FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 44014  de  M.   Lefort Jean-Claude ( Député-e-s Communistes et Républicains - Val-de-Marne ) QE
Ministère interrogé :  santé
Ministère attributaire :  santé
Question publiée au JO le :  20/07/2004  page :  5466
Réponse publiée au JO le :  16/11/2004  page :  9071
Date de signalisat° :  09/11/2004
Rubrique :  relations internationales
Tête d'analyse :  commerce international
Analyse :  OMC. négociations. médicaments. attitude de la France
Texte de la QUESTION : M. Jean-Claude Lefort attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur le fait que l'accord conclu au sein de l'OMC le 30 août dernier portant sur l'accès aux médicaments dans le cadre de l'ADPIC n'ait toujours pas été soumis à la ratification des parlements européen et nationaux de l'Union. Cet accord, en effet, déroge au principe arrêté pour les négociations engagées à Seattle puis à Doha selon lequel « rien n'est acquis tant que tout n'est pas acquis ». Après la déclaration de Doha sur ce sujet qui n'avait aucune valeur juridique mais qui stipulait qu'un accord sortant de ce cadre devait être conclu avant le 31 décembre 2002, un texte a portée juridique a finalement été signé le 30 août 2003, juste avant la conférence de Cancun, qui procède de ce le langage OMC appelle « une récolte précoce ». Détachable des autres éléments mis sur la table de discussion, il a en lui-même une portée juridique et doit entrer en application alors même que les désaccords restent profonds sur les autres sujets. Il lui demande quand donc a-t-il l'intention de soumettre à ratification du parlement français, le parlement européen devant également être saisi, cet accord sur l'accès aux médicaments qui non seulement constitue un traité international mais exprime explicitement les intentions de la France en cette matière et touche donc à sa souveraineté. Cette ratification précédée bien évidemment d'un débat est d'autant plus essentielle et conforme à la Constitution que cet accord du 30 août 2003 n'est pas conforme à la déclaration de Doha, ni à l'esprit, ni à la lettre. Il aboutit a à créer un nouvel et sérieux obstacle à l'acquisition par les pays en développement des produits pharmaceutiques liés à la lutte contre le Sida et notamment aux anti-rétro viraux et à leur fabrication sous forme générique. Le texte de Doha explicitait les conditions possibles de cette acquisition. Il indiquait que l'accord sur la propriété intellectuelle de l'OMC (l'accord TRIP's en anglais) pouvait avoir des conséquences négatives sur l'accès et le prix des médicaments ; il précisait que les pays concernés pouvaient accorder des licences obligatoires permettant la fabrication de médicaments génériques sans avoir à justifier des raisons pour lesquelles ils y avaient recours et sans avoir nécessairement l'accord du détenteur du brevet des médicaments concernés malgré le fait tout à fait significatif qu'il excluait que les pays ne pouvant produire de tels médicaments ne puissent avoir recours aux « importations parallèles » et cela malgré l'article 30 de l'ADPIC qui prévoit expressément et explicitement que des dérogations sont possibles en ce domaine. Dans l'accord du 30 août, la possibilité d'accorder des licences obligatoires sans avoir à en justifier a été supprimé ; il n'accorde pas pour les pays en développement producteurs la possibilité d'importer des produits de base nécessaires à la fabrication à bas coûts de médicaments génériques et rend d'effet nul la possibilité pour les pays non fabricants de génériques la possibilité d'importer de tels médicaments qui sont les seuls à être accessibles pour eux. A ces éléments, rapidement énoncés ici, s'ajoute le fait que dans six mois, c'est-à-dire à la fin de l'année, l'ensemble des pays en développement devront appliquer par ailleurs et de manière stricte l'ensemble de l'accord ADPIC. Cela entraînera, par exemple pour un pays comme le Brésil qui est pourtant pionnier en matière de couverture gratuite et universelle des traitements anti-rétro viraux génériques pour les porteurs du VIH, l'impossibilité d'importer des produits de base actifs en provenance des pays fabricants à bas coûts alors que ces produits constituent 90 % du prix final du médicament générique. Il convient donc de prendre l'exacte mesure des conséquences effroyables de ces dispositions tandis que le sida tue 3 millions de personnes à travers le monde aujourd'hui et ceci non pas parce qu'il n'y aurait pas de médicaments pour s'y opposer mais au contraire parce qu'il y a des médicaments, des médicaments rendus inaccessibles du fait de cet ensemble. La France qui s'est portée en avant dans la lutte mondiale contre le sida ne peut accepter cette situation qui est humainement et politiquement intolérable mais aussi explosive. En soumettant cet accord du 30 août à la ratification nécessaire de notre parlement, le gouvernement dispose de la possibilité de donner un avis négatif sur celui-ci qui a été négocié par le commissaire européen bien connu en charge du commerce extérieur. Il y a bien - qui peut le nier ? - une urgence sanitaire mondiale aujourd'hui et la position des plus hautes autorités françaises favorables à une interprétation positive de l'article 30 de l'ADPIC est niée par cet accord du 30 août. Le Gouvernement - c'est uniquement une question de décision et de volonté politiques - dispose de la possibilité de revenir sur cet accord à propos duquel on est même en droit de se demander s'il a été consulté. Il créerait ainsi les conditions d'une « crise » salutaire pour la lutte mondiale contre le sida à laquelle l'accord du 30 août tourne le dos. Un grand nombre de pays en voie de développement, sinon tous, suivraient à coup sur cette position alors même que le fonds mondial de lutte contre les pandémies n'est toujours pas alimenté à hauteur des besoins et qu'il est difficilement acceptable qu'il aboutisse, en l'état, à permettre l'achat à prix fort des médicaments contre le sida aux industries pharmaceutiques des pays « riches », ce qui constitue une limite évidente et de taille à ce programme mais aussi une inacceptable une forme de subventions à l'exportation en faveur de ces industries qui est payée de surcroît par le contribuable. La situation est donc la suivante : ou la révision de cet accord à l'initiative du gouvernement ou bien la discussion et le vote du Parlement. Il lui demande quel choix il entend privilégier.
Texte de la REPONSE : La décision intervenue après de longues négociations le 30 août 2003 a permis de trouver, conformément aux instructions contenues dans la déclaration de Doha, une solution à la question de l'accès aux médicaments des pays en développement sans capacité de production, ou à capacité insuffisante, confrontés à de graves problèmes de santé publique résultant notamment du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme. Pour mémoire, l'article 6 de la déclaration de Doha reconnaissait le fait que certains des pays les moins avancés n'ont pas les capacités de mettre effectivement en oeuvre le mécanisme de la licence obligatoire telle que prévue à l'article 31 de l'accord ADPIC. La décision du 30 août 2003 prévoit de déroger à la condition de recours à la licence obligatoire prioritairement pour l'alimentation du marché national, énoncée au point f) de l'article 31 de l'accord ADPIC, en autorisant l'utilisation de la licence obligatoire pour l'exportation d'un médicament d'un pays avancé vers un pays moins avancé. La France, qui est résolument engagée dans la lutte contre les grandes maladies, considère que l'accord OMC sur l'accès aux médicaments constitue un des piliers de son engagement. Pour respecter son engagement pris à Genève en août 2003 sans délai et être parmi les premiers pays membres de l'OMC à transposer l'accord dans sa législation nationale, la France a entamé, sans tarder, une réflexion sur les amendements nécessaires à apporter à son code de la propriété intellectuelle, si possible avant la fin de cette année. La Commission européenne par ailleurs vient d'annoncer une proposition de règlement visant à transposer au niveau de la Communauté le système mis en place par la décision.
CR 12 REP_PUB Ile-de-France O