FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 484  de  M.   Zuccarelli Émile ( Députés n'appartenant à aucun groupe - Haute-Corse ) QOSD
Ministère interrogé :  industrie
Ministère attributaire :  industrie
Question publiée au JO le :  01/12/2003  page :  9070
Réponse publiée au JO le :  03/12/2003  page :  11483
Rubrique :  énergie et carburants
Tête d'analyse :  énergie éolienne
Analyse :  réglementation. respect
Texte de la QUESTION : M. Émile Zuccarelli souhaite appeler l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur les conditions d'achat de l'énergie relatives au projet éolien des « Hauts de Bastia » en Haute-Corse et le rôle d'EDF dans cette affaire. Sans même souligner les conséquences environnementales préoccupantes d'une opération qui cumule les avis défavorables de la DIREN, de la commission d'enquête et de la ville de Bastia dont elle surplomberait le territoire, il convient de relever que, avec 19,6 MGW, la limite de puissance installée pouvant bénéficier de l'obligation d'achat est largement dépassée. Son promoteur a contourné la réglementation en vigueur en 2002 en divisant artificiellement le projet en deux au moyen de filiales, chacune d'entre elles portant une puissance inférieure au plafond légal des 12 MGW, ce qui lui a permis d'abuser les services de la DRIRE de Corse qui lui ont délivré fin 2002 un certificat d'obligation d'achat. Il est cependant patent que, nonobstant cet artifice que l'on pourrait qualifier de « saucissonnage », procédé sévèrement réprimé en matière de marchés publics, le projet constitue un site unique au sens de la réglementation, les installations étant portées par la même société mère, desservies par la même piste, raccordées au réseau par un même câble, équipées d'un local technique unique et enfin les aérogénérateurs n'étant jamais séparés entre eux de plus de quelques hectomètres. Le projet est donc irréfutablement frappé par le dispositif réglementaire en vigueur en 2002 et a fortiori par les textes postérieurs qui sont venus le préciser, notamment son décret du 27 mars dernier qui fixe la distance devant séparer deux sites distincts à 1 500 mètres. A l'évidence, cela n'a pas suffi pour décourager l'opérateur ni sa maison mère, EDF, qui n'ont pas retiré la demande de permis de construire. Il convient de souligner à cet égard qu'Electricité de France est concerné à double titre par cette opération : en tant qu'opérateur public tenu par l'obligation d'achat de l'électricité produite et qui en tolérant, voire en cautionnant le dépassement du plafond légal accorde un avantage indu à la SIIF énergies (Société d'investissement industriel et financier Energies), mais également en tant que véritable promoteur de ce projet. Il souhaiterait donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre, en particulier dans cette affaire, pour lutter efficacement contre les tentatives de contournement du dispositif dit « de soutien à la production d'énergie renouvelable », singulièrement par une entreprise publique, et obtenir qu'elle applique tout simplement la loi.
Texte de la REPONSE :

