FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 47945  de  M.   Bois Jean-Claude ( Socialiste - Pas-de-Calais ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  05/10/2004  page :  7688
Réponse publiée au JO le :  08/02/2005  page :  1349
Rubrique :  entreprises
Tête d'analyse :  délocalisations
Analyse :  lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Jean-Claude Bois appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les mesures prises pour lutter contre les délocalisations. Pour freiner ce phénomène, il a été accordé des exonérations fiscales ou des baisses de cotisations aux entreprises. Ces aides accompagnent systématiquement toute disposition en matière d'emploi alors que leurs effets réels restent à démontrer sur la préservation ou la création d'emploi, et, aujourd'hui, plus encore, sur les décisions des entreprises de ne pas se délocaliser, voire d'externaliser certaines de leurs activités. Ainsi, après Majorette, Whirpool, Lafuma, Sediver, Timing, trente-sept entreprises de la métallurgie s'apprêteraient à délocaliser tout ou partie de leur production vers les pays de l'Est (Valeo Annoflex, Ronal, TRW, Snappon...) ; des entreprises de tout secteur comme Thomson Genlis, Dietal, Chaffoteaux et Maury, Arthur Martin, AMP Valfond, Pons et Thyssen privilégient également la délocalisation. Après l'industrie, tous les secteurs d'activité sont désormais concernés ; ce sont les services, les centres d'appel, les activités comptables et informatiques. Ces menaces de délocalisation pèsent sur le climat social. Les salariés de certaines entreprises, et particulièrement les petites entreprises, sont obligés de choisir entre la fermeture de leur usine et leurs acquis sociaux, salaire ou jours de congés. Il est même envisagé une augmentation du temps du travail avec une diminution substantielle du salaire. Le dumping fiscal et social plane sur notre économie. Mais, plus grave encore, et selon François Chesnais, professeur d'économie, « en multipliant les exonérations de cotisations ou en allégeant la fiscalité, on appauvrit le financement de notre système de protection sociale, on prive de précieuses recettes le budget de l'État ». Pour lutter efficacement contre ce phénomène, il suggère de « rendre les licenciements plus coûteux et revoir la rédaction de l'article 323 du code du travail, qui ouvre la porte à toutes les délocalisations » et « supprimer ou obtenir le remboursement immédiat de toutes les aides publiques de ceux qui veulent ou ont délocalisé ». Et pourquoi ne pas envisager une écotaxe substantielle qui serait fonction de la destination de l'entreprise car la législation en vigueur de certains pays souligne un certain retard en matière d'environnement et pénaliser, plus encore, les entreprises qui privilégient les pays qui n'ont pas signé l'accord de Kyoto. Cela permettrait d'aider certains pays à mettre en oeuvre des dispositions pour la préservation de notre planète grâce à cette taxe qui leur serait destinée. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de sa position à l'égard de ses propositions.
Texte de la REPONSE : Les délocalisations constituent un sujet d'inquiétude pour les salariés. Le maintien de l'emploi dans l'industrie française, et plus généralement européenne, est une priorité du Gouvernement. La loi de finances pour 2005 a adopté des mesures offensives en allégeant le coût fiscal et social des entreprises pour permettre d'implanter des industries dans des zones fragilisées par des mutations industrielles. Il s'agit à la fois d'éviter les délocalisations mais aussi de permettre des « re-localisations » en France dans ces territoires fragiles. Ces aides seront soumises à l'engagement de l'entreprise de maintenir pendant cinq ans les emplois existants dans le cas du dispositif anti-délocalisations ou créés dans le cas du dispositif « re-localisations ». Si cet engagement n'était pas respecté, la société devra reverser les crédits d'impôts obtenus en application de ces dispositions. Ces exonérations de cotisations et allégements fiscaux ont un coût annuel estimé à 330 millions d'euros. Elles permettront de maintenir l'activité dans des zones d'emploi en grande difficulté, dont la charge aurait sinon pesé lourdement sur le financement de notre système de protection sociale. Un renforcement systématique du coût des licenciements par voie législative serait, en l'absence d'autre mesure, de nature à précipiter certains projets de délocalisations citées dans la question. Le groupe de travail présidé par Michel Camdessus a proposé de transposer le système d'« experience rating » américain, ce qui conduirait à une modulation des cotisations pour inciter à l'embauche et décourager le licenciement. L'auteur de la question suggère également la mise en place d'une écotaxe nouvelle qui frapperait les entreprises qui « délocalisent » leur activité en direction de pays n'ayant pas encore atteint l'acquis environnemental suffisant et qui offrent donc un régime fiscal et social attractif, voire pratiquent le « dumping » fiscal. Les pays en développement semblent les principaux visés. Cette proposition semble difficile à mettre en oeuvre puisqu'elle nécessiterait de taxer une entreprise qui a quitté le territoire français. En outre, cette écotaxe serait contraire au protocole de Kyoto qui prévoit des mécanismes spécifiques de financement à destination des pays en développement, avec le soutien actif de la France et de l'Union européenne. En revanche, la mise en oeuvre des « mécanismes de flexibilité » prévus par le protocole de Kyoto représente un véritable effet de levier pour ces pays. Les mécanismes de flexibilité offrent à des opérateurs des crédits pour des projets mis en oeuvre dans les pays en voie de développement (mécanisme de développement propre) ou dans les pays d'Europe de l'Est (mise en oeuvre conjointe). Ces crédits sont délivrés lorsque les projets permettent des réductions additionnelles des émissions de gaz à effet de serre au-delà de ce que la réglementation du pays d'accueil, l'équilibre financier, la disponibilité des ressources ou des techniques auraient imposé. L'intérêt de ces mécanismes est triple : il permettra aux États soumis à des engagements contraignants comme la France de réaliser ces réductions d'émissions à moindre coût ; il favorise les investissements et les transferts de technologies « propres » (énergie, transport, etc.) dans les pays en développement, gages d'un développement durable ; il offre aux industriels concernés un élément supplémentaire de financement. La mise en oeuvre de ces mécanismes a la préférence de la France, qui conclut d'ailleurs un certain nombre de partenariats avec plusieurs pays éligibles pour faciliter ces investissements (Maroc, Colombie, Roumanie, etc.) et en négocie d'autres (Brésil, Chine, Mexique, Argentine).
SOC 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O