FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 50  de  Mme   Vautrin Catherine ( Union pour un Mouvement Populaire - Marne ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture, alimentation et pêche
Ministère attributaire :  écologie
Question publiée au JO le :  02/12/2002  page :  4504
Réponse publiée au JO le :  04/12/2002  page :  6049
Date de changement d'attribution :  02/12/2002
Rubrique :  agriculture
Tête d'analyse :  céréales
Analyse :  stockage. sécurité. réglementation. conséquences
Texte de la QUESTION : Mme Catherine Vautrin appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les difficultés que rencontrent de nombreuses coopératives agricoles concernant la mise aux normes des installations de stockage conformément à l'arrêté du 29 juillet 1998. La région Champagne-Ardenne est la région française qui compte le plus de silos soumis à autorisation avec 127 silos, dont 73 se trouvent dans le département de la Marne. Or ce sont 51 millions d'euros qui ont été investis sur quatre ans dans cette région ; auxquels il faut ajouter les investissements restant à réaliser qui s'élèvent encore à 20 millions d'euros. En conséquence, et ce qui est encore plus significatif, le ratio investissements corporels/chiffre d'affaires est passé de 1,9 % en 1998 à 3,7 % en 2001, sachant que la marge brute d'autofinancement est de l'ordre de 2,7 % du chiffre d'affaires. Cela illustre l'effort financier considérable qui a été fait par la profession qui doit aujourd'hui lourdement emprunter afin d'assumer l'application de cette réglementation, alors même que les producteurs agricoles et les organismes stockeurs subissent de plein fouet la crise très grave de la filière céréalière. Désormais, ces organismes ne sont plus capables d'assurer la continuité de cette mise aux normes, le montant des travaux mettant en péril un trop grand nombre d'entreprises. Elle lui demande donc si, plutôt que de pénaliser tant administrativement que pénalement ces organismes (alors que les efforts entrepris prouvent la meilleure des volontés), il ne serait pas envisageable de privilégier la mise en place d'un calendrier précisant les priorités, ainsi que d'un moratoire afin que les travaux les plus coûteux puissent aboutir.
Texte de la REPONSE :

