MAINTIEN DES SERVICES PUBLICS
DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD
M. le président. La
parole est à M. Marcel Dehoux, pour exposer sa question, n° 53,
relative au maintien des services publics dans le département du Nord.
M. Marcel Dehoux.
Monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, Christian Bataille et
Patrick Roy s'associent à cette question que je pose au nom des sénateurs,
députés, conseillers régionaux et généraux et des membres des
trois chambres consulaires d'un arrondissement qui se voit progressivement
privé d'un grand nombre de services publics. Il s'agit de l'arrondissement
d'Avesnes-sur-Helpe au sud du département du Nord qui compte 240
000 habitants.
Permettez-moi de vous décrire très
rapidement, rassurez-vous, mes huit derniers jours.
Lundi matin, un courrier de
M. le sous-préfet m'informe de la fermeture des gendarmeries d'Hautmont et
de Feignies.
Lundi soir,
M. l'inspecteur de l'éducation nationale me prévient que, rien que pour la
circonscription de l'éducation nationale d'Avesnes-Fourmies,
sept fermetures de classe sont envisagées.
Jeudi, M. le directeur
départemental de La Poste à Lille m'annonce que cinquante bureaux de
poste seront déclassés, en priorité dans les arrondissements d'Avesnes et de
Cambrai, que la moitié d'entre eux sera même supprimée si les communes ne
s'impliquent pas financièrement et surtout, que le centre de tri de
Valenciennes, créé et mis en service il y a trois ans, va être transféré à
Lille.
Samedi, un courrier de
M. le ministre des finances m'apprend la fermeture de cinquante-cinq
recettes des finances, en priorité dans le département du Nord - dans les
arrondissements d'Avesnes, Cambrai, Douai - qui seront regroupées à
Valenciennes. Monsieur le secrétaire d'Etat, les services télématiques,
Internet, l'informatique, le permettant désormais, pourquoi ne pas prévoir des
regroupements en milieu rural au lieu de toujours tout centraliser dans les
grands centres urbains ?
J'évoquerai aussi la fermeture du
service de la concurrence et de la répression des fraudes de Valenciennes qui va
être transféré à Lille. Quid de toute les
commissions d'appels d'offres que nos collègues maires vont devoir organiser ?
Que restera-t-il de la présence de l'Etat ?
J'ajouterai encore que les services
de France Télécom de Maubeuge vont être regroupés à Valenciennes et cette liste
n'est pas exhaustive.
Monsieur
le secrétaire d'Etat, une étude préfectorale a montré que le déficit de services
publics dans l'arrondissement du Hainaut est d'environ 1 500 postes.
Rappelons par ailleurs que l'Europe a reconnu cette région comme sinistrée en la
classant en objectif 1 - c'est la seule de l'Hexagone - comme les
DOM et la Corse. Elle bénéficie à ce titre de crédits importants. Alors
pourquoi, au-delà des discours gouvernementaux depuis de nombreuses années sur
la nécessaire présence des services publics, chaque administration joue-t-elle
sa propre partition sans tenir compte de l'aménagement du territoire ?
Nous n'irons pas jusqu'à
revendiquer la même sollicitude de l'Etat vis-à-vis d'autres régions classées en
objectif 1, comme la Corse. Nous ne demandons pas à bénéficier des mêmes
avantages au prorata du nombre d'habitants.
Mais, monsieur le secrétaire
d'Etat, il faut mettre un terme à cette tendance très forte des administrations
centrales qui, sous des gouvernements de droite comme de gauche, vise toujours à
supprimer des services dans les régions les moins peuplées. Vous êtes chargé de
la simplification administrative. J'espère que simplification administrative
n'est pas synonyme de suppression des services publics.
Pourriez-vous, non pas être
attentif - après quelques années à l'Assemblée nationale, je sais que les
gouvernements sont toujours attentifs à ce que l'on dit (Sourires) -, mais tout mettre en oeuvre pour
stopper cette dégradation ? Les regroupements d'administrations ne doivent pas
systématiquement être opérés là où la population est la plus nombreuse. Cela
peut se faire aussi en milieu rural. Qu'allez-vous entreprendre en ce sens ?
M. Christian
Bataille. Très bien !
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M.
Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme
de l'Etat. Monsieur le député, j'ai bien senti dans votre question, à
laquelle s'associent tous les élus de l'arrondissement, l'inquiétude de ceux qui
se trouvent confrontés à des suppressions de services publics dans un territoire
déjà sous-équipé relativement à d'autres et classé en objectif 1 par
Bruxelles, en raison précisément de ces handicaps.
A travers votre question, vous
soulevez le problème très difficile - vous avez d'ailleurs souligné qu'il
était récurrent au-delà des alternances politiques - de la présence des
services publics en milieu rural, qui se réduisent telle une peau de chagrin.
Comment parvenir à un schéma rationnel en s'appuyant sur les nouvelles
technologies auxquelles vous avez fait référence et qui, effectivement, offrent
des possibilités dans ce domaine ?
