Texte de la QUESTION :
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C'est un avis de tempête qui souffle sur les laboratoires pharmaceutiques et sur les agences chargées de la sécurité sanitaire des médicaments. Parés de toutes les vertus lors de leur mise sur le marché en 2000, deux anti-inflammatoires vedettes de la nouvelle famille des coxibs - le Celebrex et le Vioxx - voient désormais leur innocuité remise en cause. Le 17 décembre 2004, le laboratoire Pfizer a révélé que le Celebrex pourrait, selon une étude clinique publiée par la firme et parrainée par le National Cancer Institute (NCI), augmenter sensiblement les risques cardiovasculaires. Déjà, le 30 septembre 2004, son concurrent Merck avait retiré le Vioxx du marché mondial pour des raisons similaires (Le Monde du 2 octobre). Pour l'heure, Pfizer n'a pris aucune décision de retrait du Celebrex. Le fait que ces « blockbusters » (produits réalisant plus de 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires annuel) tombent de leur piédestal et que l'alerte sur leurs dangers provienne des laboratoires qui les commercialisent et non des agences sanitaires jette la suspicion sur la capacité des pouvoirs publics à contrebalancer les pouvoirs de l'industrie pharmaceutique. De là de légitimes suspicions pèsent sur la question de la rigueur de l'évaluation précédant l'autorisation de mise sur le marché (AMM), sur les contrôles qui la suivent, ainsi que sur l'indépendance des experts chargés d'évaluer le bien-fondé des médicaments. Compte tenu du trouble jeté suite à ces révélations, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de la santé et des solidarités de lui indiquer les mesures urgentes qu'il compte prendre au sujet de ce dossier.
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Texte de la REPONSE :
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La préoccupation exprimée quant à la multiplication des notifications d'effets indésirables liés à l'utilisation des coxibs susceptible de remettre en cause le processus d'évaluation des médicaments avant et après l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), ainsi que sur l'indépendance des experts chargés d'évaluer les demandes d'AMM, appelle les précisions suivantes : tout médicament doit faire l'objet, conformément aux dispositions de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, avant sa commercialisation ou sa distribution à titre gratuit, en gros ou en détail, d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée soit par la Commission européenne pour les médicaments soumis à une procédure centralisée d'autorisation, soit par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). En France, cette autorisation de mise sur le marché est délivrée après évaluation du produit selon une procédure spécifique définie aux articles L. 5121-8 et suivants et R. 5121-21 et suivants du code de la santé publique impliquant notamment l'obligation, pour le laboratoire pharmaceutique concerné, de réaliser des expertises analytiques, pharmacologiques, toxicologiques et cliniques destinées à vérifier entre autre l'innocuité du produit, ses effets thérapeutiques et ses éventuelles contre-indications et les effets secondaires liés à la prise du médicament. L'évaluation scientifique est ainsi réalisée en interne à l'AFSSAPS sur le plan scientifique et technique, mais fait également appel à une expertise externe par des intervenants ponctuels dans des domaines ciblés. À ce titre, afin de garantir une plus grande transparence et impartialité dans les évaluations, les experts externes de l'AFSSAPS ont pour obligation légale de lui transmettre une déclaration d'intérêts. Enfin, les évaluations et rapports internes et externes sont discutés dans des groupes de travail et par la commission d'AMM. C'est après avis de celle-ci que le directeur général de l'AFSSAPS peut accorder une AMM. Dans ce contexte, l'évaluation d'une spécialité pharmaceutique et du principe actif qu'il comporte se fonde sur un rapport bénéfice/risque qui, s'il est favorable, permet la mise sur le marché du produit. Ceci n'exclut naturellement pas l'existence d'un risque de la survenue d'un effet indésirable, dont la mention est soigneusement inscrite sur la notice d'information destinée au patient, et dont la manifestation dans le cadre d'un traitement doit être signalée au médecin ou au pharmacien. Cependant, les essais cliniques avant l'AMM ne permettent pas d'identifier