FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 43627  de  M.   Hillmeyer Francis ( Union pour la Démocratie Française - Haut-Rhin ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  13/07/2004  page :  5217
Réponse publiée au JO le :  15/02/2005  page :  1595
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Ukraine
Analyse :  accident de Tchernobyl. plan d'aide. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Francis Hillmeyer demande à M. le ministre des affaires étrangères quelle est actuellement la position de la France et éventuellement son action dans le cadre d'un plan d'aide à la région contaminée il y a dix-huit ans par l'explosion du réacteur de Tchernobyl, en Ukraine. Dix-huit ans après l'explosion, à 150 km de Tchernobyl, des mesures des sols réalisées par les bénévoles français de l'Association alsacienne « Les Enfants de Tchernobyl » assistés de spécialistes de l'institut de radio-protection indépendant « Belrad » ont mis en évidence un important et indiscutable risque sanitaire encouru par les populations ukrainiennes et biélorusses qui continuent de vivre sur des territoires contaminés, en particulier par le celtium 137, qui reste très présent jusqu'à 11 millions de Bs/m/ à certains endroits ! Dans une zone interdite non répertoriée sur les cartes, 38 villages sont actuellement broyés et les restes des maisons enterrés, ceci en 2004, à 150 km de la centrale de Tchernobyl. Il lui demande ses intentions sur ce dossier.
Texte de la REPONSE : Les territoires contaminés par la catastrophe de Tchernobyl, définis comme la zone où la contamination des sols, principalement par les dépôts de césium 137, est supérieure à 1 curie au kilomètre carré, représentent 59 300 kilomètres carrés en Russie, 43 500 kilomètres carrés en Biélorussie et 37 600 kilomètres carrés en Ukraine. Quelque 5,3 millions de personnes résident dans ces territoires, dont 1,4 million dans des zones fortement contaminées (radioactivité mesurée supérieure à 5 curies par kilomètres carrés). La zone de 30 kilomètres autour de la centrale dont les 135 000 habitants avaient été évacués immédiatement après l'explosion reste interdite. Les populations vivant dans les territoires contaminés sont exposées de manière régulière, notamment à travers l'alimentation, à de faibles doses de radionucléides, dont les effets sur la santé à long terme restent peu ou mal connus. La France contribue de manière significative à l'assistance internationale aux régions contaminées par trois canaux : le plan de construction du massif de protection autour du réacteur accidenté (Shelter Implementation Plan, SIP), l'initiative franco-allemande pour Tchernobyl et le programme CORE. La France est l'un des principaux contributeurs aux deux fonds mis en place par la communauté internationale pour construire un nouveau sarcophage autour du réacteur accidenté (Chernobyl Shelter Fund, avec une contribution française de 42 millions de dollars sur 670) et pour retraiter le combustible (Nuclear Safety Account, avec une contribution-française de 57 millions de dollars sur 273). Les projets financés par ces deux fonds gérés par la BERD représentent la principale contribution internationale à la sûreté nucléaire, ainsi qu'à la protection durable des populations locales. La création de ces fonds et le soutien de la communauté internationale à la mise aux normes internationales de sûreté nucléaire des réacteurs ukrainiens de Khmelnytskyï 2 et Rivne 4 ont ainsi permis l'arrêt de la centrale de Tchernobyl en décembre 2000. En raison des difficultés techniques liées au site lui-même, d'une part, d'obstacles administratifs et techniques en Ukraine, d'autre part, les projets financés par les fonds CSF et NSA ont pris un certain retard. Il reste que l'engagement déterminé du G7, notamment sous la présidence française, a permis de relancer les travaux de déclassement du site. Lancée en avril 1996 par les ministres français et allemand de l'environnement, l'initiative franco-allemande pour Tchernobyl est coordonnée par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et son homologue allemande la Gesellschaft für Anlagen- und Reaktorsicherheit (GRS), en partenariat avec le centre de Tchernobyl créé en 1996 par le gouvernement ukrainien. Elle est dotée d'un budget de 6 millions d'euros sur 3 ans, financé à parts égales par les gouvernements et les électriciens français (EDF) et allemand (VdEW). Son objet est de collecter et valider les données existantes dans trois domaines : sûreté du sarcophage construit autour du réacteur accidenté (évaluation des risques d'instabilité de la construction, mesure de la situation radiologique à l'intérieur et aux abords du sarcophage, caractérisation des masses et des déchets radioactifs à l'intérieur du sarcophage, ces études étant complémentaires du projet SIP de construction d'une nouvelle arche de confinement), conséquences radiologiques (étude de la contamination de l'environnement et de son évolution, des transferts de nucléides dans l'écosystème et l'environnement urbain, suivi particulier des dépôts de déchets constitués après l'accident, identification des contre-mesures « post-accidentelles ») et impact sanitaire de la catastrophe (étude de l'évolution de la mortalité infantile et des malformations congénitales, de la fréquence des cancers et des leucémies, ainsi que de l'état nutritionnel des populations vivant dans les zones contaminées). L'objectif est de constituer une base d'informations sûre et objective destinée