DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA LOI SUR L'ACCUEIL ET L'HABITAT DES GENS DU VOYAGE
M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour exposer sa question, n° 519, relative aux difficultés d'application de la loi sur l'accueil et l'habitat des gens du voyage.
M. Axel Poniatowski. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement du tourisme et de la mer, l'installation massive de gens du voyage dans nos communes pose avec acuité des problèmes répétitifs, que la loi Besson, qui visait pourtant à encadrer cette installation, ne règle pas à ce jour.
En effet, selon une enquête de l'Association des maires d'Ile-de-France, l'AMIF, seules 8 % des communes ont suivi les prescriptions qui s'imposent aux communes de plus de 5 000 habitants, à savoir la mise en place d'aires d'accueil équipées et entretenues. Pour ce qui est de la région Ile-de-France, elle ne compte à ce jour que 500 places effectives sur les 6 000 estimées nécessaires. De plus, la création d'aires d'accueil dans les zones urbaines ne contribue pas à stopper les envahissements et les stationnements sauvages, et les communes équipées accueillent aujourd'hui un nombre de gens du voyage toujours plus important, créant des difficultés là même où on espérait les résoudre. En région Ile-de-France les tensions avec les habitants sont de plus en plus vives ; les problèmes de scolarisation et d'intégration des enfants issus de ces campements sont réels ; les branchements sauvages sur les bouches d'incendie ou sur les distributeurs EDF sont continuels et ni la loi ni l'hygiène ne sont respectées.
Les installations sauvages se multiplient également sur le territoire des petites communes, qui, si elles ne sont pas soumises à une obligation d'accueil, n'ont pas non plus les moyens financiers de se lancer dans une procédure d'expulsion. Elles ont, en revanche, à subir les nuisances de cette présence, aussi bien en termes d'insalubrité, du fait de l'amoncellement des ordures, qu'en termes d'insécurité. Sachez, monsieur le ministre, que de plus en plus de villes se barricadent et se protègent contre les installations sauvages. Tout cela, bien sûr, n'est satisfaisant, ni pour nos administrés ni pour les gens du voyage.
Il convient aujourd'hui, me
semble-t-il, de modifier la loi Besson, et de transférer la responsabilité de
l'accueil des gens du voyage au niveau des régions ou des départements, plutôt
que d'imposer des aires à l'ensemble des communes de plus de 5
000 habitants, ce qui n'est pas réalisable. D'autre part, et dans la même
logique, il conviendrait de définir par décret les conditions précises de
gestion et de gardiennage de ces aires. Une modification de la loi en ce sens
devrait ouvrir la faculté de créer des aires beaucoup plus grandes, de 100 voire
150 places, de bien les équiper en termes d'hygiène, de salubrité, voire de
scolarisation, et de les implanter plus loin des centres urbains, ce qui
limiterait les nuisances.
Ce
problème est, à n'en pas douter, une difficulté majeure que rencontrent les
maires. Ainsi, dans ma circonscription, les maires de Nerville-la-Forêt et de
Villiers-Adam, mais aussi ceux de Cergy-Pontoise, de Saint-Ouen-l'Aumône, de
Jouy-le-Moutier et d'Osny, y sont confrontés de façon récurrente. Les élus
locaux sont désarmés face aux invasions de nomades et de roms, qui sont leur lot
commun. C'est dans cet esprit que je vous demande, monsieur le ministre, de bien
vouloir faire part de votre sentiment à ce sujet.
M. Eric Raoult. Vaste
question !
M. le président. La parole
est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, je vous rappelle que
la loi du 5 juillet 2000, relative à l'habitat et à l'accueil des gens
du voyage, prévoit l'élaboration d'un schéma départemental, après avis d'une
commission départementale des gens du voyage, et l'obligation pour les communes
de réaliser des aires d'accueil dans un délai de deux ans.
En échange de ces obligations, vous
le savez, l'Etat consent un fort soutien financier aux collectivités locales,
pour l'investissement dans ces aires d'accueil, mais aussi pour leur
fonctionnement. Le Gouvernement a cependant décidé que les questions relatives
aux gens du voyage relèveraient toujours de la compétence de l'Etat, compte tenu
de leur spécificité, et ne seraient pas décentralisées au niveau des
collectivités locales, communes, communautés de communes, départements ou
régions. Mais les collectivités locales ont évidemment un rôle important à
jouer, et je me réjouis de voir que vous êtes tout à fait prêt à vous impliquer
dans cette démarche, qui est une démarche de solidarité nationale, en même temps
que d'organisation du territoire.