Il s'agit de concilier deux
impératifs : celui de proximité, qui consiste à faire en sorte que chacun, le
plus près possible de son lieu de résidence, puisse avoir accès à tous les
services publics, par l'intermédiaire d'une maison de services publics, d'un
espace public numérique, d'une borne Internet, d'un cyberkiosque ou d'une
cyberbase, et celui de productivité et d'efficacité auquel, il ne faut pas se le
dissimuler, sont confrontés les services publics, et notamment ceux que vous
avez évoqués. Cela suppose le regroupement des services en pôles de compétence
capables d'apporter toutes les sécurités juridiques, financières et
administratives.
Le Gouvernement
travaille cette question qui a encore été évoquée lors du dernier comité
interministériel d'aménagement et de développement du territoire. Vous savez
d'ailleurs que Jean-Paul Delevoye, qui m'a chargé de l'excuser et de le
représenter auprès de vous, car il préside en ce moment même une réunion avec
les syndicats pour évoquer les conséquences de la décentralisation, est tout
particulièrement attaché à votre région.
Au-delà de cette interrogation
générale, à laquelle il n'y a pas de réponse simple, je dois vous donner des
éléments un peu plus précis sur le problème que vous avez bien voulu porter à
notre connaissance par écrit, celui des recettes des finances
d'Avesnes-sur-Helpe et de Cambrai, et du secteur infradépartemental de la
direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes implanté à Valenciennes.
S'agissant des recettes des
finances, il est vrai que la fermeture de la moitié environ des cinquante-cinq
recettes des finances a été annoncée le 7 octobre dernier, l'idée étant de ne
maintenir que les postes situés dans les arrondissements les plus importants.
Cependant, monsieur le député, la liste des recettes des finances qui seront
fermées n'est pas encore arrêtée. Elle le sera en fonction de deux critères : la
taille de l'arrondissement financier, et les éléments économiques et
géographiques propres au département.
J'observe, à cet égard, le
caractère atypique du réseau des recettes des finances dans le département du
Nord. Alors que les cinquante-cinq recettes des finances territoriales sont
actuellement réparties à raison d'une dans trente-huit départements et de deux
dans six départements, il en existe aujourd'hui cinq pour ce seul
département.
M. Christian
Bataille. Mais il compte 2,5 millions d'habitants !
M. le secrétaire d'Etat à la
réforme de l'Etat. Je souligne, en outre, que les recettes des finances
n'ont plus, depuis 1996, mission de recevoir le public. Elles sont centrées sur
les fonctions de pilotage, de soutien et de suivi des trésoreries
d'arrondissement qui lui sont rattachées. La fermeture d'une partie des recettes
des finances - j'insiste sur ce point - ne constitue donc qu'une réorganisation
purement interne au Trésor public. Puisque vous avez évoqué les inquiétudes des
maires et des élus locaux. je vous indique qu'elle ne modifiera ni les
conditions dans lesquelles le service est rendu par les trésoreries au public et
aux collectivités locales, ni la pérennité des missions de service public,
laquelle demeurera assurée.
Pour
ce qui est du secteur infradépartemental de la direction générale de la
concurrence, de la consommaation et de la répression des fraudes, la
réorganisation annoncée en octobre dernier par le ministre de l'économie a pour
but d'améliorer l'efficacité de ces unités départementales et d'adapter leurs
modalités de fonctionnement, afin qu'elles réalisent, dans les meilleures
conditions possible, un contrôle de proximité efficace. Il s'agit d'obtenir la
synergie indispensable pour assurer une couverture du terrain homogène sur
l'ensemble des départements.
Cette réorganisation tient compte
du développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, auquel vous avez fait vous-même référence. La direction générale
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est, à cet
égard, bien pourvue. Cela rend donc moins nécessaire l'existence d'unités
administratives locales de toutes petites dimensions, alors que la plupart des
agents, vous le savez, sont des enquêteurs de terrain qui passent l'essentiel de
leur temps en dehors de leur bureau.
Si le regroupement des agents du
secteur à la direction de Lille est à l'étude, les missions de service public
qu'assume la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes au service du consommateur, ainsi que la loyauté des
transactions ne sont pas concernées par cet élément de la réforme du ministère
de l'économie et de finances qui vise simplement à assurer le meilleur service
aux citoyens au plus juste coût.
M. le président. La
parole est à M. Marcel Dehoux.
M. Marcel Dehoux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le département du Nord est peut-être atypique,
mais c'est parce qu'il compte 2,5 millions d'habitants, et que chacun de
ses arrondissements est plus peuplé qu'une vingtaine de départements
français.
M. Christian Bataille
Ce n'est pas la Lozère !
M. Marcel Dehoux. Il
faut en tenir compte.
Je
transmettrai fidèlement vos propos à l'ensemble des élus qui m'ont demandé
d'être leur porte-parole aujourd'hui ; je ne sais s'ils seront convaincus.