FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 492  de  Mme   Grosskost Arlette ( Union pour un Mouvement Populaire - Haut-Rhin ) QOSD
Ministère interrogé :  affaires sociales, travail et solidarité
Ministère attributaire :  affaires sociales, travail et solidarité
Question publiée au JO le :  01/12/2003  page :  9072
Réponse publiée au JO le :  03/12/2003  page :  11497
Rubrique :  bâtiment et travaux publics
Tête d'analyse :  durée du travail
Analyse :  définition
Texte de la QUESTION : Mme Arlette Grosskost souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la définition « du temps de trajet » au regard du droit social. Aux termes de la législation actuelle, le temps de travail effectif se définit comme « le temps pendant lequel le salarié est à disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». Pour qualifier les temps de trajet au regard de la définition du temps de travail effectif, il convient de se référer aux critères susvisés posés à l'article L. 212-4 du code du travail et à la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point. A cet égard, il convient de distinguer les situations suivantes : tout d'abord, le temps de trajet du domicile au siège de l'entreprise n'est pas en principe qualifié de travail effectif (Cass. soc., 16 mai 2001, Lorin-Blandin c/MACIF) ; pour le trajet du siège de l'entreprise au lieu de chantier, ce temps de trajet est le plus souvent qualifié de temps de travail effectif sauf si le passage du salarié par l'entreprise n'est pas obligatoire. Le temps de trajet est qualifié de temps de travail effectif lorsque le salarié se tient à la disposition de l'employeur en partant de l'entreprise. Troisièmement, le trajet du domicile au lieu de chantier : ce temps de trajet n'est pas en principe décompté comme du temps de travail effectif. Dans une décision du 6 mai 1998, la Cour de cassation a décidé que « l'indemnité forfaitaire de trajet a pour objet de récompenser la sujétion que constitue pour le salarié l'obligation de se rendre chaque jour sur les chantiers et d'en revenir et doit, de ce fait, être versée indépendamment de la rémunération du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail et du moyen de transport utilisé ». Les conséquences de cet arrêt sont extrêmement graves pour l'ensemble des entreprises du bâtiment en général et dans le département du Haut-Rhin, en particulier. En fait si on applique cette jurisprudence, l'indemnité de trajet doit être versée, même lorsque les entreprises ont maintenu l'exécution des temps de trajet sur les temps de production. Ainsi cette durée consacrée aux trajets est donc rémunérée à la fois en indemnité de trajet et en temps de travail. On en arrive à une situation paradoxale où une initiative des partenaires sociaux qui visait à mettre en place un système équitable tenant compte des conditions particulières dans lesquelles s'exercent les métiers du bâtiment se retourne contre les employeurs qui se trouvent condamnés. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir l'informer de mesures qui peuvent être envisagées pour les artisans et les artisans du bâtiment en particulier pour clarifier cette situation.
Texte de la REPONSE :