COÛT DE LA MISE AUX NORMES DES INSTALLATIONS
DE STOCKAGE DES CÉRÉALES

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour exposer sa question, n° 50, relative au coût de la mise aux normes des installations de stockage des céréales.
    Mme Catherine Vautrin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Elle est relative aux difficultés que rencontrent de très nombreuses coopératives.
    La région Champagne-Ardenne est la région française qui compte le plus de silos soumis à autorisation, avec 127 silos, dont 73 dans le département de la Marne. Bien sûr, la Marne n'est pas le seul département concerné et, il y a quelques instants, mon collègue Thierry Mariani me rappelait le cas du silo de Bollène.
    Ces silos concernent les activités de collecte des céréales, les malteries, la maïserie, la meunerie, la déshydratation de luzerne et, bien sûr, l'industrie sucrière. Depuis la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et, tout particulièrement depuis l'accident de Blaye survenu le 20 août 1997, la réglementation s'est faite plus rigoureuse. Ainsi, un arrêté ministériel est intervenu le 29 juillet 1998, qui renforçait la sécurité des biens et des personnes et prévoyait une date limite pour la mise en conformité, le 30 août 2000.
    D'après une étude comparative des différentes réglementations étrangères dans ce domaine, effectuée pour le compte du ministère de l'environnement en octobre 2001, il ressort que la France a l'une des réglementations les plus contraignantes au monde. Cependant, d'après une enquête récente effectuée en avril 2002 au niveau national, l'avancement de la mise aux normes oscillait entre 40 % et 80 % selon les domaines. Ce sont donc déjà cinquante et un millions d'euros qui ont été investis en quatre ans dans la région Champagne-Ardenne pour les filières céréales et luzerne, ce qui représente un coût par tonne stockée de quatorze euros pour la branche céréales et de cinq euros pour la branche luzerne déshydratée. Il faut ajouter à cela les investissements restant à réaliser, qui s'élèvent à 20 millions d'euros.
    En conséquence, et c'est encore plus significatif, le ratio investissement corporel sur chiffre d'affaires est passé de 1,9 % en 1998 à 3,7 % en 2001, la marge brute d'autofinancement étant de l'ordre de 2,7 % du chiffre d'affaires. Cela illustre l'effort financier considérable qui a été fait par la profession, laquelle doit aujourd'hui lourdement s'endetter pour assumer l'application de cette réglementation alors même que les producteurs agricoles et les organismes stockeurs subissent de plein fouet la crise de la filière céréalière.
    Désormais, ces organismes ne sont plus capables d'assurer la continuité de la mise aux normes, le montant des travaux mettant en péril un trop grand nombre d'entreprises. Ainsi, la mise en conformité des silos soumis à déclaration ne peut être engagée par manque de moyens, alors même que les délais sont largement dépassés. Le coût serait en effet de 100 euros la tonne, ce qu'aucune coopérative ne peut envisager.
    Madame la ministre, afin d'éviter la fermeture pure et simple de sites, et plutôt que de sanctionner, tant administrativement que pénalement, des organismes dont les efforts entrepris prouvent la meilleure des volontés, ne pourrions-nous pas mettre en place un moratoire des arrêtés de 1998 et prévoir une hiérarchisation des risques, en faisant notamment une distinction entre les silos portuaires et les silos de collecte ; accorder des délais supplémentaires pour finaliser les travaux indispensables à une meilleure gestion de la sécurité ; et, enfin, étudier, coopérative par coopérative, les moyens à mettre en oeuvre pour assurer une meilleure coordination et une modernisation de leur parc de silos ? C'est ce qui se pratique par exemple en Allemagne, où l'on privilégie l'analyse systématique du risque et la définition de mesures de prévention et de protection en fonction de cette analyse, par rapport à l'établissement d'un règlement spécifique en termes de moyens.
    Voilà quelques éléments qui nous permettraient d'établir une concertation avec les professionnels.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la députée, votre question fait en quelque sorte écho à celle, très pertinente, de Thierry Mariani. Les silos ont montré par le passé que s'ils étaient, individuellement, sources de moins de risques que des installations Seveso, ils pouvaient néanmoins être à l'origine d'accidents tragiques. Vous avez rappelé celui de Blaye en 1998, qui a fait onze morts. Je rappellerai celui de Metz, qui a fait douze morts. Celui de Blaye avait été à l'origine d'une réaction forte et justifiée du ministère chargé de l'environnement, qui avait fait paraître la même année un arrêté durcissant la réglementation en matière de sûreté.
    Nous savons comment prévenir et réduire la probabilité de survenue d'accidents comme celui de Blaye. Les solutions techniques existent. Comme vous l'avez souligné, leur mise en oeuvre est, pour certaines d'entre elles, coûteuse, mais les accidents que mes services recensent encore maintenant - en moyenne une fois par mois - viennent nous rappeler la réalité du risque. Les sinistres sont à 93 % des incendies, pouvant conduire à des explosions de poussière s'ils ne sont pas rapidement maîtrisés.
    Je constate avec vous que les exploitants de silos ont fait beaucoup, en quatre ans, pour améliorer la sécurité de ces installations, les chiffres que vous venez de citer en témoignent. Cependant, il nous faut constater qu'en août dernier beaucoup de silos restaient non conformes à la réglementation, pourtant applicable depuis maintenant deux ans. La responsabilité qui peut peser sur les exploitants en cas d'accident est lourde, et celle de l'Etat peut aussi être engagée.
    Le Gouvernement s'apprête à déposer un projet de loi, que je défendrai devant le Parlement, visant à renforcer la sécurité dans les usines Seveso. Il serait curieux, avouez-le, que nous ne nous préoccupions pas de la même façon de la vie des personnes habitant au voisinage immédiat d'un silo ou y travaillant. Car c'est comme cela que la question se pose : en termes de vies humaines.
    J'ai conscience de l'effort énorme que représente l'achèvement de la mise aux normes pour une profession déjà sinistrée. J'ai demandé à mes services de maintenir un dialogue approfondi sur ce sujet avec la fédération des coopératives agricoles de collecte, d'approvisionnement et de transformation. Une réunion s'est tenue la semaine dernière avec les professionnels, en présence des services du ministère de l'agriculture. Tous les participants se sont accordés sur la nécessité de poursuivre les travaux de mise en sécurité. Le temps où la profession agricole n'était pas la bienvenue au ministère chargé de l'environnement est révolu.
    La sécurité, dans le domaine des silos, doit rester une priorité et j'encourage fortement les exploitants à mener à son terme un mouvement de modernisation déjà bien engagé.
    Madame la députée, le drame d'AZF est survenu il y a un peu plus d'un an. Il y a des questions sur lesquelles on ne saurait transiger. Et quand la vie des salariés ou des personnes qui vivent au voisinage de ces installations est en jeu, la réglementation doit être appliquée avec sévérité.

UMP 12 REP_PUB Champagne-Ardenne O