SITUATION DU LOGEMENT SOCIAL
EN HAUTE-SAVOIE
M. le président. La
parole est à M. Claude Birraux, pour exposer sa question n° 450,
relative à la situation du logement social en Haute-Savoie.
M.
Claude Birraux. Monsieur le ministre, vue de loin, de Paris par
exemple, la situation du département de la Haute-Savoie peut paraître radieuse :
un département en expansion économique et démographique constante, l'attrait et
l'influence de la Suisse, et de Genève en particulier, qui fournissent un emploi
à quelque 30 000 travailleurs frontaliers. Mais si cette proximité est source de
richesses, elle est aussi source de disparités et d'inégalités.
Tant que les employeurs de Genève
ont puisé dans le réservoir naturel de main-d'oeuvre du Genevois français et de
la Haute-Savoie, les flux parvenaient à une sorte d'équilibre. Mais après les
restrictions imposées à l'immigration et aux travailleurs saisonniers, la Suisse
et Genève se sont tournées vers le reste de la France pour recruter des
travailleurs frontaliers, et les choses se sont gâtées. La Haute-Savoie a dû
assumer la charge du logement de ces personnes, de leur formation et de la
construction des infrastructures publiques. La forte demande a créé une pression
considérable sur le foncier, et le logement, dont les prix atteignent le niveau
des grandes agglomérations.
La
mise en oeuvre des accords bilatéraux Suisse-Union européenne a renforcé les
craintes et les inquiétudes des élus. En effet, le 1er juin 2004,
entrera en vigueur l'accord sur la libre circulation des personnes au seul
bénéfice des ressortissants helvétiques ; les citoyens de l'Union européenne
devront, eux, attendre la réciprocité jusqu'en 2012. Le logement étant rare et
cher à Genève, mes collègues et moi-même redoutons un afflux de ressortissants
suisses en France qui entraînerait des disparités encore plus grandes en zone
frontalière. Il faut savoir qu'un logement cher chez nous coûte encore 40 %
de moins qu'à Genève.
C'est
pourquoi, monsieur le ministre, je vous serais très reconnaissant de bien
vouloir étudier nos arguments avant de rendre un avis définitif sur le
classement en zone B, à 12,5 euros par mètre carré, du Genevois
français dans le nouveau dispositif « de Robien », et non plus en zone A, comme
initialement proposé.
Par
ailleurs, vous comprenez qu'il est de plus en plus difficile, dans de telles
conditions, de construire du logement social, dont nous avons pourtant un
impérieux besoin pour loger des travailleurs français travaillant en France et
percevant des salaires français, en particulier des fonctionnaires. Pour vous
éclairer, je rappelle qu'un franc suisse vaut 4,32 ex-francs français.
Un partenariat a été conclu entre
l'Etat, les bailleurs sociaux et les collectivités locales dans le cadre d'une
convention prévoyant la construction de 1 000 logements sociaux par an. Nous
n'atteignons pas ce chiffre. Et si des logements sociaux se construisent encore,
c'est parce que le conseil général et les communes se partagent le surcoût
foncier dans la limite de 35 euros par mètre carré chacun, et que chaque
logement est subventionné à hauteur de 2 300 euros par le conseil général
et de 4 600 euros par les bailleurs.
Ma supplique est simple, monsieur
le ministre : aidez-nous à construire du logement social ! Pour cela, il faut
sortir des schémas traditionnels même s'il nous faut toujours des prêts locatifs
à usage social, les PLUS.
Compte
tenu de nos contraintes foncières, ne pourrait-on autoriser les communes à
imposer aux promoteurs privés, dans leurs programmes, 20 à 25 % de
logements sociaux qui seraient vendus en état futur d'achèvement aux bailleurs ?
Une telle mesure favoriserait la mixité sociale et ouvrirait des possibilités
aux communes qui n'ont pas de réserve foncière et qui, accessoirement, éprouvent
quelques difficultés à se conformer à l'article 55 de la loi de solidarité
et de renouvellement urbains, dite loi SRU.
Suspension et
reprise de la séance
M. le président. La
séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures
quinze, est reprise à onze heures vingt.)
M. le président.
La séance est reprise.
La parole
est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, veuillez
pardonner mon retard. Il est vrai que les questions et les réponses précédentes
ont été courtes, ce qui a entraîné le décalage de ma propre intervention.
