Texte de la QUESTION :
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M. Yves Jego attire l'attention de Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances sur les difficultés rencontrées par les jeunes femmes migrantes qui viennent d'arriver, victimes d'un mariage forcé. L'actuelle étude du Haut Conseil à l'intégration évalue à 70 000 le nombre d'adolescentes de dix à dix-huit ans potentiellement menacées par des mariages forcés en France. En 2000, une enquête de l'agence pour le développement des relations interculturelles (ADRI) réalisée en Ile-de-France identifiait les mariages forcés comme la principale violence familiale exercée sur les jeunes filles d'origine étrangère et de culture musulmane. Une majorité des jeunes filles acceptent ce mariage soit parce qu'elles sont très jeunes et ne sont pas en capacité de se révolter contre la volonté familiale voire communautaire, soit parce qu'elles redoutent de rompre avec leur famille. Ces « unions », qui sont, le plus souvent, marquées par des violences conjugales, sont vouées à l'échec. Lorsque ces femmes parviennent à divorcer, ce divorce s'accompagne d'une rupture familiale difficile à gérer, que la femme soit immigrée ou issue de l'immigration. Aussi, certaines sombrent dans la dépression, multiplient les fugues ou les tentatives de suicide, voire finissent par se prostituer. Les deux pratiques constituent des situations extrêmes, mais leur persistance, voire leur développement, est symptomatique des pratiques coutumières qui portent atteinte aux droits des jeunes filles. Aussi souhaiterait-il savoir ce qu'entend faire le Gouvernement pour lutter contre cette pratique. - Question transmise à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.
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Texte de la REPONSE :
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Lors d'une communication en Conseil des ministres le 22 septembre 2004, la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle a rappelé la volonté du Gouvernement de promouvoir l'égalité pour les femmes de l'immigration. La violence sous-tend toujours une vision inégalitaire de la société et porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne. Les femmes en sont les premières victimes et celles de l'immigration peuvent subir de surcroît les violences des mariages forcés et des mutilations sexuelles. À cet égard, la loi du 26 novembre 2003 crée les conditions juridiques de la lutte contre les mariages forcés. Ces conditions concernent en particulier l'obligation d'audition des deux futurs époux par un officier de l'état civil avant la publication des bans ainsi que l'obligation de saisine du procureur de la République lorsque des indices sérieux révèlent que le projet de mariage est dénué d'intentions matrimoniales. L'action de la ministre, pour lutter contre les mariages forcés, se décline en plusieurs démarches. Dans le cadre des travaux des comités interministériels à l'intégration (CII), qui se sont tenus en avril 2003 et en juin 2004, la ministre chargée des droits des femmes a travaillé en partenariat étroit avec le ministre chargé des affaires sociales afin que soient intégrées dans le CII 2003 des mesures visant la prévention et la lutte contre les mariages forcés. L'objectif recherché est de prévenir les mariages forcés et de fonder, en droit comme en fait, la nécessaire reconnaissance du libre consentement des femmes au mariage, ainsi que l'égalité de droit des époux lors de sa rupture. L'accord-cadre signé, en décembre 2003, entre le service des droits des femmes et de l'égalité, la direction de la population et des migrations et le FASILD consacre un alinéa à la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier les mariages forcés. Il prévoit notamment d'améliorer, avec les ministères de l'intérieur et de la défense, l'accueil des jeunes filles et femmes victimes de violences dans les commissariats et les gendarmeries, ou encore de soutenir les associations de quartiers afin qu'elles soient en capacité de tenir des permanences et de se faire connaître. Dans son accompagnement de l'action des jeunes filles de la marche « ni putes, ni soumises », le ministère chargé des droits des femmes a également soutenu la conception et la rédaction, par l'association, d'un guide du respect mutuel. Ce guide, destiné aux jeunes générations, rappelle notamment les principes législatifs concernant les mariages forcés ou arrangés et donne un certain nombre de conseils. Plus largement, le ministère accorde son soutien à diverses associations spécialisées dans la prévention des mariages forcés. Enfin, la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, dans la lignée des conclusions du rapport du Haut conseil à l'intégration et des comités interministériels à l'intégration, a installé, début juin 2004, un groupe de travail interministériel chargé, notamment, de faire des propositions pour lutter contre toutes les formes de violences que subissent les femmes de l'immigration. Outre les mariages forcés et les mutilations sexuelles féminines, il traite d'autres formes de violences comme la répudiation. Les conclusions du groupe de travail seront rendues à la ministre à la fin février. Le groupe de travail interministériel a d'ores et déjà déterminé trois axes essentiels : renforcer l'accompagnement des victimes : au-delà des hébergements sécurisés pour les jeunes filles menacées par un mariage forcé, il convient d'assurer non seulement leur protection juridique et physique, mais aussi favoriser leur autonomie, et notamment leur autonomie financière ; poursuivre la réflexion sur l'évolution des dispositions législatives : les droits civils des femmes de l'immigration sont relativement protégés en France, mais les effets des situations juridiques créées à l'étranger posent de réels problèmes, s'agissant du mariage lui-même, du divorce, de la répudiation, des successions. La réflexion se poursuit sur l'application de la loi du domicile ou de la loi du pays d'origine quand il existe un conflit de lois, sur l'âge nubile, sur la possibilité pour le ministère public d'exercer une action en nullité d'un mariage frappé d'un vice de consentement, sur l'application que peuvent faire les agents consulaires de l'obligation pour les fonctionnaires de dénoncer les délits dont ils ont connaissance ; sensibiliser le public et former les professionnels à la prise en charge des victimes : une communication large sur le caractère prohibé ou pénalement punissable, en France, des pratiques coutumières constitutives de violences (mutilations sexuelles, mariages forcés) doit cibler les jeunes, notamment à l'école, et les familles ; les formations initiales des personnels de santé, des magistrats, des policiers, des travailleurs sociaux, des enseignants, intégreront cette spécificité.
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