CONSÉQUENCES MÉDICALES DES DOCTRINES
DES TÉMOINS DE JÉHOVAH
M. le président. La
parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour exposer sa question, n° 510,
relative aux conséquences médicales des doctrines des Témoins de Jéhovah.
M. Jean-Pierre Brard.
Ma question aurait pu être posée par notre président. En effet, dans cette
assemblée, sur les sujets comme la lutte contre les déviances sectaires, qui
exigent de la vigilance, il n'y a pas de clivage entre la gauche et la droite,
dès lors qu'il s'agit de protéger les libertés individuelles et collectives.
M. François
Rochebloine. Absolument !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Chacun sait que vous n'êtes pas sectaire. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Brard.
Non, en effet ! Nous sommes républicains !
Le ministre de la santé,
M. Jean-François Mattei, a déclaré lors d'une émission de radio, le
7 décembre dernier, que, pour une intervention médicale urgente, quelles
que soient les réticences des patients, « c'est l'assistance à personne en
danger, il faut intervenir ». Et d'ajouter : « S'il n'y a pas d'urgence, nous
sommes dans un pays où la liberté de choix du praticien existe. » Cela dit, à
force de ne pas faire intervenir l'urgence, on peut passer d'une situation
bénigne à une situation aiguë, si bien que l'on revient à la case départ, à
l'urgence !
Par ailleurs, la
commission nationale sur la laïcité, présidée par Bernard Stasi, préconise une
loi qui permettrait de faire respecter « les principes d'égalité, de continuité
et de respect des règlements sanitaires et des exigences de santé. »
En prônant le refus de la transfusion
sanguine et en mentant effrontément, c'est-à-dire en prétendant que des produits
existent ayant qualité de substitution générale au sang pour soigner toute forme
de pathologie, les Témoins de Jéhovah contraignent leurs adeptes à refuser la
transmission pour eux-mêmes ou pour leur enfants. Cette organisation se rend
ainsi responsable de la mort de nombreuses personnes, alors que les pouvoirs
publics et les médecins ont le devoir de les sauver.
Le ministère de la santé est
représenté dans la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre
les dérives sectaires et participe activement à ses travaux.
Quels développements envisage-t-il de
donner à l'action de ses services en liaison avec la représentation nationale,
afin de lutter plus efficacement encore contre l'infiltration des sectes dans
les secteurs de la santé et du médico-social et contre la négation de la
dangerosité de certaines pratiques, tel le refus de la transfusion sanguine ?
Ce point de vue est appuyé encore par
un vote à l'unanimité, moins une abstention, de l'Académie nationale de
médecine, qui déclare : « L'Académie nationale de médecine rappelle que le
médecin doit pouvoir garder sa pleine liberté de décision et assumer ses
responsabilités en dehors de toute pression, menace ou violence. » On pense à ce
qui se produit à cause des Témoins de Jéhovah qui refusent toute transfusion
sanguine, et aux démarches plus ou moins longues qui en résultent.
Je ne suis pas le seul à attendre une
réponse : tous ceux qui sont en butte à ces menaces l'attendent.
M. François
Rochebloine. Excellente question !
M. le président. La
parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Monsieur le député, le ministère de la santé, de la famille et des personnes
handicapées contribue à la lutte contre les dérives sectaires qui sont, ou
peuvent être, préjudiciables pour la santé et qui, souvent, comportent des
infractions au droit commun, au travers d'un dispositif spécifique de vigilance
et d'action défini dans la circulaire du 3 octobre 2000.
La circulaire du
7 février 2003 de la direction de l'hospitalisation et de
l'organisation des soins, la DHOS, a rappelé aux DRASS et aux DDASS la nécessité
de signaler au ministère toute information relative à des faits répréhensibles
en matière de santé publique commis par des groupes à caractère sectaire.
Lorsque le bureau de l'exercice médical de la DHOS est informé, par des
particuliers ou par des DDASS, d'agissements contraires aux dispositions de la
législation en matière de santé publique ou au code de déontologie, une plainte
est portée auprès du procureur de la République ou au conseil de l'ordre
concerné, par exemple, en cas de signature de certificats de contre-indication
vaccinale inspirée par des idéologies sectaires.
