RISQUES SANITAIRES ET
ENVIRONNEMENTAUX
DU TRAITEMENT DES DÉCHETS PAR
INCINÉRATION
M. le président. La
parole est à M. Jean Leonetti, pour exposer sa question, n° 470,
relative aux risques sanitaires et environnementaux du traitement des déchets
par incinération.
M. Jean Leonetti.
Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, je voudrais vous
interroger sur le problème du traitement des déchets par incinération, et plus
particulièrement sur l'usine d'incinération installée à Font-de-Cine sur le
territoire de la commune de Vallauris et à la limite d'Antibes.
Dès 1995, cette usine, construite
dans les années 70, a été mise aux normes fixées par les directives européennes.
Dans les mois qui viennent, un procédé de filtrage des fumées renforcera le
procédé semi-humide actuellement utilisé, et toutes les dispositions sont
prévues pour que les émissions de fumée soient conformes aux nouvelles normes
européennes en vigueur en 2005 - c'est, d'ailleurs, déjà le cas.
Cependant, la revue Epidemiology a mentionné une augmentation
statistiquement non significative de certains cancers - les lymphomes non
hodgkiniens - dans une zone située à proximité de l'usine d'incinération de
Besançon. Il faut signaler que, pendant de très nombreuses années, cette usine a
eu des taux de dioxine cent fois supérieurs aux normes européennes. Pour autant,
les auteurs de l'étude, parue dans une revue extrêmement sérieuse, ont précisé
qu'il n'était pas possible d'établir un lien de cause à effet entre
l'augmentation de ces cancers et l'usine d'incinération, et qu'on ne pouvait pas
incriminer les dioxines émises sur ce site. Il faut noter, par ailleurs, que,
alors que l'on avait toujours considéré que les dioxines ne pouvaient se
retrouver que dans la chaîne alimentaire, on évoquait pour la première fois la
possibilité que les dioxines émises dans les fumées pouvaient entraîner
directement l'augmentation d'une pathologie.
Il n'en reste pas moins que, malgré
les réserves de leurs auteurs, la diffusion de ces informations a entraîné de la
part de la population française et européenne, et plus particulièrement de la
part de ceux qui vivent près de l'usine de Font-de-Cine, dans le quartier des
Semboules, une inquiétude forte et de la défiance à l'égard de la technique de
l'incinération.
Au moment où la
communauté d'agglomération de Sophia-Antipolis - qui comprend les villes
d'Antibes et de Vallauris - et le département des Alpes-Maritimes
réfléchissent ensemble à l'avenir des déchets sur leur territoire et à la
définition commune d'un plan départemental de traitement des déchets, en
affirmant clairement rechercher des méthodes alternatives à l'incinération, je
souhaite,madame la ministre, que vous puissiez nous éclairer sur les risques
sanitaires de l'ensemble des méthodes utilisées - dont aucune, à notre
connaissance, n'est exempte d'inconvénients - et, plus particulièrement,
sur les risques que comportent aujourd'hui la rénovation de l'usine
d'incinération et la poursuite de son activité, voire la construction d'une
deuxième usine.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement
durable.
Mme Roselyne
Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du
développement durable. Monsieur le député, votre question aborde un sujet
auquel j'attache la plus grande importance : celui de l'impact du traitement des
déchets sur la santé.
Vous l'avez
rappelé, aucun mode d'élimination n'est totalement exempt du risque de produire
des effets sur l'environnement ou sur la santé humaine, des riverains comme des
travailleurs employés dans l'installation. Néanmoins, toutes les études
épidémiologiques confirment que les réglementations en vigueur garantissent un
très haut niveau de protection dans ces deux domaines.
En matière d'incinération, ma
surprise a été grande, lorsque je suis arrivée au ministère, de constater que
trente-quatre incinérateurs non conformes à la réglementation de 1991
continuaient de fonctionner. J'ai alors pris des engagements, qui furent
d'ailleurs accueillis par des ricanements sceptiques. Je m'étais en effet
engagée à ce que ces trente-quatre incinérateurs hors normes soient d'ici à la
fin 2002, soit mis aux normes, soit fermés. De fait, toutes ces unités ont été
ou arrêtées ou modernisées.
Les
émissions de dioxine des incinérateurs d'ordures ménagères, qui étaient passées
de 1090 grammes pour l'ensemble de la France en 1995 à 220 grammes en
2002, devraient de ce fait être ramenées à 115 grammes en 2003. Une
nouvelle étape de réduction est prévue d'ici à la fin 2005, ce qui nous
permettra de diviser encore les niveaux par dix. Je suis l'avancement de ce
dossier avec une très grande attention pour ne pas risquer de devoir à nouveau
faire face à une échéance que les opérateurs n'auraient pas anticipée. J'ai bien
noté que vous avez prévu la mise en conformité à ces nouvelles normes de l'unité
d'Antibes dans ces délais.
L'étude sanitaire à laquelle vous
avez fait référence a été réalisée à proximité d'une usine dans laquelle le
traitement des fumées n'était pas assez développé. Les rejets en dioxine, vous
l'avez indiqué, y étaient plus de 150 fois supérieurs aux nouvelles normes
européennes. Il appartient à la communauté scientifique d'approfondir pour ce
cas particulier un lien de causalité qui ne paraît pas clairement établi. Cet
exemple montre en tout cas que le principe de précaution doit prévaloir et qu'il
est essentiel d'appliquer la nouvelle réglementation dans les meilleurs
délais.
S'agissant des décharges,
les résultats disponibles concluent à une situation satisfaisante pour les sites
qui respectent la réglementation actuelle. Il reste cependant des efforts à
accomplir pour mieux capter le biogaz et réduire les nuisances olfactives, qui
constituent une gêne dont l'impact, en particulier psychologique, peut être
important. J'ai d'ailleurs pris des engagements précis à l'occasion de la
communication que j'ai faite sur ce sujet devant le conseil des ministres.
En ce qui concerne le compostage,
les travaux d'étude de l'impact sanitaire, qui ne font que commencer, laissent
entendre que l'aspect microbiologique serait le plus important, surtout en ce
qui concerne les travailleurs. Bien entendu, nous sommes extrêmement attentifs,
dans ce domaine comme sur tout ce qui lie la santé et l'environnement, aux
dernières évolutions des connaissances scientifiques.
Avec François Fillon et
Jean-François Mattei, nous avons lancé il y a quelques jours le plan national «
Santé et Environnement », qui sera présenté au printemps 2004 et dont le
secrétariat sera assuré par l'Agence française de sécurité sanitaire
environnementale. Bien entendu, ce plan sera l'occasion de faire le point sur
ces questions, elles sont inscrites sur sa feuille de route.
M. le président. La
parole est à M. Jean Leonetti.
M. Jean Leonetti.
Madame la ministre, je vous remercie de l'action que vous menez au plan
national pour que l'environnement et l'état de santé de nos concitoyens soient
mieux protégés.
Votre réponse
prouve en même temps combien la vigilance est nécessaire, en particulier
s'agissant du respect des normes. Aucune méthode ne doit être a priori rejetée dans l'ensemble du panel qui nous
est proposé pour traiter de l'ensemble des déchets. Je pense que dans les
Alpes-Maritimes, et plus particulièrement sur la communauté d'agglomération de
Sophia-Antipolis, nous allons travailler dans un climat plus serein.