Texte de la QUESTION :
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M. Robert Lamy appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation préoccupante du Darfour, province de l'Ouest soudanais. En effet, la guerre que se livrent depuis plusieurs années les forces du gouvernement soudanais et les milices Janjawid aboutit à une situation humanitaire catastrophique. Chaque jour, des violations massives des droits de l'homme et des atteintes au droit international humanitaire y sont commises, menaçant la stabilité de l'ensemble de la région. Cette guerre civile a provoqué le déplacement d'un million de personnes et plus de 30 000 victimes. Dès lors, la mobilisation internationale apparaît essentielle et urgente si l'on veut éviter un désastre humanitaire. C'est pourquoi il lui demande quelles sont les intentions de la France vis-à-vis de l'ONU, seule habilitée à intervenir au nom de la communauté internationale.
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Texte de la REPONSE :
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Malgré le travail déterminé de la mission, de l'Union africaine au Soudan et la reprise des pourparlers d'Abuja entre le gouvernement et les rebelles, la situation sécuritaire au Darfour demeure très dégradée. Les ruptures du cessez-le-feu, qui avaient diminué, se sont à nouveau multipliées depuis le début du mois de septembre du fait de toutes les parties. Elles touchent très gravement les populations civiles du Darfour, présentes dans leurs villages ou dans les camps. Cette absence de sécurité s'oppose au retour des populations déplacées ou réfugiées dont le nombre s'élève aujourd'hui à plus de deux millions. Cette crise peut, en outre, remettre en cause la bonne application de l'accord de paix de Nairobi sur le Sud Soudan. Elle est, enfin, un facteur de déstabilisation pour les pays voisins et notamment pour le Tchad. La France a pris très tôt la mesure de la gravité de la situation au Darfour à un moment où la communauté internationale faisait porter tous ses efforts sur la conclusion de l'accord avec le Sud. Les nombreuses visites ministérielles françaises dans la région depuis celle de M. de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, dès février 2004 (au Tchad et au Soudan), jusqu'à celle du ministre des affaires étrangères, M. Douste-Blazy, les 29 et 30 juillet 2005, au Tchad et au Soudan, témoignent du fort engagement français sur ce dossier. La France apporte à la résolution de la crise du Darfour un appui important. Au sein du CSNU, elle a soutenu le vote de la résolution 1591 qui impose un embargo sur les armes dans le Darfour, tant à destination des rebelles ou des milices Janjawids que du gouvernement, qui doit désormais obtenir l'autorisation du comité de sanctions de l'ONU pour pouvoir déplacer ses troupes dans le Darfour. Cette résolution prévoit également des sanctions ciblées sur les personnes qui feraient obstacle au processus de paix, constitueraient une menace pour la stabilité dans la région, violeraient le droit international ou commettraient des atrocités. A cela vient s'ajouter son action en faveur de la lutte contre l'impunité qui s'est traduite par l'adoption de la résolution 1593 par laquelle le Conseil de sécurité a saisi la Cour pénale internationale pour juger les crimes commis dans le Darfour, qu'une commission d'enquête internationale, mise en place par la résolution 1564 du Conseil de sécurité des Nations unies, a qualifié de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. Le procureur de la Cour pénale a effectivement commencé ses enquêtes en juin 2005. A cette action internationale s'ajoute une action humanitaire importante pour répondre à l'urgence. Dès la fin 2003, notre pays a engagé des moyens pour venir en aide aux populations du Darfour. L'an passé, pendant la saison des pluies (août-septembre 2004), la France a mobilisé ses moyens militaires au Tchad pour acheminer plus de 700 tonnes de fret humanitaire de N'Djamena vers les camps de réfugiés situés près de la frontière avec le Soudan. En outre, sur le plan militaire, en plus de l'effort de nos armées pour sécuriser les camps de réfugiés au Tchad sur la frontière, nous soutenons activement la mission de l'Union africaine dans le Darfour qui a été renforcée à la suite d'une décision du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine en avril 2005, et qui compte aujourd'hui près de 7 000 éléments. Ce déploiement de forces supplémentaires de l'Union africaine a contribué à une relative stabilisation de la situation sécuritaire dans le Darfour et permet de mieux protéger les populations civiles. Le soutien français à l'AMIS a été accru et s'effectue dans le cadre de l'Union européenne qui a lancé une opération PESD de soutien civilo-militaire à l'AMIS. La France a notamment participé au transport vers le Darfour à l'été 2005 de policiers nigérians et d'un bataillon sénégalais, tandis que des officiers français sont déployés à tous les niveaux de l'opération. C'est aujourd'hui un officier général français qui assure la vice-présidence, pour le compte de l'Union européenne, de la commission de cessez-le-feu mise en place par l'Union africaine. Sur le plan financier, l'appui apporté par l'Union européenne à l'AMIS s'élève aujourd'hui à 162 M EUR. L'Union africaine, l'Union européenne, ainsi que l'OTAN, également sollicitée par l'Union africaine, sont donc désormais engagées de concert et en pleine complémentarité dans le Darfour. Nous travaillons aujourd'hui étroitement avec l'Union africaine à examiner la possibilité d'un transfert sous casques bleus de sa mission dans le Darfour (AMIS). Au total, l'effort global humanitaire et politico-militaire de la France en faveur du Darfour s'élève à plus de 80 millions d'euros à titre bilatéral ou par l'intermédiaire de l'Union européenne depuis le début de la crise. Au-delà de ces efforts indispensables pour répondre à l'urgence, nous devons être conscients que seul un règlement politique permettra de mettre un terme à cette crise. C'est pourquoi la France apporte tout son soutien aux pourparlers menés à Abuja sous l'égide de l'Union africaine et du Tchad. Après la signature d'une déclaration de principe le 5 juillet dernier, les négociations abordent aujourd'hui, non sans difficulté, les questions de fond portant notamment sur le partage du pouvoir et des richesses. Un accord politique global est une condition nécessaire pour résoudre sur le fond le conflit du Darfour.
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