Je sais bien que les difficultés sont
nombreuses, pour vous comme pour les gens du voyage eux-mêmes. Comme vous l'avez
rappelé, et même si les schémas sont signés ou en cours de l'être dans ces
départements, sur les 6 000 places prévues en Ile-de-France, le nombre de
réalisations reste extrêmement faible. Il y a beaucoup de retard dans
l'élaboration et dans la réalisation de ces aires d'accueil, alors que les
communes disposent de deux ans pour s'acquitter de leurs obligations. Et tant
que toutes les aires prévues ne seront pas opérationnelles, il y aura forcément
des implantations qu'on qualifiera de sauvages, pour simplifier, à tout le moins
d'anarchiques.
Je pense comme
vous, je vous le dis très sereinement, qu'il faut améliorer la loi Besson
- et c'est, je crois, la première fois que je le dis publiquement
- bien que je ne partage pas totalement votre opinion sur ce sujet. Si on
devait modifier cette loi, le débat autour du nouveau texte nous donnerait
l'occasion d'échanger nos points de vue.
En tout cas, le Gouvernement souhaite
faciliter l'intégration des gens du voyage, tout en leur permettant de préserver
leur mode de vie familial et économique. Il faut pour cela privilégier les aires
de petite taille, qui sont bien intégrées dans les communes, et faciliter
l'installation de terrains familiaux ou locatifs communaux, voire privés,
puisque certains d'entre eux sont propriétaires de leur terrain.
Les communes doivent, lors de la
révision des plans locaux d'urbanisme, se poser la question, à la fois des
installations nouvelles et de la régularisation de certaines occupations sur des
terrains suffisamment proches des aires urbaines pour faciliter la scolarisation
des enfants, qui est un enjeu majeur en termes d'intégration, auquel les gens du
voyage sont eux aussi très attachés.
Avec mon collègue
François Fillon, nous allons réunir dès les premiers jours de janvier la
Commission nationale consultative des gens du voyage. Je souhaite que cette
commission, qui sera présidée par le sénateur Nicolas About, soit en mesure
de nous faire rapidement des propositions pour que nous puissions, comme vous le
souhaitez, modifier la loi.
M. le président. La
parole est à M. Axel Poniatowski.
M. Axel Poniatowski.
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions, bien que mon propos
portait en fait sur le transfert de responsabilités de ces aires d'accueil des
communes vers les régions ou les départements.
Le schéma départemental du Val-d'Oise
m'oblige aujourd'hui à créer une aire d'accueil de deux places sur ma commune de
L'Isle-Adam alors que celle-ci compte 12 000 habitants ; quant à la commune
voisine de Parmain, qui compte 5 500 habitants, elle devrait créer une aire
d'accueil d'une place, ce qui est une absurdité. Voilà pourquoi je souhaite que
cette responsabilité soit transferée au niveau des régions ou des départements,
afin que l'on puisse créer des aires d'accueil beaucoup plus grandes et les
gérer avec l'ensemble des services nécessaires.
M. le président. La
parole est à M. le ministre.
M. le ministre de l'équipement,
des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je vous
remercie, monsieur Poniatowski, d'avoir précisé votre demande. Sur
l'agglomération amiénoise - ce n'est plus le ministre qui parle, c'est
l'élu local - nous avons réglé la question, non sans difficulté, en
tranférant cette compétence à la communauté d'agglomération. Cela nous permet de
travailler avec les services de l'Etat...
M. Jean-Claude Viollet.
Bien sûr !
M. le ministre de l'équipement,
des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et avec une
compétence gérée par vingt et une communes, vingt-sept au 1er janvier, nous
pourrons faire des choix plus pertinents.
M. Jean-Claude Viollet.
Absolument.
M. le ministre de l'équipement,
des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce travail en commun avec toutes les communes permet d'aménager, ici de petites aires d'accueil de court séjour, par exemple, là au contraire des aires de longs séjours, à proximité d'une école, pour permettre la scolarisation. On peut mieux s'arranger quand on est dix, quinze ou vingt communes, plutôt que seul, je vous en donne acte.