Texte de la QUESTION :
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M. François Liberti appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation dans la région de Darfour, dans l'est du Soudan, qui a fait déjà plus de 10 000 victimes et contraint 1,2 million de personnes à quitter leur village. Devant cette crise grave la communauté internationale se mobilise après être restée sourde aux appels des organisations de défense des droits humains et humanitaires. Depuis, les États-Unis ont proposé un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, qui demande au gouvernement soudanais de remplir immédiatement tous les engagements qu'il a pris publiquement. Or, l'embargo sur les armes, évoqué au titre de sanction par les États-Unis ne vise que les milices Janjawid. Des preuves suffisantes montrent aujourd'hui que celles-ci sont financées, armées et soutenues par le gouvernement soudanais lui-même. En conséquence, il lui demande, d'une part, que le gouvernement français soutienne un projet de résolution qui ordonne un embargo immédiat sur les livraisons d'armes et de matériel militaire utilisés par les forces gouvernementales comme par les Janjawid, et qui prévoit également un mécanisme de contrôle approfondi permettant d'enquêter sur d'éventuelles violations de cet embargo tout en rendant compte des résultats de son activité. Ce texte devra décider le déploiement d'une mission d'observation de la situation des droits humains, dotée de moyens adaptés à la situation et efficace. D'autre part, il lui demande que face aux allégations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité d'oeuvrer à la création d'une commission d'enquête internationale pour examiner tous les éléments qui viennent en témoigner ; ses conclusions comme ses recommandations devront être rendues publiques.
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Texte de la REPONSE :
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La France est gravement préoccupée par la situation qui continue à prévaloir dans le Darfour, où des violations graves des droits de l'homme sont encore perpétrées et où les conditions de vie, tant des déplacés que des réfugiés, restent particulièrement précaires. Le conflit du Darfour est de nature à réduire à néant les bénéfices que le Soudan commençait à espérer d'un retour à la paix dans la partie Sud du pays. Il est également susceptible de déstabiliser les pays voisins, notamment le Tchad et la République centrafricaine. Le Gouvernement français a rapidement pris conscience de la gravité de cette crise. Dès février dernier, le ministre des affaires étrangères s'est rendu au Tchad (à N'djamena et dans le camp de Forchana) puis au Soudan, au moment même où affluaient les premiers réfugiés à la frontière tchado-soudanaise. Le ministre délégué à la coopération et à la francophonie s'est quant à lui rendu fin mai à N'djamena, tandis que le secrétaire d'État aux affaires étrangères est allé fin juin à Khartoum puis dans le Darfour afin d'y évaluer la situation dans les camps de déplacés d'El Geneina et de Mornei. Le ministre des affaires étrangères s'est rendu sur place le 27 juillet à N'djamena puis dans le Darfour, à El Fasher, où il a visité le camp de personnes déplacées d'Abou Chok. Le ministre de la défense était à son tour le 6 août à Abéché, au Tchad. Face à cette crise, la première urgence est d'ordre humanitaire. Avec la saison des pluies, qui a coupé les voies d'accès terrestres et accru les risques d'épidémies, la communauté internationale se devait d'intensifier son effort en direction des populations menacées. Afin de résoudre au plus vite la question cruciale de l'acheminement du fret humanitaire, la France a financé directement la location de deux avions gros porteurs et de deux hélicoptères. Le Président de la République a en outre décidé de mettre à disposition les moyens militaires français au Tchad pour l'acheminement de l'aide à partir de N'djamena jusque dans les camps de réfugiés du Darfour situés près de la frontière. Cette opération s'est achevée au début du mois de septembre, avec la fin de la saison des pluies, le programme alimentaire mondial nous ayant indiqué qu'il était désormais en mesure d'utiliser les moyens de transports terrestres. Nos moyens militaires au Tchad ont ainsi permis d'acheminer plus de 700 tonnes de fret (équipement, médicaments, compléments alimentaires) au profit de différents opérateurs humanitaires (Nations unies, ONG). L'aide européenne, bilatérale et communautaire, s'élève d'ores et déjà à près de 300 millions d'euros. La France a, pour sa part, déjà consacré plus de 50 millions d'euros (dont 11,338 MEUR à titre strictement bilatéral). La promotion et la défense des droits de l'homme sont également, pour la France, une priorité. Des violations massives de ces droits ont été et continuent à être commises. C'est pour y mettre un terme et pour encourager la lutte contre l'impunité que nous avons soutenu la création d'une commission internationale d'enquête, à présent constituée, et préconisé le doublement du nombre d'observateurs des droits de l'homme déployés sur le terrain par le Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies. La France veillera à ce que les crimes perpétrés ne restent pas impunis. Il est en outre essentiel de faire progresser le processus sans lequel les parties soudanaises ne seront pas en mesure de trouver une issue politique durable à cette crise. Dans cette perspective, la France et l'Union européenne se mobilisent pour conforter l'engagement de l'Union africaine. Après avoir participé activement, en mars dernier, aux négociations de N'djamena qui ont abouti à l'accord de cessez-le-feu du 8 avril, la France contribue aujourd'hui directement à la mission de l'Union africaine dans le Darfour, au sein de laquelle un officier français exerce les fonctions de vice-président de la commission d'observation du cessez-le-feu. Nous apportons par ailleurs à cette mission un soutien logistique à partir de nos installations militaires au Tchad. Cette mission est nécessaire pour contribuer au rétablissement de la confiance et à une meilleure application du cessez-le-feu. Pour compléter ce dispositif, les forces françaises présentes au Tchad mènent des actions d'observation et de sécurisation à la frontière avec le Soudan, ce qui a permis une stabilisation de la situation à la frontière commune. Enfin, nous mettons à la disposition de l'Union africaine une équipe de planification. L'Union africaine vient de décider un renforcement significatif de sa mission dans le Darfour (observation, protection, police civile), ce qui fera passer ses effectifs, qui s'élèvent aujourd'hui à 450 hommes, à plus de 3 300. Le déploiement de cette mission renforcée a débuté. La France participe à cette opération en mettant à disposition ses bases au Tchad. Cette mission sera très largement financée par l'Union européenne qui s'apprête à débloquer 80 millions d'euros en faveur de l'UA (en sus des 12 millions qu'elle a déjà alloués à l'UA en juin). Il est nécessaire de rappeler que la France contribue pour près du quart à cette aide européenne. De même, nous continuons d'appuyer les efforts de l'Union africaine afin de faire progresser les négociations entre les autorités soudanaises et les mouvements rebelles, qui ont repris le 21 octobre à Abuja (Nigeria). La France, qui a dépêché sur place un envoyé spécial, apporte un soutien financier à ces pourparlers. Parallèlement à ces actions, nous maintenons la pression sur les autorités soudanaises afin qu'elles assurent la sécurité des populations civiles, désarment les milices janjaouites, appréhendent leurs responsables, et améliorent l'accès des organisations humanitaires aux populations menacées. C'est dans cet esprit que la France a activement oeuvré à l'adoption par le Conseil de sécurité des résolutions 1556 et 1564. Nous devons aussi, plus généralement, inciter l'ensemble des parties concernées à respecter le cessez-le-feu et à participer, de bonne foi et avec l'intention de conclure, aux négociations de paix. Aujourd'hui, nous devons être conscients des risques encourus. La clé du retour à la stabilité interne mais aussi régionale est d'abord entre les mains des autorités soudanaises. Le règlement de la crise, humanitaire d'abord, politique ensuite, ne se fera pas sans le Soudan, encore moins contre le Soudan. Il se fera avec le Soudan et en prenant en considération à la fois les intérêts prioritaires des populations aujourd'hui directement menacées et les risques de déstabilisation du Soudan, le plus vaste pays du continent africain, pour l'ensemble de la région.
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