Rubrique :
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propriété intellectuelle
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Tête d'analyse :
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droits d'auteur
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Analyse :
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oeuvres multimédia. reproduction
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Texte de la QUESTION :
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Mme Claude Greff appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le développement des échanges de fichiers audio et vidéo, sur Internet. Le système « peer to peer » permet à n'importe quel abonné à Internet d'échanger des fichiers d'informations. Il s'avère qu'il est également fréquemment utilisé pour télécharger gratuitement des données musicales ou vidéos en toute illégalité. Actuellement, ce piratage, qui s'effectue au détriment des artistes auteurs-compositeurs-interprètes, des maisons de disques et des disquaires, a pris des proportions mettant en danger la création. Cependant, de nombreux internautes utilisent le « pair à pair » pour découvrir des oeuvres culturelles, et ensuite acheter un album, des places de concert, par exemple. En ce sens, il est indéniable que la suppression d'un système encourageant l'accès à la culture serait négatif. Récemment, il a été évoqué un durcissement des sanctions à l'égard des utilisateurs de téléchargement illégaux en ligne. Si l'adoption de mesures coercitives, ou de la déconnection par le fournisseur d'accès, va permettre de décourager les vrais pirates, elle semble bien disproportionnée pour la majorité des internautes, pour qui le « peer to peer » est un espace de liberté et de découverte. De plus, la multiplication des poursuites à l'encontre de millions d'internautes apparaît comme bien peu réalisable. Il a également été formulé l'hypothèse d'une redevance perçue auprès des fournisseurs d'accès en fonction du débit des abonnements souscrits, des pratiques des internautes et du type de fichiers échangés. Le bénéfice de cette redevance pourrait être reversé aux auteurs, compositeurs et interprètes comme rémunération. Elle lui demande de bien vouloir préciser son sentiment sur ce sujet, et les mesures qu'il entend prendre afin d'envisager une solution acceptable pour les artistes et respectueuse de la liberté d'échange des internautes.
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Texte de la REPONSE :
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Le développement rapide des réseaux numériques a créé les conditions d'une mutation profonde des industries culturelles qui, au-delà de la transition progressive vers une distribution dématérialisée des oeuvres, devraient se traduire par un nouveau « paysage économique ». Cette mutation s'accompagne d'un développement important, sur les réseaux dits « pair à pair », de pratiques de copie et d'échanges d'oeuvres protégées qui, en l'état du droit positif national et international, relèvent pour l'essentiel du régime juridique de la contrefaçon. Les effets de cette mutation sont incertains, dans la mesure où elle pourrait se traduire à la fois par un accès plus facile aux oeuvres numériques mais aussi par une moindre diversité culturelle. Elle posera inévitablement la question des mécanismes de soutien et de financement de la création et de la préservation de la diversité culturelle. Afin d'élargir l'accès du public aux oeuvres, le ministère encourage fortement les professionnels à développer rapidement des offres légales de musique en ligne en même temps qu'il s'attache à instituer un cadre juridique adapté à la protection des intérêts des ayants droit. Ces deux aspects sont liés, parce qu'une offre légale et payante ne pourra réellement exister si les mêmes contenus sont accessibles gratuitement. Le 28 juillet 2004, les fournisseurs d'accès à internet et les professionnels de la musique, réunis en présence du ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du ministre de la culture et de la communication, et du ministre délégué à l'industrie, ont signé une charte d'engagement pour le développement de l'offre légale de musique en ligne et le respect des droits de propriété intellectuelle. Le développement de cette offre légale prendra appui sur le plan global de lutte contre la contrefaçon présenté par le ministre lors du conseil des ministres du 19 mai 2004. Le ministère a pris connaissance de l'analyse et de la proposition de certains artistes visant à créer une nouvelle licence légale concernant le téléchargement rendu possible par la mise à disposition d'enregistrements sonores entre particuliers et complétant celle qui est déjà prévue par le code de la propriété intellectuelle en matière de copie privée. Un tel modèle, outre qu'il ne semble pas compatible avec le test en trois étapes prévu par les traités internationaux, ne permet pas de prendre la juste mesure des conséquences qu'il aura sur la création par la multiplication des échanges de fichiers qu'il va générer et de responsabiliser les internautes sur la valeur économique et culturelle des oeuvres. Il apparaît donc utile d'approfondir la question de la pertinence et les conditions de faisabilité d'un tel régime dérogatoire du droit de la propriété littéraire et artistique et sa compatibilité avec les engagements internationaux de la France. Une commission spécialisée du conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a été chargée de mener une double réflexion économique et juridique sur les modèles de financements envisageables pour les nouveaux usages de consommation et d'échanges d'oeuvres sur internet dans un cadre juridique conforme aux engagements européens et internationaux de la France. Les travaux seront menés dans la perspective d'un financement de la production conforme à l'intérêt de l'ensemble des filières culturelles et du public et déboucheront sur des propositions concrètes qui seront rendues publiques dans les prochains mois.
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