DÉFINITION DU TEMPS DE TRAJET
DANS LE DROIT DU TRAVAIL
Mme la présidente. La
parole est à Mme Arlette Grosskost, pour exposer sa question
n° 492.
Mme Arlette Grosskost. Je
voudrais appeler l'attention de M. le ministre du travail sur la définition
juridique du temps de trajet pour les salariés des entreprises artisanales,
notamment dans le secteur du bâtiment.
J'ai été récemment sollicitée à ce
propos par la confédération de l'artisanat d'Alsace, dont les professionnels
sont amenés à effectuer de longs et fréquents trajets pour se rendre sur les
chantiers, et j'ai pris l'engagement de relayer leurs préoccupations directement
auprès du Gouvernement.
Le
6 mai 1998, la Cour de cassation a décidé que « l'indemnité forfaitaire de
trajet a pour objet de récompenser la sujétion que constitue pour le salarié
l'obligation de se rendre chaque jour sur les chantiers et d'en revenir et doit,
de ce fait, être versée indépendamment de la rémunération du temps de trajet
inclus dans l'horaire de travail et du moyen de transport utilisé ».
Les conséquences de cet arrêt sont
extrêmement sensibles pour l'ensemble des entreprises artisanales du bâtiment en
général et celles du département du Haut-Rhin, en particulier. De fait, cette
jurisprudence implique que l'indemnité de trajet doit être versée même lorsque
les entreprises ont maintenu l'exécution des temps de trajet sur les temps de
production, ce qui équivaut à rémunérer la durée consacrée aux trajets à la fois
en indemnité de trajet et en temps de travail.
Dans le contexte de la réduction du
temps de travail et compte tenu des conditions particulières dans lesquelles
s'exercent les métiers du bâtiment, l'application d'un système général qui
voudrait assimiler le temps de trajet à du temps de travail effectif n'est pas
sans poser de sérieux problèmes d'organisation et de financement. Une telle
situation peut rapidement devenir insupportable pour les entreprises. C'est
pourquoi les professions artisanales souhaiteraient être informées des
aménagements qui pourraient être apportés à un tel dispositif, au bénéfice tant
des salariés que des chefs d'entreprise, c'est-à-dire au bénéfice de l'emploi et
de l'économie de notre pays.
Mme la présidente. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame
la députée, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de
François Fillon, dont l'emploi du temps est particulièrement chargé.
Ainsi que vous l'indiquez dans votre
question, la qualification des temps de trajet des salariés travaillant dans les
entreprises du bâtiment doit s'apprécier au regard de l'article L. 212-4 du
code du travail : la durée du travail effectif est le « temps pendant lequel le
salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses
directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».
Cette définition correspond à
l'évolution de la jurisprudence qui retient la qualification de « travail
effectif » lorsque le salarié est dans la situation de ne pas pouvoir disposer
librement de son temps et de devoir respecter les directives qui lui ont été
données par l'employeur pour les besoins du fonctionnement de l'entreprise.
Cet article, madame la députée, est
donc de nature à répondre à vos légitimes préoccupations. En application des
principes énoncés ci-dessus, les temps de trajet entre l'entreprise et le lieu
de travail ne sont pas en principe décomptés comme temps de travail effectif dès
lors que le salarié a la possibilité de se rendre directement sur le chantier,
sans avoir à passer obligatoirement par l'entreprise. Il en est de même quand il
a la simple faculté - et non l'obligation - de passer d'abord par
l'entreprise pour bénéficier des moyens de transport assurés par l'employeur
pour se rendre sur les chantiers.
En revanche, quand les salariés sont
tenus de se rendre au siège de l'entreprise à la demande expresse de l'employeur
avant d'être transportés sur le chantier, le temps de trajet entre l'entreprise
et le chantier doit être considéré comme étant du temps de travail effectif et
rémunéré comme tel. Il en est de même lorsque le salarié conduit à la demande de
son employeur un véhicule pour transporter du personnel ou du matériel de
l'entreprise à un chantier ou entre les différents chantiers.
Conformément aux engagements pris
lors des débats parlementaires de la loi du 17 janvier 2003 relative aux
salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, toutes ces
précisions sur les temps de trajet ont été communiquées aux services
déconcentrés du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité,
et plus particulièrement aux inspecteurs du travail par circulaire ministérielle
en date du 14 avril 2003.
S'agissant plus particulièrement de
la convention collective nationale des ouvriers et employés du bâtiment du
8 octobre 1990, la Cour de cassation a eu l'occasion, comme vous le
rappelez, de se prononcer sur la portée de la clause relative à l'indemnité de
trajet. Ainsi, l'obligation faite au salarié de se rendre chaque jour sur les
chantiers et d'en revenir en passant par le siège de l'entreprise est selon elle
de nature à ne pas exclure le temps de trajet du temps de travail. Les
signataires de la convention collective du bâtiment ont simplement, à travers
l'indemnité forfaitaire, entendu apporter une compensation particulière à cette
sujétion.
Il est utile de
rappeler que cette compensation relève du domaine conventionnel et qu'il
appartient, le cas échéant, aux partenaires sociaux d'en actualiser les
conditions de mise en oeuvre.
Mme la présidente. La
parole est à Mme Arlette Grosskost.
Mme Arlette Grosskost.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour ces précisions.
Vous l'aurez néanmoins compris, le
point essentiel de ma question portait sur le cumul entre l'indemnité de trajet
et la rémunération du temps effectif de travail. La réponse ressortit donc,
ainsi que vous l'avez précisé, au domaine conventionnel. J'en prends acte, et je
relayerai l'information auprès des intéressés. Je suppose qu'ils jugeront
opportun d'ouvrir de nouvelles négociations.