FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 510  de  M.   Brard Jean-Pierre ( Député-e-s Communistes et Républicains - Seine-Saint-Denis ) QOSD
Ministère interrogé :  santé
Ministère attributaire :  santé
Question publiée au JO le :  15/12/2003  page :  9504
Réponse publiée au JO le :  17/12/2003  page :  12416
Rubrique :  ésotérisme
Tête d'analyse :  sectes
Analyse :  témoins de Jéhovah. doctrine. santé. conséquences
Texte de la QUESTION : M. Jean-Pierre Brard souhaite connaître les mesures envisagées par M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées pour lutter plus efficacement encore contre l'infiltration des sectes dans les secteurs de la santé et médico-social mais également contre la négation de la dangerosité de certaines injonctions, comme le refus de la transfusion sanguine prônée par les témoins de Jéhovah. En effet, en imposant le refus de la transfusion sanguine et en contraignant leurs adeptes à la refuser pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, l'organisation des témoins de Jéhovah se rend responsable de la mort de nombreuses personnes alors que les pouvoirs publics et les médecins ont le devoir de les sauver.
Texte de la REPONSE :

CONSÉQUENCES MÉDICALES DES DOCTRINES
DES TÉMOINS DE JÉHOVAH

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour exposer sa question, n° 510, relative aux conséquences médicales des doctrines des Témoins de Jéhovah.
    M. Jean-Pierre Brard. Ma question aurait pu être posée par notre président. En effet, dans cette assemblée, sur les sujets comme la lutte contre les déviances sectaires, qui exigent de la vigilance, il n'y a pas de clivage entre la gauche et la droite, dès lors qu'il s'agit de protéger les libertés individuelles et collectives.
    M. François Rochebloine. Absolument !
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Chacun sait que vous n'êtes pas sectaire. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Non, en effet ! Nous sommes républicains !
    Le ministre de la santé, M. Jean-François Mattei, a déclaré lors d'une émission de radio, le 7 décembre dernier, que, pour une intervention médicale urgente, quelles que soient les réticences des patients, « c'est l'assistance à personne en danger, il faut intervenir ». Et d'ajouter : « S'il n'y a pas d'urgence, nous sommes dans un pays où la liberté de choix du praticien existe. » Cela dit, à force de ne pas faire intervenir l'urgence, on peut passer d'une situation bénigne à une situation aiguë, si bien que l'on revient à la case départ, à l'urgence !
    Par ailleurs, la commission nationale sur la laïcité, présidée par Bernard Stasi, préconise une loi qui permettrait de faire respecter « les principes d'égalité, de continuité et de respect des règlements sanitaires et des exigences de santé. »
    En prônant le refus de la transfusion sanguine et en mentant effrontément, c'est-à-dire en prétendant que des produits existent ayant qualité de substitution générale au sang pour soigner toute forme de pathologie, les Témoins de Jéhovah contraignent leurs adeptes à refuser la transmission pour eux-mêmes ou pour leur enfants. Cette organisation se rend ainsi responsable de la mort de nombreuses personnes, alors que les pouvoirs publics et les médecins ont le devoir de les sauver.
    Le ministère de la santé est représenté dans la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires et participe activement à ses travaux.
    Quels développements envisage-t-il de donner à l'action de ses services en liaison avec la représentation nationale, afin de lutter plus efficacement encore contre l'infiltration des sectes dans les secteurs de la santé et du médico-social et contre la négation de la dangerosité de certaines pratiques, tel le refus de la transfusion sanguine ?
    Ce point de vue est appuyé encore par un vote à l'unanimité, moins une abstention, de l'Académie nationale de médecine, qui déclare : « L'Académie nationale de médecine rappelle que le médecin doit pouvoir garder sa pleine liberté de décision et assumer ses responsabilités en dehors de toute pression, menace ou violence. » On pense à ce qui se produit à cause des Témoins de Jéhovah qui refusent toute transfusion sanguine, et aux démarches plus ou moins longues qui en résultent.
    Je ne suis pas le seul à attendre une réponse : tous ceux qui sont en butte à ces menaces l'attendent.
    M. François Rochebloine. Excellente question !
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le député, le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées contribue à la lutte contre les dérives sectaires qui sont, ou peuvent être, préjudiciables pour la santé et qui, souvent, comportent des infractions au droit commun, au travers d'un dispositif spécifique de vigilance et d'action défini dans la circulaire du 3 octobre 2000.