Pour ce qui concerne les risques de
dérive sectaire dans le champ des psychotérapies, la direction générale de la
santé a engagé, en 2001, des travaux sur la typologie et l'évaluation des
pratiques en lien avec l'INSERM et l'ANAES. La direction générale de la santé a
demandé, en 2003, à la Fédération française de psychiatrie d'organiser une
conférence de consensus sur la prise en charge médico-psychologique de victimes
de mouvements sectaires. Elle aura lieu à Paris les 6 et 7
novembre 2004.
En ce qui
concerne le refus de la transfusion sanguine prônée par les Témoins de Jéhovah,
des décisions de justice importantes ont défini la conciliation nécessaire entre
le consentement des malades aux actes médicaux, d'une part, et le devoir de
sauver la vie du malade, d'autre part. Ainsi, la jurisprudence considère que le
praticien qui réalise une transfusion sanguine malgré le refus explicite du
malade, appartenant notamment à la communauté des Témoins de Jéhovah, ne commet
pas de faute lorsque la transfusion sanguine apparaît comme le seul traitement
susceptible de sauver la vie du malade.
Enfin, dans un fascicule qui vient
d'être publié par le ministère sous le titre « Accidents collectifs, attentats,
catastrophes naturelles : conduite à tenir par les professionnels de santé »,
figure un appel à la vigilance quant à la présence croissance de mouvements
sectaires auprès des victimes sur les lieux de catastrophes.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard.
Votre réponse est tout à fait claire, madame la secrétaire d'Etat, et je vous en
remercie. Mais peut-être faut-il donner suite avec encore plus de précision à la
décision votée par l'Académie nationale de médecine, laquelle considère « qu'on
ne peut admettre qu'une minorité radicale, quelle que soit son appartenance
religieuse, cherche à imposer ses vues à l'ensemble du personnel de santé et aux
autres patients ». En effet, ce ne sont pas seulement des patients qui sont dans
la dérive sectaire, mais aussi parfois des praticiens.
C'est une excellente chose que vous
organisiez une conférence pour sensibiliser tout le monde, d'autant plus que les
Témoins de Jéhovah avancent masqués. Ainsi il a fallu toute la vigilance du
président de la Haute Assemblée pour annuler un colloque qui était prévu dans
l'enceinte même du Sénat, évidemment pas sous l'étiquette « Témoins de Jéhovah
», mais sous celle d'associations faux-nez oeuvrant pour eux. Et savez-vous qui
l'on trouvait parmi les intervenants ? Non seulement M. Garay, bien connu
comme l'avocat des Témoins de Jéhovah, mais oeuvrant avec lui et d'autres
béquilles des Témoins de Jéhovah, M. Patrick Pelloux, dont on a beaucoup
parlé l'été dernier et qui participe régulièrement à des activités pro-Témoins
de Jéhovah. Comment peut-on déclarer qu'il faut sauver dans l'urgence les
patients menacés par la canicule et participer à des initiatives de gens qui
refusent le droit de sauver la vie grâce à la transfusion sanguine ? Gardons
cela à l'esprit !
Dès lors qu'il
s'agit de sauver des vies, il n'y a pas de compromis possible. Je suis sûr que
M. le président est d'accord avec moi, même si, au perchoir, l'obligation
de réserve lui interdit de me manifester son soutien, mais ce n'est pas l'envie
qui lui en manque.
Cela dit, je le
répète, madame la secrétaire d'Etat, votre réponse est claire : vous considérez,
vous aussi, que le refus de la transfusion sanguine, dans les conditions que
vous avez dites, est un trouble à l'ordre public, puisqu'on voue à la mort des
gens qui pourraient être sauvés. Dès lors, tous les ministères, je ne dis pas «
ministres » à dessein, devraient être sur la même longueur d'onde et le préfet
du Puy-de-Dôme n'aurait pas dû recevoir du ministère de l'intérieur une lettre
indiquant que le refus de la transfusion sanguine n'est pas un trouble à l'ordre
public, s'appuyant en cela sur une jurisprudence contestable du Conseil
d'Etat.
Dès lors qu'existe une
jurisprudence du Conseil d'Etat contestable, le seul moyen de s'en sortir serait
de corriger par la loi les dérives de la jurisprudence et de faire revenir au
premier plan la protection des libertés individuelles et collectives contre des
organisations criminelles. J'appelle criminels des gens qui vouent délibérément
à la mort des patients qui peuvent être sauvés.
M. François
Rochebloine. Très bien !