FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 54501  de  Mme   Taubira Christiane ( Socialiste - Guyane ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  28/12/2004  page :  10388
Réponse publiée au JO le :  28/06/2005  page :  6484
Date de changement d'attribution :  02/06/2005
Rubrique :  femmes
Tête d'analyse :  politique à l'égard des femmes
Analyse :  femmes victimes de violences conjugales
Texte de la QUESTION : Mme Christiane Taubira appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les agressions et les meurtres dont sont victimes les femmes en France et outre-mer, et plus particulièrement du fait d'une actualité douloureuse récente, celles de la Guyane et de la Réunion. Lors de son dernier séjour à la Réunion au mois d'octobre, elle a été choquée par le meurtre d'une jeune étudiante en BTS de vingt ans, abattue en sortant de son établissement scolaire, par son ancien petit ami de dix-neuf ans qui n'admettait pas leur rupture depuis un mois. Il s'est avéré que le jeune homme avait déjà proféré des menaces de mort à l'encontre de la jeune fille. Cette dernière avait porté plainte. Après un placement en garde à vue et la visite d'un psychologue qui n'aurait rien détecté d'anormal, le jeune homme a été remis en liberté, acheté une arme et tué son ancienne amie à la sortie des cours. Émue par cette tragédie, elle a pris contact avec les associations, qui l'ont informée que les agressions et meurtres de femmes par leur petit ami ou compagnon sont un phénomène fréquent et régulier dans l'île malgré les nombreux dépôts de plaintes. A Cayenne, cette année, plus de huit cents femmes en détresse ont visité l'association d'aide aux victimes. Une mère de huit enfants en instance de divorce est actuellement menacée de mort par son époux. Il y a un an, sa cousine a été tuée par son mari au prétexte qu'il n'acceptait pas que la jeune femme perçoive une aide de l'Etat après leur divorce. Une enquête réalisée par les urgences médico-légales de Paris a chiffré à soixante par an le nombre de femmes tuées par leur mari ou compagnon seulement dans la capitale. Chaque mois sur le territoire français, six femmes meurent sous les coups de leur conjoint. C'est donc avec fréquence et régularité que se produisent les faits de violence contre les femmes entraînant la mort de la victime tandis que celle-ci avait tenté des démarches vers les services sociaux, de police, de gendarmerie ou judiciaires. Les victimes sont souvent renvoyées à leur propre relation avec l'agresseur alors qu'il s'agit d'une violence sociale. Les menaces de mort bien qu'étant une infraction prévue et réprimée par le Code pénal ne semblent pas être considérées en tant que telles par les services de police et de gendarmerie. On estime à 10 % seulement le nombre de plaintes qui aboutissent. Or, les victimes sont en droit d'attendre que les services concernés appliquent strictement les dispositifs légaux, notamment ceux de la loi du 15 juin 2000, prévus dans le cadre de la protection des victimes de violence (assistance à personne en danger, accueil des victimes, dépôt de plainte ou main courante, suivi de la procédure), expressément dans le cas de menaces de mort avec arme avérée. Enfin, les associations militant dans ce secteur ont repéré un ensemble de paramètres qui, s'ils étaient pris en compte par les services de police, de gendarmerie et judiciaires, permettraient une protection efficace des victimes. Ces paramètres sont notamment : la présence avérée d'une arme, l'existence d'antécédents judiciaires de l'agresseur, l'existence de troubles psychologiques graves chez l'agresseur. Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre face à l'inertie qui, trop souvent, fait suite au signalement de ces menaces auprès des autorités policières et judiciaires. Dans le cas du meurtre de la jeune Réunionnaise, le Procureur de la République avait reçu plusieurs plaintes et aucune disposition de protection ni de vigilance n'a été prise. Elle sollicite également des moyens pour renforcer des associations qui sans moyens assistent ces femmes, les accompagnent dans leur détresse et se désespèrent elles-mêmes lorsque les meurtres viennent confirmer leur crainte.