affaires les plus dramatiques ; certains mettent en scène les émotions des proches des victimes ; d'autres recueillent les impressions des personnes mises en examen, etc. Ces enquêtes sont naturellement légitimes. Elles témoignent de la liberté de la presse et concourent à l'information des citoyens. Mais, il est regrettable qu'elles puissent influencer chaque jour davantage les jurés, alors que l'audience est théoriquement le lieu où ils forgent leur conviction, l'accusation et la défense ayant pu faire valoir leurs arguments respectifs dans le cadre d'un procès régi selon des règles destinées à respecter l'équité. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement entend répondre à cette situation.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux a l'honneur de faire savoir à l'honorable parlementaire que le dispositif légal en vigueur permet d'assurer un juste équilibre entre la sérénité des débats judiciaires et la légitime information à laquelle ont droit nos concitoyens. L'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui pose le principe de la liberté d'expression, prévoit, dans son second point, que la loi puisse y apporter certains tempéraments, notamment « pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ». Pour ce faire, la législation nationale se doit de respecter certaines règles, tenant à la nécessité et à la proportionnalité de la restriction ainsi décidée, ce que la Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs rappelé à la France à l'occasion de deux décisions récentes, l'une concernant l'interdiction de publier toute information relative à une plainte avec constitution de partie civile avant toute décision judiciaire (décision du 3 octobre 2000), l'autre pour un délit d'offense à un chef d'État étranger (décision du 25 juin 2002). C'est pourquoi, sur la base des dispositions européennes susvisées, plusieurs textes, dans notre droit, limitent et répriment certaines formes abusives de communication relatives à des procédures judiciaires en cours. C'est notamment le cas des dispositions de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 qui sanctionne d'une amende de 4 500 euros le fait de procéder à l'enregistrement de débats d'un procès, dès l'ouverture de l'audience. La même disposition pénale est prévue à l'article 308 du code de procédure pénale pour les audiences de la cour d'assises, la peine encourue étant alors portée à 18 000 euros. De plus, les dispositions de l'article 39 de la loi du 29 juillet 1881 prévoient que, dans toutes les affaires civiles, les cours et tribunaux peuvent interdire le compte rendu du procès. Ce même article dispose qu'il est interdit de rendre compte des délibérations intérieures, soit des jurys, soit des cours et tribunaux, sous peine d'une amende de 18 000 euros. En outre, des dispositions spécifiques protègent dès à présent les magistrats et les jurés. Ainsi, l'article 434-16 du code pénal réprime d'une peine de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende toute publication, avant l'intervention de la décision juridictionnelle définitive, de commentaires tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les déclarations des témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement. La jurisprudence a eu l'occasion de rappeler que ce texte n'avait pas pour objet d'interdire tout commentaire, mais uniquement ceux qui tendaient à exercer lesdites pressions, la Cour de cassation se réservant le droit de contrôler ce dernier élément (Cass. crim. 27 octobre 1992). Ces dispositions pénales paraissent donc, dès à présent, répondre aux légitimes interrogations soulevées par l'honorable parlementaire.
SOC 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O