LÉGALITÉ DU PROJET ÉOLIEN
DES « HAUTS DE BASTIA » EN HAUTE-CORSE

    Mme la présidente. La parole est à  M. Emile Zuccarelli, pour exposer sa question n° 484.
    M. Emile Zuccarelli. Je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur les conditions d'achat de l'énergie relatives au projet éolien des « Hauts de Bastia » en Haute-Corse et sur le rôle d'EDF dans cette affaire.
    Sans même souligner les conséquences environnementales préoccupantes - et c'est un euphémisme - d'une opération qui cumule les avis défavorables de la DIREN, de la commission d'enquête et, accessoirement, de la ville de Bastia, dont le territoire serait surplombé par les éoliennes, il convient de relever qu'avec 19,6 mégawatts la limite de puissance installée pouvant bénéficier de l'obligation d'achat par EDF est largement dépassée. Il apparaît que son promoteur a tenté de contourner la législation et la réglementation en vigueur en divisant artificiellement le projet en deux au moyen de filiales, chacune d'elles ayant une puissance inférieure au plafond légal de 12 mégawatts.
    Il est cependant patent que, nonobstant cet artifice que l'on pourrait qualifier de « saucissonnage », procédé sévèrement réprimé en matière de marchés publics, le projet constitue un site unique au sens de la réglementation, les installations dépendant de la même société mère, desservies par la même piste, étant raccordées au réseau par le même câble et équipées d'un local technique unique. Enfin, les aérogénérateurs ne sont jamais séparés de plus de quelques hectomètres. Ce saucissonnage peut donc être qualifié de grossier. Un élu local s'adonnant à ce genre de fantaisie en matière de marchés publics encourrait immédiatement des poursuites pénales.
    Ce projet est donc irréfutablement frappé par le dispositif réglementaire que vous avez complété le 27 mars dernier et qui fixe la distance devant séparer deux sites distincts à 1 500 mètres.
    A l'évidence, cela n'a pas suffi pour décourager l'opérateur, ni sa maison mère, EDF, qui n'ont pas retiré la demande de permis de construire. Il convient de souligner à cet égard qu'EDF est concernée à double titre par cette opération : d'une part, en tant qu'opérateur public tenu par l'obligation d'achat de l'électricité produite et qui, en tolérant, voire en cautionnant, le dépassement du plafond légal, accorde un avantage indu à sa filiale, la SIIF Energies ; d'autre part, en tant que véritable promoteur de ce projet.
    Je souhaiterais donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour lutter efficacement contre les tentatives de contournement - choquantes, en l'occurrence - du dispositif dit « de soutien à la production d'énergie renouvelable », singulièrement par une entreprise publique, et pour obtenir que les entreprises publiques appliquent tout simplement la loi.
    Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, m'a chargé de vous transmettre sa réponse à votre question.
    Les projets éoliens situés sur les communes de Patrimonio et de Pietrabugno sont effectivement portés par deux sociétés de projets différentes, toutes deux filiales de SIIF Energies. Cette dernière est une filiale d'EDF qui développe des projets dans le domaine des énergies renouvelables et, plus particulièrement, dans le domaine de l'énergie éolienne, participant ainsi aux objectifs français en matière de développement des énergies renouvelables.
    La puissance installée pour chacun de ces deux projets est respectivement de 10,4 et de 9,1 mégawatts. Etant inférieurs au seuil de 12 mégawatts, ces deux projets ont obtenu en 2002 la délivrance des certificats d'obligation d'achat, conformément à la législation arrêtée à cette date par le précédent gouvernement.
    Depuis, la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés énergétiques, promulguée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a institué une distance minimale de 1 500 mètres entre deux sites sur lesquels deux installations sont « exploitées par la même personne ou par des sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement » pour que ces deux installations puissent être considérées comme distinctes et bénéficier de l'obligation d'achat.
    Les deux projets ayant néanmoins obtenu la délivrance de leur certificat d'obligation d'achat bien avant l'existence de cette obligation de distance, ceux-ci bénéficient donc du régime antérieur à la loi de janvier 2003.
    Cela ne préjuge toutefois pas la décision qui sera prise par le préfet dans les prochaines semaines quant à la délivrance du permis de construire pour ce projet, lequel tiendra compte des résultats des études d'impact et de l'enquête publique réalisées dans le cadre de l'instruction desdits projets.
    Mme la présidente. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte du fait que toute latitude sera laissée au préfet pour juger de l'opportunité d'accorder ou de refuser le permis de construire à un opération dont j'ai assez dit qu'elle présentait des aspects environnementaux extrêmement préoccupants, voire courrouçants pour les populations concernées.
    Cela dit, je ne peux pas ne pas relever la pétition de principe selon laquelle cette opération serait légale. En effet, les deux filiales résultent d'un grossier saucissonnage, d'un grossier maquillage, tout le monde le sait.
    Certes, l'autorisation a été délivrée en novembre 2002, mais il faut se souvenir que, lors du dernier trimestre de la même année, le législateur s'était ému de ce type de manipulation et avait commencé l'examen d'un projet de loi qui avait précisément pour objet de traquer, d'interdire et d'empêcher ce genre de manoeuvres. L'Assemblée avait, en première lecture, adopté des dispositions destinées à lutter contre les astuces consistant à multiplier les filiales. De sorte que, si une autorisation a été délivrée, elle a été, selon moi, donnée avec une myopie de circonstance extrêmement critiquable, pour ne pas dire plus.
    Ma ville et moi-même sommes très attachés au développement des énergies renouvelables et de l'éolien. Il faut que vous sachiez que l'ENSAM - l'Ecole nationale supérieure des arts et métiers - délivre sur le territoire de Bastia un mastère d'enseignement dans ce domaine. Toutefois, il ne faudrait pas, pour des raisons motivées par l'appât du gain - le prix de rachat de ce type d'énergie étant supérieur en Corse par rapport au continent -, que fleurissent des projets fondés uniquement sur la recherche de la rentabilité maximale et qui risquent de nuire gravement à l'image de l'éolien que se font les populations. Une défense intelligente de l'énergie éolienne passe justement par le refus d'une telle opération qui ne peut que jeter le discrédit sur la filière éolienne.
    Je suis extrêmement surpris qu'EDF puisse, dans une schizophrénie assez étrange, accepter des dépassements d'obligation d'achat qui favorisent peut-être telle ou telle filiale mais pénalisent globalement l'entreprise, ainsi que l'usager du service public et, accessoirement, le contribuable.
    Je vous assure que si, dans un autre domaine, une maison mère était suspectée d'une telle opération en faveur d'une filiale, ses dirigeants pourraient avoir quelques inquiétudes.
    Cela étant, je n'ai aucun doute que, lorsque l'on aura ouvert les yeux d'EDF sur cette situation, celle-ci retirera ce projet. Toutefois, je souhaite que le Gouvernement l'y incite vivement.

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