FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 45035  de  M.   Fourgous Jean-Michel ( Union pour un Mouvement Populaire - Yvelines ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  03/08/2004  page :  5967
Réponse publiée au JO le :  05/04/2005  page :  3538
Rubrique :  jeunes
Tête d'analyse :  délinquance
Analyse :  lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Jean-Michel Fourgous attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétude des maires confrontés à la montée de la délinquance chez des jeunes adolescents, de plus en plus violents, qui bénéficient de fait d'une impunité. Il n'est pas rare, ainsi, qu'une poignée de jeunes multiplient les méfaits, plusieurs dizaines en quelques mois, sans qu'aucun moyen ne soit mis en oeuvre pour éloigner ces multirécidivistes des quartiers où ils opèrent et des influences néfastes qu'ils y subissent. Á Élancourt (Yvelines), par exemple, au cours du premier semestre 2004, deux adolescents d'une quinzaine d'années ont pu commettre au minimum une quarantaine de délits graves (dégradations, destructions de véhicules par incendie, vol de véhicule...), être placés trois fois en garde à vue, sans pour autant être stoppés efficacement dans leur parcours délinquant. Il s'agit typiquement de jeunes qui seraient susceptibles d'être placés dans les centres éducatifs fermés, afin d'être d'abord éloignés des quartiers où ils sévissent et terrorisent une grande partie de la population, et d'être, surtout, encadrés sur le plan éducatif. Plus que jamais, ces centres fermés pour mineurs, seule alternative crédible à la prison pour certains jeunes délinquants, pourraient démontrer leur utilité. Malheureusement, peu de places sont actuellement disponibles, et les juges des juridictions de mineurs ne sont pas en capacité de prendre des décisions préservant comme il se doit la société, tout en offrant une structure adaptée aux très forts besoins éducatifs de ces mineurs. En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour répondre immédiatement aux légitimes exigences de sécurité de nos compatriotes confrontés à la délinquance des mineurs dont le coût pour la collectivité est énorme, et il le remercie de bien vouloir lui indiquer le planning prévisionnel d'ouverture de nouveaux centres éducatifs fermés d'ici à la fin de la législature.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la prise en charge des mineurs les plus difficiles est aujourd'hui au coeur des préoccupations des pouvoirs publics et du ministère de la justice en particulier. Un des axes essentiels de la loi du 9 septembre 2002 était justement la diversification et le renforcement des réponses apportées aux mineurs multirécidivistes ou multiréitérants. C'est ainsi que la palette des réponses à la délinquance des mineurs, déjà très large, a été diversifiée, pour mieux combiner sanction et éducation et permettre, à l'égard des mineurs multirécidivistes, une réponse pénale plus ferme et plus adéquate en même temps. Tels sont notamment les objectifs poursuivis par la création des centres éducatifs fermés et des sanctions éducatives. Les centres éducatifs fermés n'ont pas vocation à se substituer aux prises en charge traditionnelles mises en oeuvre par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ou par le secteur associatif habilité. Ils offrent au contraire une chance aux mineurs délinquants d'éviter l'incarcération dans le cadre, garanti par l'autorité judiciaire, d'un contrôle judiciaire, d'une mise à l'épreuve ou désormais d'une libération conditionnelle. La prise en charge éducative des mineurs en leur sein est particulièrement riche et s'appuie sur des équipes pluridisciplinaires, fortes et motivées. Onze centres éducatifs fermés ont été créés par arrêté préfectoral aux dates suivantes : CEF de Lusigny (Allier), le 17 mars 2003, CEF de Sainte-Eulalie (Gironde), le 31 mars 2003, CEF de Valence (Drôme), le 19 mai 2003, CEF de Saint-Denis-le-Thiboult (Seine-Maritime), le 23 juin 2003, CEF de Beauvais (Oise), le 15 septembre 2003, CEF de Mont-de-Marsan (Landes), le 23 septembre 2003, CEF d'Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), le 29 décembre 2003, CEF de Tonnoy (Meurthe-et-Moselle), le 26 avril 2004, CEF de L'Hôpital-le-Grand (Loire), le 28 juin 2004, CEF de Lusigny-sur-Barse (Aube), le 11 août 2004, ouvert le 13 septembre 2004, CEF de Moissannes (Haute-Vienne), le 22 juin 2004, ouverture le 18 octobre 2004. Pour l'année 2005, l'ouverture de quatorze CEF est prévue. La réalisation du dispositif se poursuivra en 2006 et 2007. Six cents places en centres éducatifs fermés devraient