PROJET DE LIAISON FERROVIAIRE
ENTRE LA GARE DE L'EST ET L'AÉROPORT DE ROISSY
M. le président. La
parole est M. Eric Raoult, pour exposer sa question, n° 525, relative
au projet de liaison ferroviaire entre la gare de l'Est et l'aéroport de
Roissy.
M. Eric Raoult. Comme
vous le savez, monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer, le Gouvernement a hérité de ses
prédécesseurs un projet de liaison rapide entre Paris et l'aéroport
Charles-de-Gaulle. Je rappelle à mes collègues que ce projet consiste en la
réalisation d'une liaison ferroviaire directe entre la gare de l'Est et
l'aéroport de Roissy, une portion du trajet devant faire l'objet d'un creusement
de tunnel sur dix kilomètres.
Or
force est de constater que ce projet dit du « Charles-de-Gaulle Express » -
on devrait plutôt parler du « Jean-Claude Gayssot Express » (Sourires) - est loin de faire l'unanimité. C'est
qu'il s'agit d'un très mauvais projet, et ressenti comme tel par les habitants
du principal département concerné, celui de la Seine-Saint-Denis, dont je suis
un élu.
Les deux derniers
référendums municipaux, organisés il y a quinze jours, celui de
Pavillons-sous-Bois organisé par le maire, mon collègue et ami Philippe Dallier,
et celui de Sevran, où Mlle Elisabeth Gervais, conseillère municipale, a mené
une campagne particulièrement active pour le « non », comme vous le savez,
monsieur le ministre - mais étant donné qu'elle est candidate aux
cantonales, je tenais à le rappeler - montrent que le rejet est net : le
projet suscite 97 % de « non » aux Pavillons-sous-Bois, et 94 % de « non » à
Sevran.
Aujourd'hui, c'est donc à
juste titre que ce projet suscite toujours l'interrogation. Aucune gare n'est
prévue sur le passage du tracé. Le coût du projet suscite également, vous le
savez, plus qu'un rejet, une véritable incompréhension, dans le contexte
d'économies budgétaires que nous connaissons. Enfin, de fortes nuisances sont à
prévoir pour les habitants, en termes de sécurité des biens notamment -
mais je pense aussi aux vibrations occasionnées par le passage souterrain des
trains. Ce sont toutes ces craintes que nous entendons au quotidien, moi et mes
collègues de ce secteur, quelle que soit leur sensibilité politique. Elles
expriment aussi deux convictions : la Seine-Saint-Denis ne doit pas servir de
lieu d'implantation d'installations ferroviaires dont elle ne tireraient aucun
profit ; elle doit, d'autre part, être soutenue pour ce nouvel aménagement de
son espace qu'elle n'a pas souhaité.
Par deux référendums locaux, les
collectivités de Seine-Saint-Denis ont déjà massivement dit « non ». Le conseil
municipal de ma ville, voisine du tracé de ce projet, a également émis, comme
les villes de Villepinte et d'Aulnay, un voeu négatif sur ce projet.
Aujourd'hui, la Seine-Saint-Denis ne
souhaite pas supporter les conséquences de l'extension du trafic aérien de
l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle - je sais que c'est un sujet auquel
vous êtes particulièrement sensible, monsieur le ministre. Elle ne souhaite pas
non plus être la victime des projets mal conçus du précédent gouvernement.
Etant donné que ce dossier suscite
craintes et interrogations, pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer les
populations concernées qui s'inquiètent du maintien du projet rejeté par les
communes situées sur son tracé ? C'est un dossier particulièrement important
pour le département de la Seine-Saint-Denis et, vous le savez, votre collègue
Jean-François Copé y est, lui aussi, très sensible.
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l'équipement,
des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Raoult, je salue une fois
encore la grande attention que vous accordez à la protection des riverains, ceux
qui sont soumis aux nuisances aériennes et, en l'occurrence, ceux qui pourraient
l'être aux éventuelles nuisances de la liaison CDG Express.