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait savoir à l'honorable parlementaire que la lutte contre les violences au sein du couple, et plus généralement la protection des droits des femmes, constitue une priorité gouvernementale. De nombreuses dispositions, tant préventives que répressives, permettent d'assurer la protection des victimes de ces violences. Ainsi, des infractions spécifiques liées à la sphère familiale font encourir à l'auteur de violences sur conjoint ou concubin des peines pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 EUR d'amende en dehors de toute autre circonstance aggravante (article 222-12, 6° du code pénal), sanctions portées à quinze ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d'amende en cas de mutilation ou d'infirmité permanente (article 222-10, 6° du code pénal), et à vingt ans en cas de décès (article 222-8, 6° du code pénal). Outre la sévérité des incriminations, notre législation permet d'envisager à tous les stades de la procédure l'éloignement de l'auteur des violences en lui imposant certaines interdictions comme celles de paraître en certains lieux ou d'entrer en contact par quelque moyen que ce soit avec la victime, sous peine d'incarcération. Enfin, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité prévoit l'obligation pour l'autorité judiciaire compétente d'informer les victimes lorsqu'il est mis fin à la détention de l'auteur de l'infraction. Par ailleurs, la remise en liberté de ce dernier peut être assortie de l'interdiction d'entrer en relation avec la victime de quelque manière que ce soit. Il convient d'ajouter qu'une proposition de loi a été adoptée par le Sénat, le 29 mars 2005, en vue de parfaire ce dispositif juridique. Elle vise principalement à étendre la circonstance aggravante de la qualité de conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS de l'auteur, aux crimes et délits d'homicide volontaire, viol et agression sexuelle. Il est aussi envisagé de créer une nouvelle circonstance aggravante liée à la qualité d'ex-concubin, ex-conjoint et ex-partenaire lié par un PACS de l'auteur, applicable aux mêmes infractions que celles aggravées par le lien du mariage, du concubinage ou du PACS. La proposition de loi a également pour objectif de permettre que le non-respect du contrôle judiciaire ordonné ou maintenu dans le cadre d'un convocation par procès-verbal, d'une comparution immédiate ou d'une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve non encore définitive, soit immédiatement sanctionné par la révocation de la mesure et l'incarcération du prévenu. Conscient de la nécessité d'harmoniser les pratiques innovantes des parquets et d'améliorer la prévisibilité et la lisibilité de la réponse pénale, le ministère de la justice a rédigé un guide de l'action publique en matière de lutte contre les violences au sein du couple, paru en septembre 2004. Ce document, diffusé à 10 000 exemplaires et consultable sur Internet, élabore notamment un protocole de recueil de la plainte et préconise des investigations systématiques aux fins de recherche et de saisie d'une arme éventuelle. Il souligne la nécessité de joindre à la procédure l'ensemble des antécédents du mis en cause et formule des propositions en vue d'un traitement judiciaire adapté à la nature particulière de ces violences. Pour ce faire, la désignation d'un magistrat référent au sein de chaque parquet, ainsi que la coordination des actions menées par les associations d'aide aux victimes, les services enquêteurs et le ministère public, sont mises en exergue. Concernant plus précisément ce dernier point, le guide prône la nécessité d'une politique partenariale à tous les stades de la procédure pénale. Au stade de la révélation des faits, d'abord, les policiers et les gendarmes doivent tout mettre en oeuvre, avec les associations et les médecins, pour aider les victimes à franchir le cap et oser porter plainte. Au stade de l'enquête, ensuite, le soutien et la prise en charge tant matérielle, juridique que psychologique des victimes par le réseau associatif apparaît comme le pendant nécessaire à la bonne marche des investigations menées par les enquêteurs, les retraits de plainte étant particulièrement nombreux en matière de violences au sein du couple. Au stade des poursuites et de l'audience, également, le risque de désistement des plaignants est élevé et l'action conjuguée du barreau et des associations doit permettre de les accompagner au cours de l'instance pénale. Les magistrats, quant à eux, ne doivent pas rester passifs à l'égard des victimes, mais au contraire veiller à ce que celles-ci soient informées et soutenues, le cas échéant par une association requise à cet effet. Au stade de l'exécution des peines, enfin, seule une étroite collaboration entre les travailleurs sociaux, le barreau et les associations peut permettre au juge de l'application des peines de prendre en compte tous les intérêts de la victime dans chacune de ses décisions.
SOC 12 REP_PUB Guyane O