être créées sur la durée de la loi de programmation. Par ailleurs, outre les mesures éducatives et les peines, le tribunal pour enfants et la cour d'assises peuvent désormais prononcer à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans des sanctions éducatives dont le non-respect peut entraîner une mesure de placement. Ces sanctions éducatives sont spécialement adaptées aux mineurs âgés de dix à treize ans ayant déjà fait l'objet de poursuites pénales et pour lesquels des mesures éducatives se sont montrées insuffisantes. Au nombre de celles-ci figure le stage de formation civique auquel se soumet le mineur dans le cadre de sessions collectives, composées elles-mêmes de différents modules, dont le contenu est garanti par la présence permanente d'un éducateur. Depuis la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité entrée en vigueur le 1er octobre 2004 sur ce point, le mineur de plus de treize ans peut se voir contraint de suivre un stage de citoyenneté à titre de peine, l'alternative étant l'emprisonnement en cas de non-respect des conditions du stage. Parallèlement à la création de ces nouvelles mesures, le Gouvernement veille au développement des mesures éducatives pénales actuelles, et en particulier de celles qui apportent une réponse pluridisciplinaire aux comportements déviants. C'est ainsi, par exemple, que le nombre de mesures de réparation a augmenté de 300 % entre 1995 et 2003 (4 443/14 893). Enfin, le Gouvernement a souhaité que les mineurs en conflit avec la loi, y compris les plus difficiles, bénéficient d'une prise en charge éducative. C'est pour cette raison qu'il est prévu une intervention continue des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse auprès des mineurs détenus au sein des quartiers mineurs. À ce jour, dans 50 % des quartiers mineurs, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont présents en continu auprès des mineurs. Le temps de la détention est aussi celui d'une prise en charge éducative et d'un travail sur les activités d'apprentissage et les relations familiales. Il s'agit enfin de mieux préparer la sortie par l'élaboration d'un projet individuel passant le cas échéant par un aménagement de peine. Par ailleurs, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu la création de sept établissements spécialisés pour mineurs de soixante places chacun. Les premiers établissements ouvriront leurs portes en 2006. Ils accueilleront des mineurs prévenus ou condamnés. Conçus en unités de vie autonomes de dix cellules, ils comporteront un secteur d'activités scolaires et socio-éducatives, un quartier disciplinaire, un pôle parloirs, un centre médical, une salle de culte et une zone administrative. La dimension éducative de ces établissements s'exprimera tout au long du séjour en détention par : un accompagnement permanent du mineur par des adultes (en particulier surveillants et éducateurs), un suivi éducatif individualisé apportant une réponse aux difficultés en temps réel, un rythme d'activités très dense (sept heures par jour sept jours sur sept), un temps d'encellulement très réduit (de 22 heures à 7 heures), un accent fort mis sur la scolarité et la formation professionnelle (vingt heures par semaine), la pratique de sports ou d'activités physiques intensives (vingt heures par semaine), le développement des liens avec l'extérieur (familles, professionnels de l'insertion en droit commun...). La diversification des solutions éducatives conçues comme alternatives à la peine et le développement de la prise en charge éducative au sein même de la détention devraient être de nature à réduire le nombre et la durée des incarcérations prononcées à l'égard des mineurs. En effet, depuis la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, on constate une diminution du nombre de mineurs incarcérés (932 au 1er mai 2002, 637 au 1er mars 2005), et plus généralement un tassement de la délinquance. Le transfert opéré par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, des compétences du juge de l'application des peines au juge des enfants, est par ailleurs de nature à permettre à la justice des mineurs de s'adapter mieux encore à la spécificité de son public. Ce transfert des compétences, effectif depuis le 1er janvier 2005, garantit notamment aux mineurs une cohérence de la réponse judiciaire tout au long de leur parcours. En effet c'est le même service, celui de la protection judiciaire de la jeunesse, qui assure le suivi du mineur sous main de justice et qui est à même de proposer les solutions les plus adaptées à sa personnalité.
UMP 12 REP_PUB Ile-de-France O