COÛT DE LA MISE AUX NORMES DES
INSTALLATIONS
DE STOCKAGE DES CÉRÉALES
M. le président. La
parole est à Mme Catherine Vautrin, pour exposer sa question,
n° 50, relative au coût de la mise aux normes des installations de stockage
des céréales.
Mme Catherine Vautrin.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation,
de la pêche et des affaires rurales. Elle est relative aux difficultés que
rencontrent de très nombreuses coopératives.
La région Champagne-Ardenne est la
région française qui compte le plus de silos soumis à autorisation, avec
127 silos, dont 73 dans le département de la Marne. Bien sûr, la Marne
n'est pas le seul département concerné et, il y a quelques instants, mon
collègue Thierry Mariani me rappelait le cas du silo de Bollène.
Ces silos concernent les activités
de collecte des céréales, les malteries, la maïserie, la meunerie, la
déshydratation de luzerne et, bien sûr, l'industrie sucrière. Depuis la loi du
19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection
de l'environnement et, tout particulièrement depuis l'accident de Blaye survenu
le 20 août 1997, la réglementation s'est faite plus rigoureuse. Ainsi,
un arrêté ministériel est intervenu le 29 juillet 1998, qui renforçait
la sécurité des biens et des personnes et prévoyait une date limite pour la mise
en conformité, le 30 août 2000.
D'après une étude comparative des
différentes réglementations étrangères dans ce domaine, effectuée pour le compte
du ministère de l'environnement en octobre 2001, il ressort que la France a
l'une des réglementations les plus contraignantes au monde. Cependant, d'après
une enquête récente effectuée en avril 2002 au niveau national,
l'avancement de la mise aux normes oscillait entre 40 % et 80 % selon les
domaines. Ce sont donc déjà cinquante et un millions d'euros qui ont été
investis en quatre ans dans la région Champagne-Ardenne pour les filières
céréales et luzerne, ce qui représente un coût par tonne stockée de quatorze
euros pour la branche céréales et de cinq euros pour la branche luzerne
déshydratée. Il faut ajouter à cela les investissements restant à réaliser,
qui s'élèvent à 20 millions d'euros.
En conséquence, et c'est encore plus
significatif, le ratio investissement corporel sur chiffre d'affaires est passé
de 1,9 % en 1998 à 3,7 % en 2001, la marge brute d'autofinancement étant de
l'ordre de 2,7 % du chiffre d'affaires. Cela illustre l'effort financier
considérable qui a été fait par la profession, laquelle doit aujourd'hui
lourdement s'endetter pour assumer l'application de cette réglementation alors
même que les producteurs agricoles et les organismes stockeurs subissent de
plein fouet la crise de la filière céréalière.
Désormais, ces organismes ne sont
plus capables d'assurer la continuité de la mise aux normes, le montant des
travaux mettant en péril un trop grand nombre d'entreprises. Ainsi, la mise en
conformité des silos soumis à déclaration ne peut être engagée par manque de
moyens, alors même que les délais sont largement dépassés. Le coût serait en
effet de 100 euros la tonne, ce qu'aucune coopérative ne peut envisager.
Madame la ministre, afin d'éviter la
fermeture pure et simple de sites, et plutôt que de sanctionner, tant
administrativement que pénalement, des organismes dont les efforts entrepris
prouvent la meilleure des volontés, ne pourrions-nous pas mettre en place un
moratoire des arrêtés de 1998 et prévoir une hiérarchisation des risques, en
faisant notamment une distinction entre les silos portuaires et les silos de
collecte ; accorder des délais supplémentaires pour finaliser les travaux
indispensables à une meilleure gestion de la sécurité ; et, enfin, étudier,
coopérative par coopérative, les moyens à mettre en oeuvre pour assurer une
meilleure coordination et une modernisation de leur parc de silos ? C'est ce qui
se pratique par exemple en Allemagne, où l'on privilégie l'analyse systématique
du risque et la définition de mesures de prévention et de protection en fonction
de cette analyse, par rapport à l'établissement d'un règlement spécifique en
termes de moyens.
Voilà quelques
éléments qui nous permettraient d'établir une concertation avec les
professionnels.
M. le président. La
parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement
durable.
Mme Roselyne
Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du
développement durable. Madame la députée, votre question fait en quelque
sorte écho à celle, très pertinente, de Thierry Mariani. Les silos ont montré
par le passé que s'ils étaient, individuellement, sources de moins de risques
que des installations Seveso, ils pouvaient néanmoins être à l'origine
d'accidents tragiques. Vous avez rappelé celui de Blaye en 1998, qui a fait onze
morts. Je rappellerai celui de Metz, qui a fait douze morts. Celui de Blaye
avait été à l'origine d'une réaction forte et justifiée du ministère chargé de
l'environnement, qui avait fait paraître la même année un arrêté durcissant la
réglementation en matière de sûreté.
Nous savons comment prévenir et
réduire la probabilité de survenue d'accidents comme celui de Blaye. Les
solutions techniques existent. Comme vous l'avez souligné, leur mise en oeuvre
est, pour certaines d'entre elles, coûteuse, mais les accidents que mes services
recensent encore maintenant - en moyenne une fois par mois - viennent nous
rappeler la réalité du risque. Les sinistres sont à 93 % des incendies, pouvant
conduire à des explosions de poussière s'ils ne sont pas rapidement
maîtrisés.
Je constate avec vous
que les exploitants de silos ont fait beaucoup, en quatre ans, pour améliorer la
sécurité de ces installations, les chiffres que vous venez de citer en
témoignent. Cependant, il nous faut constater qu'en août dernier beaucoup de
silos restaient non conformes à la réglementation, pourtant applicable depuis
maintenant deux ans. La responsabilité qui peut peser sur les exploitants en cas
d'accident est lourde, et celle de l'Etat peut aussi être engagée.
Le Gouvernement s'apprête à déposer
un projet de loi, que je défendrai devant le Parlement, visant à renforcer la
sécurité dans les usines Seveso. Il serait curieux, avouez-le, que nous ne nous
préoccupions pas de la même façon de la vie des personnes habitant au voisinage
immédiat d'un silo ou y travaillant. Car c'est comme cela que la question se
pose : en termes de vies humaines.
J'ai conscience de l'effort énorme
que représente l'achèvement de la mise aux normes pour une profession déjà
sinistrée. J'ai demandé à mes services de maintenir un dialogue approfondi sur
ce sujet avec la fédération des coopératives agricoles de collecte,
d'approvisionnement et de transformation. Une réunion s'est tenue la semaine
dernière avec les professionnels, en présence des services du ministère de
l'agriculture. Tous les participants se sont accordés sur la nécessité de
poursuivre les travaux de mise en sécurité. Le temps où la profession agricole
n'était pas la bienvenue au ministère chargé de l'environnement est révolu.
La sécurité, dans le domaine des
silos, doit rester une priorité et j'encourage fortement les exploitants à mener
à son terme un mouvement de modernisation déjà bien engagé.
Madame la députée, le drame d'AZF
est survenu il y a un peu plus d'un an. Il y a des questions sur lesquelles on
ne saurait transiger. Et quand la vie des salariés ou des personnes qui vivent
au voisinage de ces installations est en jeu, la réglementation doit être
appliquée avec sévérité.