DEBAT :
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LAÏCITÉ
M. le président. La parole est à M. François Baroin, pour le groupe UMP.
M. François Baroin. Monsieur le Premier ministre, chaque jour apporte la preuve de l'actualité du thème de la laïcité. Des guerres sont à nouveau menées au nom de Dieu. Les conventionnels européens s'interrogent sur la mention de l'héritage religieux dans la future Constitution. L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne suscite toujours un vif débat. Mais, au-delà de ces sujets, le développement des communautarismes s'oppose au projet républicain d'intégration, terme d'ailleurs impropre pour la nouvelle génération, et remet en cause notre conception de l'humanisme à travers la liberté de conscience et le droit des femmes.
Que faire quand une élève avocate demande à garder son voile pour prêter serment, quand un élève refuse de passer un examen avec une enseignante au motif que c'est une femme, quand une jeune fille renonce à se faire soigner par un médecin parce que c'est un homme, quand des enseignants ne peuvent plus enseigner telle ou telle partie du programme ?
N'est-il pas temps, monsieur le Premier ministre, de réaffirmer avec force l'idée, au fond assez simple, selon laquelle la laïcité est la première sentinelle et le dernier rempart de l'unité de la nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communiste et républicains.)
Préserver la loi de 1905 et ses principes fondamentaux me paraît essentiel. Mais comment permettre alors aux représentants de l'Etat, en particulier dans le secteur de l'éducation nationale, sanctuaire républicain, de ne pas vivre dans une insécurité juridique quasi quotidienne ? Le flou et l'ambiguïté sont actuellement les plus fidèles alliés des fondamentalistes en tous genres pour mettre à mal une part essentielle de notre pacte social. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, vous ayant écouté, ainsi que de nombreuses personnalités de la majorité et d'ailleurs, je vous demande quelle forme pourra prendre cette clarification et dans quel délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, Dieu est un mystère, ce n'est pas une investiture ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) André Malraux a dit que le xxie siècle serait religieux. Je ne crois pas qu'il nous faille avoir peur des religions, à condition qu'elles acceptent le principe supérieur d'organisation républicaine qu'est le principe de laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Que la personne humaine s'interroge sur l'origine de sa liberté, sur ses capacités de dépassement, il n'y a rien de choquant à cela, mais il en va autrement quand on met la religion au service de manoeuvres politiques, quand on l'utilise pour organiser des communautarismes,...
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
M. le Premier ministre. ... et pour justifier tout un ensemble de dérives. Face à ce type de manipulation, la République doit dire clairement que la laïcité c'est la liberté, la liberté de conscience, la liberté de religion, l'égalité entre toutes les religions. La République doit assurer l'égalité pour tous les citoyens. Le professeur n'a pas, dans sa classe, des catholiques, des juifs, des protestants ou des musulmans ; il a des jeunes Français qui sont tous des membres de la communauté républicaine ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
C'est pourquoi il nous faut réaffirmer avec force ce principe de laïcité, fondateur de nos principes républicains. Je souhaite que des débats aient lieu dans notre pays à l'occasion du centenaire de la loi de 1905. Nous avons notamment confié à l'Institut de France le soin d'animer des réflexions sur ce sujet entre toutes les parties prenantes de la société. Mais nous ne voulons pas revenir sur la loi de 1905. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Un député du groupe socialiste. Encore heureux !
M. le Premier ministre. Nous pensons que cette loi garantit la laïcité et qu'elle doit être affirmée en tant que facteur d'équilibre afin que la République reste le pivot de notre communauté nationale.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a raison !
M. le Premier ministre. Nous ne toucherons donc pas à la loi de 1905,...
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est heureux !
M. le Premier ministre. ... mais il est vrai qu'un débat sur l'école et son avenir est engagé aujourd'hui dans toute la France !
Nous sommes tous convaincus que l'école est l'espace premier de la République. Nous devons veiller à ce que l'on protège bien, dans l'école, cette valeur suprême qu'est la République et à ce que des signes ostentatoires de communautarisme ne viennent pas rompre notre équilibre scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
A l'issue du débat national qui s'ouvrira au Parlement au mois de juin, qui se prolongera dans tout le pays et se terminera devant vous, au moment où nous réviserons ensemble la loi d'orientation scolaire de 1989 se posera la question de savoir comment nous devons protéger l'école de toutes les dérives communautaristes et de tout ce qui peut apparaître, à un moment ou à un autre, comme un zèle que nous voulons condamner au nom de la laïcité républicaine. Ma réponse est claire : oui, nourrissons le concept de laïcité, donnons-lui plus de force dans cette modernité ! Faisons en sorte que ce consensus national s'affirme et faisons en sorte, tous ensemble, à l'occasion du débat sur l'école, que celle-ci reste l'espace par excellence de la République, donc de la laïcité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
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