Le débat public a pris fin hier,
15 décembre. Je constate avec intérêt que les habitants et les associations
de Seine-Saint-Denis s'y sont beaucoup impliqués. Ils ont pu faire passer leur
message et se faire entendre. C'est un des buts de la Commission nationale du
débat public.
Il est un peu tôt,
bien sûr, pour vous répondre de façon très concrète. Mais, sans préjuger des
conclusions qui seront tirées par la commission nationale, puis par le maître
d'ouvrage du projet, Réseau ferré de France, le débat public a d'ores et déjà
montré la nécessité d'une desserte dédiée de l'aéroport de Roissy depuis le
centre de Paris, et surtout de l'amélioration de l'ensemble des déplacements
dans le quart nord-est de l'Ile-de-France, donc de la desserte de tous les lieux
qui seront éventuellement traversés par une infrastructure. Vous l'avez souligné
: les habitants de la Seine-Saint-Denis et les salariés de la plate-forme de
Roissy doivent voir leurs conditions de déplacement améliorées à cette
occasion.
Ces objectifs sont
largement partagés par le Gouvernement et par l'autorité organisatrice des
transports en région Ile-de-France, le STIF. Le conseil d'administration du
Syndicat des transports d'Ile-de-France a ainsi approuvé, lors de sa séance du
1er octobre 2003, la mise en oeuvre d'un schéma directeur
d'amélioration du RER B, qui prévoit un trafic plus régulier, une desserte
renforcée et une meilleure accessibilité pour les personnes à mobilité
réduite.
La mise en oeuvre de ce
schéma tiendra compte des nouvelles solutions proposées lors du débat public
pour la desserte dédiée de l'aéroport. Une fois connues les conclusions de la
CNDP, il appartiendra à RFF de les expertiser, et nous pourrons suivre ensemble
l'évolution du dossier. En tout état de cause, quelles que soient les
conclusions de la commission nationale et les conséquences qui en seront tirées,
les mesures contenues dans le schéma directeur d'amélioration du RER B seront
mises en oeuvre. Et, encore une fois, monsieur le député-maire du Raincy, je
salue votre vigilance ; sachez qu'elle est largement partagée par le
Gouvernement.
M. le président. La
parole est à M. Eric Raoult.
M. Eric Raoult.
Monsieur le ministre, vous êtes un homme de sagesse et de modération. Il y a
certes un temps pour le débat public, puis pour l'expertise, mais quand 94 % ou
97 % de la population d'une ville se déclarent opposée à un projet, je crois que
le temps de l'écoute est venue. Et je suis persuadé qu'il sera tenu compte de
cette opposition, partagée par de nombreux élus.
La Seine-Saint-Denis a été martyrisée
: je pense à l'autoroute A 1 et à de nombreux autres équipements qui lui ont
parfois été imposés. Elle ne veut pas être un département oublié. En tant que
ministre du logement, vous savez que beaucoup de ses habitants vivent en
situation de détresse. Que les touristes américains ou japonais puissent se
rendre dans des conditions satisfaisantes de Paris à Charles-de-Gaulle est donc
un objectif important, mais on doit aussi tenir compte des riverains.
Dans la continuité républicaine des
pouvoirs publics, il est difficile d'argumenter pour se défaire d'un projet,
même préparé par d'autres. Veillons donc à ce que les procédures mises en place,
comme le grand débat public, permettent d'aboutir à des réalisations tenant un
bien meilleur compte des besoins de la population que toutes les expertises
précédentes. Ce projet, en effet, n'est pas celui de l'actuel gouvernement, mais
du précédent.
M. le ministre de l'équipement,
des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ai bien
compris.
M. Eric Raoult. Il
importe de le souligner, car la population ne perçoit pas toujours ce qui s'est
passé ces derniers mois.
Cela
étant, je vous remercie de votre réponse.