    La circulaire du 7 février 2003 de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, la DHOS, a rappelé aux DRASS et aux DDASS la nécessité de signaler au ministère toute information relative à des faits répréhensibles en matière de santé publique commis par des groupes à caractère sectaire. Lorsque le bureau de l'exercice médical de la DHOS est informé, par des particuliers ou par des DDASS, d'agissements contraires aux dispositions de la législation en matière de santé publique ou au code de déontologie, une plainte est portée auprès du procureur de la République ou au conseil de l'ordre concerné, par exemple, en cas de signature de certificats de contre-indication vaccinale inspirée par des idéologies sectaires.
    Pour ce qui concerne les risques de dérive sectaire dans le champ des psychotérapies, la direction générale de la santé a engagé, en 2001, des travaux sur la typologie et l'évaluation des pratiques en lien avec l'INSERM et l'ANAES. La direction générale de la santé a demandé, en 2003, à la Fédération française de psychiatrie d'organiser une conférence de consensus sur la prise en charge médico-psychologique de victimes de mouvements sectaires. Elle aura lieu à Paris les 6 et 7 novembre 2004.
    En ce qui concerne le refus de la transfusion sanguine prônée par les Témoins de Jéhovah, des décisions de justice importantes ont défini la conciliation nécessaire entre le consentement des malades aux actes médicaux, d'une part, et le devoir de sauver la vie du malade, d'autre part. Ainsi, la jurisprudence considère que le praticien qui réalise une transfusion sanguine malgré le refus explicite du malade, appartenant notamment à la communauté des Témoins de Jéhovah, ne commet pas de faute lorsque la transfusion sanguine apparaît comme le seul traitement susceptible de sauver la vie du malade.
    Enfin, dans un fascicule qui vient d'être publié par le ministère sous le titre « Accidents collectifs, attentats, catastrophes naturelles : conduite à tenir par les professionnels de santé », figure un appel à la vigilance quant à la présence croissance de mouvements sectaires auprès des victimes sur les lieux de catastrophes.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Votre réponse est tout à fait claire, madame la secrétaire d'Etat, et je vous en remercie. Mais peut-être faut-il donner suite avec encore plus de précision à la décision votée par l'Académie nationale de médecine, laquelle considère « qu'on ne peut admettre qu'une minorité radicale, quelle que soit son appartenance religieuse, cherche à imposer ses vues à l'ensemble du personnel de santé et aux autres patients ». En effet, ce ne sont pas seulement des patients qui sont dans la dérive sectaire, mais aussi parfois des praticiens.
    C'est une excellente chose que vous organisiez une conférence pour sensibiliser tout le monde, d'autant plus que les Témoins de Jéhovah avancent masqués. Ainsi il a fallu toute la vigilance du président de la Haute Assemblée pour annuler un colloque qui était prévu dans l'enceinte même du Sénat, évidemment pas sous l'étiquette « Témoins de Jéhovah », mais sous celle d'associations faux-nez oeuvrant pour eux. Et savez-vous qui l'on trouvait parmi les intervenants ? Non seulement M. Garay, bien connu comme l'avocat des Témoins de Jéhovah, mais oeuvrant avec lui et d'autres béquilles des Témoins de Jéhovah, M. Patrick Pelloux, dont on a beaucoup parlé l'été dernier et qui participe régulièrement à des activités pro-Témoins de Jéhovah. Comment peut-on déclarer qu'il faut sauver dans l'urgence les patients menacés par la canicule et participer à des initiatives de gens qui refusent le droit de sauver la vie grâce à la transfusion sanguine ? Gardons cela à l'esprit !
    Dès lors qu'il s'agit de sauver des vies, il n'y a pas de compromis possible. Je suis sûr que M. le président est d'accord avec moi, même si, au perchoir, l'obligation de réserve lui interdit de me manifester son soutien, mais ce n'est pas l'envie qui lui en manque.
    Cela dit, je le répète, madame la secrétaire d'Etat, votre réponse est claire : vous considérez, vous aussi, que le refus de la transfusion sanguine, dans les conditions que vous avez dites, est un trouble à l'ordre public, puisqu'on voue à la mort des gens qui pourraient être sauvés. Dès lors, tous les ministères, je ne dis pas « ministres » à dessein, devraient être sur la même longueur d'onde et le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas dû recevoir du ministère de l'intérieur une lettre indiquant que le refus de la transfusion sanguine n'est pas un trouble à l'ordre public, s'appuyant en cela sur une jurisprudence contestable du Conseil d'Etat.
    Dès lors qu'existe une jurisprudence du Conseil d'Etat contestable, le seul moyen de s'en sortir serait de corriger par la loi les dérives de la jurisprudence et de faire revenir au premier plan la protection des libertés individuelles et collectives contre des organisations criminelles. J'appelle criminels des gens qui vouent délibérément à la mort des patients qui peuvent être sauvés.
    M. François Rochebloine. Très bien !

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