FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 45679  de  M.   Ginesta Georges ( Union pour un Mouvement Populaire - Var ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  10/08/2004  page :  6190
Réponse publiée au JO le :  09/11/2004  page :  8876
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  casier judiciaire
Analyse :  politiques communautaires
Texte de la QUESTION : M. Georges Ginesta appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la mise en place d'une véritable coopération européenne en matière de casier judiciaire. En effet, après la dramatique affaire Michel Fourniret qui, devant la justice, a à répondre de meurtres et de viols à l'encontre de jeunes filles, urgence est de permettre un accès des autorités compétentes de chaque État membre de l'Union européenne aux informations contenues dans chaque casier judiciaire des autres États membres. Dans le cas évoqué, ce dispositif aurait peut-être permis d'épargner de nombreuses vies innocentes. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer l'état d'avancement de ce projet.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire qu'au-delà de l'émotion qu'elle ne manque de susciter, l'affaire qu'il évoque met en effet en lumière la nécessité de renforcer la coopération européenne en ce qui concerne les échanges d'informations entre les registres d'antécédents judiciaires des pays membres de l'Union européenne pour l'adapter aux réalités induites par la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, mais aussi de rappeler les possibilités offertes en la matière par la Convention européenne d'entraide en matière pénale du 20 avril 1959 à laquelle sont parties tous les membres de l'Union européenne. Cette convention, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe, prévoit deux types d'échanges, d'une part l'échange spontané d'avis de condamnations et des mesures postérieures (art. 22), d'autre part la satisfaction ponctuelle de demandes d'extraits de casier judiciaire, principalement destinés aux autorités judiciaires pour les besoins d'une affaire pénale (art. 13, alinéa 1er) mais également pour d'autres motifs conformes aux règlements ou pratiques de la partie requise (art. 13, alinéa 2). S'agissant tout d'abord des demandes d'extraits de casier judiciaire, il doit être précisé que dans chacun des États membres, les autorités habilitées à obtenir communication des informations figurant dans le registre des condamnations d'un autre pays membre peuvent les solliciter auprès de ce dernier et les recevoir selon la même voie. C'est ainsi que le relevé intégral des condamnations prononcées contre une personne née dans un des pays de l'Union européenne peut être directement obtenu du casier judiciaire de ce pays par tout magistrat en application de l'alinéa 1er de l'article 13. A cette fin et comme leurs homologues des pays liés par l'accord de Schengen, les autorités judiciaires françaises disposent depuis 1998 d'un imprimé type élaboré au sein d'un groupe de travail de coopération judiciaire destiné à chacun des services compétents des États et rédigé dans sa langue. Les autorités administratives habilitées ont la faculté à l'occasion de l'instruction de demandes d'accès à des professions réglementées de solliciter du casier judiciaire du pays de naissance du candidat via le ministère de la justice de celui-ci la délivrance d'un bulletin plus restreint comportant les condamnations susceptibles d'être incapacitantes dans la mesure où la législation du pays requis l'envisage expressément pour les mêmes motifs, conformément aux alinéas 2 de l'article 13 et 3 de l'article 15 de la convention. En conséquence, les autorités administratives de l'Union peuvent obtenir la délivrance du bulletin numéro 2 de tout ressortissant français sur lequel est notamment mentionnée pendant la durée de la mesure la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs quand elle a été prononcée en application de l'article 131-36-2 du code pénal. De surcroît, depuis l'adoption de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les condamnations relatives à des infractions de nature sexuelle ne peuvent faire l'objet d'une décision judiciaire de dispense d'inscription sur ce bulletin. S'agissant ensuite des avis de condamnations et mesures postérieures relevant de l'article 22, les échanges entre les partenaires européens sont soumis à la règle de transmission à chaque État et au moins une fois par an des sentences prononcées à l'encontre de ses ressortissants. En pratique c'est avec les pays limitrophes de la France - et principalement la Suisse et l'Allemagne - que les échanges de données avec le casier judiciaire national sont volumétriquement les plus importants et les plus fréquents. Des actions partenariales bilatérales ont permis au casier judiciaire national de développer des lexiques juridiques facilitant l'enregistrement des décisions de ses principaux partenaires. Néanmoins la retranscription des condamnations étrangères dans les registres nationaux demeurant régie par chaque législation nationale, étant précisé que les délais d'effacement des informations enregistrées et leur valeur juridique au regard de la récidive ne font pas l'objet de règles communes édictées au plan européen mais relèvent de chaque législation interne. En outre, même une coopération efficace entre deux États signataires de la convention du 20 avril 1959 en ce qu'elle ne peut concerner que leurs propres nationaux, ne permettra à aucune autorité d'échanger avec le registre d'un autre État membre des informations relatives aux condamnations ou incapacités et interdictions prononcées contre un individu installé dans un pays différent de celui de sa condamnation ou de sa naissance, a fortiori s'il s'agit d'un ressortissant d'un pays tiers à la convention. A cet égard, la nécessité de créer un registre européen des condamnations et des déchéances est apparue à plusieurs reprises dans les travaux de l'Union ; en 2004, le principe d'échange d'informations entre les administrations judiciaires sur les auteurs des crimes les plus graves a fait l'objet d'une déclaration du Conseil européen en date du 25 mars dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Mandatée à cette fin, la Commission s'est engagée à déposer une proposition sur ce sujet avant la fin de l'année 2004. Par ailleurs, dans le cadre de coopération défini par la convention, la France et l'Allemagne sont à l'origine d'une initiative lancée au sommet franco-allemand de l'Elysée du 22 janvier 2003 à laquelle l'Espagne a ensuite été associée - en faveur de la mise en réseau électronique de leurs casiers judiciaires. Ce dispositif dont les premiers essais commenceront avant la fin de l'année et qui pourrait être opérationnel avant la fin de l'année 2005 permettra à chaque casier judiciaire de communiquer à son homologue des deux autres pays les avis de condamnations concernant leurs ressortissants dès leur enregistrement. De plus il tend à instaurer un véritable partenariat entre les trois casiers afin d'améliorer l'information des autorités judiciaires sur les antécédents pénaux des ressortissants des trois États ; ainsi toute autorité judiciaire française qui demanderait au casier judiciaire national le relevé des condamnations enregistrées pour un ressortissant allemand ou espagnol recevrait automatiquement, outre l'extrait de son casier judiciaire français, le relevé des antécédents pénaux de celui-ci dans son pays de naissance ainsi que le cas échéant dans l'autre pays. Cette démarche susceptible d'être élargie aux autre États pourrait constituer une préfiguration de la mise en réseau des casiers judiciaires nationaux au sein de l'Union européenne.
UMP 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O