Monsieur Birraux, j'ai néanmoins entendu votre question sur mon poste de
télévision. J'y réponds avec plaisir parce qu'elle démontre, n'en déplaise à
certains, que la majorité est véritablement soucieuse de développer la mixité
sociale dans notre pays et sur le terrain, sans l'approche normative,
contraignante, parfois même coercitive, qui a été, à mon avis, excessivement
privilégiée jusqu'à présent.
Vous me posez deux questions, l'une
qui relève du droit de l'urbanisme, l'autre du financement du logement.
Comment une commune peut-elle
imposer dans chaque opération un pourcentage minimal de logements sociaux ? Par
l'intermédiaire de son plan local d'urbanisme qui définit les terrains affectés
aux programmes de logements sociaux. Ces logements peuvent être réalisés par le
propriétaire ou l'acquéreur du terrain, dans le cadre d'un programme
d'ensemble.
Si le propriétaire
ne souhaite pas réaliser lui-même ces logements, il dispose d'un droit de
délaissement qui impose à la commune de lui acheter le terrain dans un délai de
deux ans. Autrement dit, la commune dispose de deux ans pour trouver un
opérateur qui réalise le programme mixte qu'elle a souhaité.
Enfin, la commune peut, bien
évidemment aussi par une discussion en amont avec les promoteurs, obtenir la
réalisation de programmes mixtes. Cette procédure, non contraignante, est
souvent celle qui donne les meilleurs résultats.
Votre deuxième question porte sur
le logement. Il s'agit là d'un véritable sujet qui est essentiel pour pouvoir
maintenir en zone tendue des services publics de qualité.
Je suis bien évidemment prêt à
mettre en place un observatoire du marché du logement pour que nous puissions
déterminer à quel zonage il faut rattacher le Genevois français, que ce soit
pour le nouveau dispositif d'amortissement fiscal, qui a été voté il y a
quelques semaines, ou pour le financement du logement social.
Par ailleurs, le Premier ministre
vient d'accepter que, par redéploiement interne à mon département ministériel,
l'ensemble des crédits pour la réalisation de logements sociaux soient
intégralement rendus disponibles. C'est donc bien 55 000 logements sociaux
au moins qui seront financés en 2003. Encore faut-il que des maîtres d'ouvrage
montent des dossiers et les rendent éligibles. Monsieur le député, si vous avez
des projets, parlons-en et finançons-les ensemble, comme vous me l'avez proposé.
Avec des moyens juridiques pour permettre aux élus de bâtir la mixité sociale,
des moyens financiers disponibles pour construire des logements, le Gouvernement
saura être à vos côtés pour bâtir une ville solidaire.
M. le président. La
parole est à M. Claude Birraux.
M. Claude Birraux. Merci,
monsieur le ministre, de votre réceptivité et de votre ouverture aux problèmes
que je vous ai exposés. J'aimerais pousser un peu plus loin la réflexion.
En premier point, dans le cadre du
contrat de partenariat signé avec l'Etat, M. le préfet de région nous assure de
son appui pour disposer des PLUS nécessaires à la construction de 1
000 logements sociaux. Or une étude du CILS montre que, pour faire face au
retard et le résorber, il faudrait, dans les cinq ans qui viennent, construire 1
200 logements sociaux par an.
En second point, vous pouvez,
certes, nous accompagner en matière d'urbanisme, de destination de terrains à
travers les plans locaux d'urbanisme, mais il se pose aujourd'hui un problème de
prix. En Haute-Savoie, il est encore accru par l'application des accords
bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne. Dans le village où j'habite, à
huit kilomètres d'Annemasse, le terrain à construire se vend de 230 euros à
260 euros le mètre carré. Et ce n'est qu'un village ! En centre-ville, les
prix sont tels que les collectivités ne peuvent plus faire jouer leur droit de
préemption.
Le conseil général
et les collectivités ont mis en place un dispositif pour avoir en quelque sorte
un fonds de concours pour des acquisitions d'opportunité. Mais il me semble
qu'il nous manque une base juridique qui impose aux promoteurs privés de faire
20 % de logement social dans la promotion privée. C'est, à mon sens, le
seul moyen de réaliser du logement social malgré le coût foncier.
M. le président. Nous
avons pris un peu d'avance. Si nous tenions le même rythme pour la réforme des
retraites, ce serait bien. (Sourires.)