FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 49888  de  M.   Myard Jacques ( Union pour un Mouvement Populaire - Yvelines ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  02/11/2004  page :  8593
Réponse publiée au JO le :  26/04/2005  page :  4352
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  magistrats
Analyse :  devoirs de réserve. respect
Texte de la QUESTION : M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les violations de plus en plus nombreuses et flagrantes du devoir de réserve par les magistrats. En effet, l'article 10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 interdit « toute délibération politique » au corps judiciaire, de même que « toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République, ou encore « toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ». Enfin « est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ». Le devoir de réserve des juges est le complément indispensable de leur indépendance garantie par les textes, et qui les rend seuls dépositaires de l'autorité judiciaire. Ce devoir de réserve dépasse le principe du secret professionnel qui s'applique à tous les fonctionnaires, et surtout le secret de l'instruction que tout magistrat s'engage à respecter par serment. Il implique manifestement une discrétion des magistrats dans leur comportement professionnel et privé, censée empêcher toute manifestation ostentatoire de leurs prérogatives, toute publicité autour de leur personne, et toute intervention de quelle que nature que ce soit dans le débat public au sens large du terme. Or depuis plusieurs années, on assiste à une médiatisation inquiétante de certaines procédures judiciaires, et des magistrats eux-mêmes. Cette médiatisation crée une image artificielle du juge, détournant la discrétion qu'implique son statut, pour en faire une sorte de justicier, ou encore une autorité morale qui prétend éclairer l'opinion sur toutes les questions qui traversent la société. Récemment, un procureur général sur le point de prendre sa retraite a ouvertement plaidé dans un quotidien national pour l'indépendance des parquets, et mis en doute l'efficacité et l'indépendance de la Cour de justice de la République. Ses propos constituent une double prise de position politique, qui ne relève en aucun cas de sa compétence. En outre, il est ainsi susceptible de perturber le fonctionnement de la démocratie d'une part, et celui d'une juridiction d'autre part. Il lui demande en conséquence s'il entend saisir le Conseil supérieur de la magistrature afin de sanctionner cette violation caractérisée du devoir de réserve des magistrats.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que s'agissant du devoir de réserve imposé aux magistrats, les textes de référence de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 sont les suivants : article 6 : « Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste et avant d'entrer en fonctions, prête serment en ces termes : "Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. Article 10 : « Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. » « Toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ». Article 43 : « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse, où à la dignité, constitue une faute disciplinaire.». Considérant que l'obligation de réserve ne peut s'analyser en une obligation au silence, la jurisprudence de l'instance disciplinaire précise l'étendue de la liberté de parole reconnue aux magistrats en affirmant qu'elle peut s'accommoder de « la simple expression d'une pensée non conformiste » si elle demeure compatible avec la dignité qui s'attache à leurs fonctions, le devoir d'impartialité et l'indépendance. Il est, dans le respect de ces limites, permis aux magistrats - comme à tout citoyen - d'émettre une opinion ou un avis technique sur une position gouvernementale, un système ou un projet de loi, à condition que la position présentée n'ait pas un caractère outrancier ou injurieux. Il est, en conséquence et au nom du principe de la liberté d'expression, admis qu'un magistrat puisse faire connaître à titre personnel une opinion sur un aspect essentiel du fonctionnement de l'institution, dès lors que la forme choisie ne laisse pas craindre que son avis puisse conditionner ses pratiques professionnelles. Enfin, s'agissant des préoccupations exprimées par l'honorable parlementaire sur la médiatisation de plus en plus fréquente de certaines affaires, il importe de rappeler que le phénomène n'est généralement pas imputable aux magistrats concernés, qui ont rarement intérêt à y contribuer mais parfois s'y estiment contraints par la nécessité de rectifier des informations erronées ou d'exercer un droit de réponse. Toutefois lorsqu'ils ont connaissance de comportements contraires aux obligations statutaires, les chefs de cour les signalent à la chancellerie qui, au regard des critères précités, apprécie la suite susceptible d'y être réservée et l'opportunité de faire figurer l'incident au dossier administratif du magistrat mis en cause.
UMP 12 REP_PUB Ile-de-France O