DÉFINITION DU TEMPS DE TRAJET
DANS LE DROIT DU TRAVAIL

    Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour exposer sa question n° 492.
    Mme Arlette Grosskost. Je voudrais appeler l'attention de M. le ministre du travail sur la définition juridique du temps de trajet pour les salariés des entreprises artisanales, notamment dans le secteur du bâtiment.
    J'ai été récemment sollicitée à ce propos par la confédération de l'artisanat d'Alsace, dont les professionnels sont amenés à effectuer de longs et fréquents trajets pour se rendre sur les chantiers, et j'ai pris l'engagement de relayer leurs préoccupations directement auprès du Gouvernement.
    Le 6 mai 1998, la Cour de cassation a décidé que « l'indemnité forfaitaire de trajet a pour objet de récompenser la sujétion que constitue pour le salarié l'obligation de se rendre chaque jour sur les chantiers et d'en revenir et doit, de ce fait, être versée indépendamment de la rémunération du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail et du moyen de transport utilisé ».
    Les conséquences de cet arrêt sont extrêmement sensibles pour l'ensemble des entreprises artisanales du bâtiment en général et celles du département du Haut-Rhin, en particulier. De fait, cette jurisprudence implique que l'indemnité de trajet doit être versée même lorsque les entreprises ont maintenu l'exécution des temps de trajet sur les temps de production, ce qui équivaut à rémunérer la durée consacrée aux trajets à la fois en indemnité de trajet et en temps de travail.
    Dans le contexte de la réduction du temps de travail et compte tenu des conditions particulières dans lesquelles s'exercent les métiers du bâtiment, l'application d'un système général qui voudrait assimiler le temps de trajet à du temps de travail effectif n'est pas sans poser de sérieux problèmes d'organisation et de financement. Une telle situation peut rapidement devenir insupportable pour les entreprises. C'est pourquoi les professions artisanales souhaiteraient être informées des aménagements qui pourraient être apportés à un tel dispositif, au bénéfice tant des salariés que des chefs d'entreprise, c'est-à-dire au bénéfice de l'emploi et de l'économie de notre pays.
    Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la députée, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de François Fillon, dont l'emploi du temps est particulièrement chargé.
    Ainsi que vous l'indiquez dans votre question, la qualification des temps de trajet des salariés travaillant dans les entreprises du bâtiment doit s'apprécier au regard de l'article L. 212-4 du code du travail : la durée du travail effectif est le « temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».
    Cette définition correspond à l'évolution de la jurisprudence qui retient la qualification de « travail effectif » lorsque le salarié est dans la situation de ne pas pouvoir disposer librement de son temps et de devoir respecter les directives qui lui ont été données par l'employeur pour les besoins du fonctionnement de l'entreprise.
    Cet article, madame la députée, est donc de nature à répondre à vos légitimes préoccupations. En application des principes énoncés ci-dessus, les temps de trajet entre l'entreprise et le lieu de travail ne sont pas en principe décomptés comme temps de travail effectif dès lors que le salarié a la possibilité de se rendre directement sur le chantier, sans avoir à passer obligatoirement par l'entreprise. Il en est de même quand il a la simple faculté - et non l'obligation - de passer d'abord par l'entreprise pour bénéficier des moyens de transport assurés par l'employeur pour se rendre sur les chantiers.
    En revanche, quand les salariés sont tenus de se rendre au siège de l'entreprise à la demande expresse de l'employeur avant d'être transportés sur le chantier, le temps de trajet entre l'entreprise et le chantier doit être considéré comme étant du temps de travail effectif et rémunéré comme tel. Il en est de même lorsque le salarié conduit à la demande de son employeur un véhicule pour transporter du personnel ou du matériel de l'entreprise à un chantier ou entre les différents chantiers.
    Conformément aux engagements pris lors des débats parlementaires de la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, toutes ces précisions sur les temps de trajet ont été communiquées aux services déconcentrés du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, et plus particulièrement aux inspecteurs du travail par circulaire ministérielle en date du 14 avril 2003.
    S'agissant plus particulièrement de la convention collective nationale des ouvriers et employés du bâtiment du 8 octobre 1990, la Cour de cassation a eu l'occasion, comme vous le rappelez, de se prononcer sur la portée de la clause relative à l'indemnité de trajet. Ainsi, l'obligation faite au salarié de se rendre chaque jour sur les chantiers et d'en revenir en passant par le siège de l'entreprise est selon elle de nature à ne pas exclure le temps de trajet du temps de travail. Les signataires de la convention collective du bâtiment ont simplement, à travers l'indemnité forfaitaire, entendu apporter une compensation particulière à cette sujétion.
    Il est utile de rappeler que cette compensation relève du domaine conventionnel et qu'il appartient, le cas échéant, aux partenaires sociaux d'en actualiser les conditions de mise en oeuvre.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost.
    Mme Arlette Grosskost. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour ces précisions.
    Vous l'aurez néanmoins compris, le point essentiel de ma question portait sur le cumul entre l'indemnité de trajet et la rémunération du temps effectif de travail. La réponse ressortit donc, ainsi que vous l'avez précisé, au domaine conventionnel. J'en prends acte, et je relayerai l'information auprès des intéressés. Je suppose qu'ils jugeront opportun d'ouvrir de nouvelles négociations.

UMP 12 REP_PUB Alsace O