et a fortiori de mesurer parfaitement les risques d'une spécialité en conditions réelles d'emploi. Ainsi les études post AMM doivent être plus fréquentes, notamment les études pharmaco-épidémiologiques en situation réelle d'utilisation. À ce titre, la directive 2004/27CE, actuellement en cours de transposition, portant modification de la directive 2001/83 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, a introduit la notion de plan de gestion de risque pour toute nouvelle AMM. Ainsi, les industriels devront fournir, lors du dépôt de leur demande d'AMM, la description détaillée du système de pharmacovigilance et, le cas échéant, de gestion du risque que le demandeur devra mettre en place. En ce qui concerne plus précisément l'utilisation des coxibs, l'AFSSAPS, en association avec les États membres de l'Union européenne et l'agence européenne des médicaments (Emea), a estimé qu'il était nécessaire de renforcer l'information sur les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase de type 2 (coxibs), afin d'améliorer la sécurité des patients sur le plan cardiovasculaire. Cette décision s'inscrit dans la procédure de réévaluation du risque cardiovasculaire de tous les coxibs disponibles en Europe, engagée dès octobre 2004 à l'échelon européen, notamment depuis l'épisode du retrait mondial de la spécialité Vioxx par le laboratoire MSD le 30 septembre 2004. Dans le cadre de cet arbitrage européen, l'ensemble des données disponibles à ce jour a été examiné, notamment les résultats de deux études (APPROVe et APC), qui ont montré une augmentation du risque d'effets indésirables cardiovasculaires, qui peut être considérée comme un effet de classe des coxibs. En conséquence, de nouvelles contremises en garde et précautions d'emploi ont été ajoutées aux résumés des caractéristiques produit (RCP) et aux notices de tous les coxibs, notamment le célécoxib (Celebrex ) et le parécoxib (Dynastat D) qui sont les seuls à être commercialisés à l'heure actuelle en France. Dorénavant, les coxibs sont contre-indiqués chez les patients présentant une maladie cardiaque (telle qu'une angine de poitrine, un infarctus du myocarde ou une insuffisance cardiaque) ou une maladie cérébro-vasculaire (antécédent d'accident vasculaire cérébral ou d'accident ischémique transitoire) En outres les coxibs doivent être utilisés avec prudence par les patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaire, tels qu'une hypertension, un taux de cholestérol élevé, un diabète ou un tabagisme. Enfin, en cas de traitement antiagrégant par l'aspirine, celui-ci ne doit pas être interrompu ; toutefois, il faut prendre en compte le risque d'une augmentation des effets indésirables gastro-intestinaux, lors de la prescription associée à un coxib. Dans ces deux dernières situations, l'intérêt de poursuivre un traitement par coxib plutôt que par anti-inflammatoire non stéroïdien conventionnel (AINS) doit être réévalué par le médecin prescripteur, au regard du bénéfice attendu et des caractéristiques individuelles du patient ; cette réévaluation du traitement ne nécessite cependant pas d'être effectuée en urgence. Le rapport bénéfice/risque de ces produits reste favorable sous réserve du respect de ces nouvelles conditions d'emploi. En tout état de cause, l'AFSSAPS a rappelé, par différents communiqués de presse, le 1er octobre et 22 décembre 2004 et le 17 février 2005 disponibles sur son site internet (www.afssaps.sante.fr), et par des courriers aux prescripteurs, qu'il convient de respecter les indications des coxibs, d'utiliser les doses les plus faibles et le traitement le plus court possible. En conséquence, les recommandations de bon usage des AINS s'appliquent également aux coxibs. Afin d'assurer la transparence des résultats d'essais cliniques et conformément aux dispositions de la loi de santé publique du 9 août 2004, l'AFSSAPS va mettre en place et diffuser des répertoires de recherches biomédicales autorisés, sauf si le promoteur s'y oppose pour des motifs légitimes. Ceci élargira le champ du répertoire des essais cliniques que l'AFSSAPS diffuse depuis 2002 sur les maladies rares et certaines maladies graves à l'ensemble des essais autorisés, notamment de médicaments. Cette mesure, prise au niveau français, permettra une meilleure diffusion des informations sur les recherches auprès des industriels, des professionnels de santé et du public.
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