FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 55143  de  Mme   Carrillon-Couvreur Martine ( Socialiste - Nièvre ) QE
Ministère interrogé :  relations avec le Parlement
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  18/01/2005  page :  492
Réponse publiée au JO le :  02/08/2005  page :  7576
Date de changement d'attribution :  02/06/2005
Rubrique :  droits de l'homme et libertés publiques
Tête d'analyse :  défense
Analyse :  homophobie. associations. consultation
Texte de la QUESTION : Mme Martine Carrillon-Couvreur attire l'attention de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement sur la mention de la participation de la Commission nationale consultative des droits de l'homme au projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. En effet, le texte adopté au Sénat laisse entendre que, la loi se faisait avec l'accord de différents intervenants dont la Commission nationale consultative des droits de l'homme et les associations de défense des droits de l'homme. Or le seul avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, rendu le 18 novembre 2004, était le retrait du projet de loi. En fait d'abandon, le Gouvernement a proposé par voie d'amendements sur un projet de loi relatif à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, déjà examiné en première lecture à l'Assemblée nationale, la plupart des dispositions de la loi relative à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. Elle lui demande d'indiquer la place qu'il entend donner aux avis des associations consultées et spécialement de celui de la Commission nationale consultative des droits de l'homme dans la détermination de ses positions. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que l'ensemble du Gouvernement partage ses préoccupations concernant la lutte contre tous les comportements discriminatoires qui constituent dans une société démocratique des atteintes intolérables parce qu'elles mettent directement en cause la dignité de la personne humaine. Le 18 novembre 2004 la Commission nationale consultative des droits de l'homme a rendu un avis défavorable au projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe, dont elle a demandé le retrait. Ce projet prévoyait une répression des provocations à la discrimination à caractère sexiste ou homophobe, et des diffamations et des injures à caractère homophobe similaire à ce qui est prévu en matière de racisme. Selon la CNCDH, le projet de loi mettait ainsi en cause le principe de l'universalité des droits de l'homme, ce qui était de nature à accentuer l'émergence de tendances communautaristes en France et à porter atteinte à l'égalité des droits. De plus, ce projet portait selon elle gravement atteinte à la liberté d'expression, dans la mesure où l'intolérance devait être combattue par l'éducation, l'information et le débat et non par la répression. Enfin, la CNCDH estimait inopportune l'inégalité implicitement induite par les articles 2 et 3 du projet de loi réprimant plus sévèrement les diffamations et injures envers une personne ou un groupe de personne en raison de son orientation sexuelle, par rapport à celles commises à raison de son sexe. S'agissant de la multiplication des protections juridiques spécifiques à une catégorie de personnes, le Gouvernement estime que cet argument nie la légitimité même des dispositions de la loi sur la presse réprimant les propos discriminatoires, y compris ceux proférés en raison de la religion d'une personne ou d'un groupe de personnes. Par ailleurs, il est apparu au Gouvernement nécessaire de prendre en compte la réalité des violences commises en raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des victimes qui justifie, au-delà de l'aggravation des peines sanctionnant ces faits - il en est ainsi des violences conjugales depuis le nouveau code pénal ou des violences en raison de l'orientation sexuelle de la victime depuis la loi du 18 mars 2003 -, une répression spécifique des propos ou écrits de nature à provoquer cette violence : c'était déjà le cas en matière de racisme, les dispositions de la loi de 1881 sur la liberté de la presse ayant été modifiées en 1972. Le Gouvernement a toutefois tenu compte de l'avis de la CNCDH autant qu'il lui paraissait possible au regard des objectifs qui étaient les siens, en retirant son projet de loi de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et en intégrant certaines dispositions, sous une forme sensiblement modifiée, par amendements au projet de loi portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Ces modifications avaient pour principal objet de limiter les restrictions à la liberté d'expression résultant des nouvelles dispositions afin de répondre aux inquiétudes de la CNCDH. Tout d'abord, le projet de loi modifié a permis de sanctionner uniquement la provocation à des discriminations sexistes ou homophobes réprimées par les dispositions du code pénal. Cette précision, qui n'existe pas en matière de racisme, implique donc que les provocations à la discrimination homophobe ou sexiste ne sont réprimées que si elles incitent à commettre une discrimination qui constitue déjà un délit pénalement sanctionné par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal, c'est-à-dire les discriminations en matière de biens ou de services, d'emploi ou de formation, ou de refus de droits accordés par la loi. En revanche, demeurent clairement autorisés des propos développant des avis qui doivent pouvoir librement s'exprimer dans une société démocratique, comme par exemple l'opposition à la reconnaissance du mariage homosexuel ou à la reconnaissance de l'homoparentalité, fondée, le cas échéant, sur des opinions religieuses. En outre, le Gouvernement a proposé un amendement réprimant de la même manière les diffamations ou injures homophobes et sexistes, répondant ainsi à l'observation émise par la CNCDH. Ces dispositions ont été définitivement adoptées dans la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Enfin, le garde des sceaux souhaite préciser que, conformément à plusieurs circulaires du Premier ministre, les avis de la CNCDH font l'objet d'un suivi attentif de la part de l'administration afin que soit maintenu un climat de travail assidu et confiant entre les différents départements ministériels et la commission.
SOC 12 REP_PUB Bourgogne O