à la planification de contre-mesures, à l'information du public et à servir de base aux travaux scientifiques ultérieurs. Chaque projet est mené à bien par un laboratoire ukrainien, russe ou biélorusse avec l'encadrement et le soutien méthodologique de l'IRSN et de la GRS. Les principales conclusions de l'initiative franco-allemande seront présentées lors d'une conférence les 5 et 6 octobre prochain à Kiev. Dans le domaine de la santé en Ukraine, il faut également noter le rôle de premier plan joué par le « Centre français de Tchernobyl » créé en 1991 à Kiev par l'ONG « les Enfants de Tchernobyl ». Ce centre spécialisé dans le dépistage et le traitement des pathologies thyroïdiennes et hématologiques liées à l'accident de Tchernobyl a déjà accueilli plusieurs milliers de patients. Il a bénéficié d'un soutien ponctuel du ministère des affaires étrangères et reçoit désormais une aide financière de l'UE sur fonds TACIS. En Biélorussie, pays le plus affecté par la catastrophe de Tchernobyl (23 % du territoire et 16 % de la population touchés), la France participe activement au programme CORE (« Coopération pour la Réhabilitation ») qui vise à réhabiliter les conditions de vie dans les territoires contaminés. Lancé par le Comité Tchernobyl, structure interministérielle biélorusse chargée de coordonner la politique de traitement des conséquences de la catastrophe, en partenariat avec des acteurs internationaux (PNUD, UNESCO, OSCE, Commission el'Amuropéenne, représentations diplomatiques à Minsk, dont l'ambassade de France), le programme CORE concerne 4 districts contaminés (Braguin, Slavgorod, Stolyn, Tchetchersk) et est conçu pour durer 5 ans, période à l'issue de laquelle il pourrait être étendu à d'autres districts en Biélorussie. Un séminaire de sensibilisation sur le programme COKE sera organisé cette année en Ukraine, avec le soutien de l'ambassade de France à Kiev, dans la perspective d'une extension du programme à une région ukrainienne contaminée. Le budget prévisionnel du programme s'élève à 4 millions d'euros, financé entre autres par : le gouvernement biélorusse, le PNUD, l'UNESCO, l'OSCE, la Commission européenne, l'Agence Suisse de coopération et de développement, ainsi que le ministère des affaires étrangères et l'IRSN en ce qui concerne la France. Si le programme CORE a par nature vocation à s'élargir à de nombreux autres acteurs européens, les opérateurs sont en majorité, à ce stade, des institutions ou des.ONG françaises : Médecins du Monde, Patrimoine sans frontière, l'université de Caen, l'Institut national d'agronomie Paris-Grignon, l'IRSN, le Centre d'étude sur l'évaluation de la protection dans le domaine du nucléaire - CEPN, l'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest, le ministère de l'agriculture, Formation Epanouissement Renouveau de la Terre - FERT, A tous vents du monde, Mutadis. Le programme CORE s'appuie sur un certain nombre de principes qui en font la spécificité. Souhaitant dépasser la simple assistance humanitaire, il cherche à associer au maximum les populations à la définition et à la mise en oeuvre des projets. Le programme CORE tente par ailleurs de prendre en charge de manière globale la problématique des territoires contaminés, dans la mesure où la qualité de vie dans les territoires contaminés est affectée non seulement sur le plan sanitaire, mais aussi économique, social, culturel, symbolique et éthique. L'amélioration de la situation sanitaire des populations résidant dans les territoires contaminés apparaît donc indissociable d'une action sur ces différents aspects. C'est pourquoi le programme CORE intègre quatre domaines d'intervention : le contrôle de la qualité radiologique, la surveillance sanitaire, le développement économique et social dans les zones rurales, l'éducation et la mémoire. La mise en oeuvre des premiers projets dans le cadre du programme CORE a commencé en 2003. En matière de contrôle de la qualité radiologique, il s'agit, en s'appuyant sur l'expérience du programme ETHOS réalisé de 1996 à 2001 sur fonds européens, de mettre à la disposition de la population et des professionnels des dispositifs de mesure leur permettant d'évaluer la quantité de radionucléides dans l'environnement, les aliments et chez les personnes. Dans le domaine de la santé, sont menés, d'une part, un programme de réduction de la contamination par voie interne chez les femmes enceintes et les nourrissons et, d'autre part, une étude destinée à évaluer de manière objective les conséquences de la contamination sur la santé. Les projets conduits en matière de développement agricole et rural visent à une réduction de la contamination des produits, à une augmentation des rendements ainsi qu'à une meilleure organisation de la filière agricole. Dans le domaine éducatif, l'objectif est de transmettre à l'école aux enfants biélorusses une « culture radiologique pratique » (connaissance de l'environnement à l'échelle du village, connaissances de base sur la radioactivité, apprentissage des comportements de prévention, etc.). Un travail est par ailleurs conduit sur la mémoire des « villages perdus » de la zone évacuée. A ce stade de la mise en oeuvre du programme CORE, il convient de relever le bon niveau de coopération entre les différentes organisations françaises et biélorusses sur le terrain. De plus, les populations concernées se montrent satisfaites de la manière dont leurs difficultés ont été prises en compte et ont reçu un début de traitement.
UDF 12 REP_PUB Alsace O