MODALITES D'ATTRIBUTION DES AIDES
AUX COLLECTIVITES
LOCALES
EN MATIERE DE CONSTRUCTION
Mme la présidente. La
parole est à M. Henri Nayrou, pour exposer sa question n° 580,
relative aux modalités d'attribution des aides aux collectivités locales en
matière de construction.
M. Henri Nayrou. Monsieur
le ministre de l'agriculture, je souhaite appeler l'attention de M. le
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du
territoire sur les modalités d'attribution des subventions de l'Etat et de
l'Europe aux collectivités locales, communes, EPCI et communautés de communes.
Ces subventions sont sollicitées pour des constructions de bâtiment avec
maîtrise d'oeuvre concernant notamment un bâtiment-relais pour une entreprise,
une vente en état futur d'achèvement ou un bâtiment pour l'usage des administrés
- bibliothèque, crèche, bâtiment communautaire, etc.
Pour obtenir des aides sur la
dotation de développement rural, la dotation globale d'équipement ou sur le
FEDER, les procédures en vigueur exigent que les dossiers présentant le projet
soient réputés complets, c'est-à-dire pourvu de toutes les pièces. C'est alors
que commence la course d'obstacles.
Bien entendu, un dossier complet
doit comprendre le permis de construire. Or pour obtenir ce dernier, la
collectivité portant le projet doit acheter le terrain et engager des
architectes qui produisent un avant-projet sommaire puis un avant-projet
définitif, le tout bien sûr contre rémunération. Rappelons en outre que, lorsque
le permis est déposé, les délais d'attribution sont évolutifs.
Les sommes qui doivent être
engagées avant même d'avoir le droit de postuler à des subventions aléatoires
font donc souvent reculer les élus : soit ils renoncent au projet, soit ils
renoncent aux aides. Dans tous les cas de figure, cette procédure dissuasive va
à l'encontre du but recherché par le législateur et l'administration, ce qui est
déjà un défi au bon sens.
Déjà
bien placée dans le domaine de l'absurdité, la situation se complique encore
plus pour des dossiers de type économique. Si, en effet, une collectivité
souhaite faciliter l'implantation d'une entreprise en lui proposant un montage
pour la construction d'un bâtiment, elle ne peut être en aucune façon assurée de
recevoir des aides à l'immobilier. Et que dire de la frilosité des banques qui
ne s'engagent que si des subventions publiques sont attribuées, subventions
elles-mêmes subordonnées à ce qui précède !
Il y a de quoi désespérer du genre
humain. Jugez plutôt : pour créer de l'activité, il faut des projets ; pour
réaliser des projets, il faut des aides ; pour avoir des aides, il faut avoir
engagé de l'argent ; pour engager de l'argent, il faut prendre des risques ;
pour prendre des risques, il faut avoir des assurances ; pour avoir des
assurances, il faut avoir des subventions ; pour avoir des subventions, il faut
repartir pour un tour de plus.
Concrètement, cela donne quoi ? Du
découragement chez les élus et chez les porteurs de projets et donc un manque
d'activité, de productivité, d'emploi et de vie. Et comme si cela n'était pas
suffisant, il y a tellement d'obstacles sur la route que les crédits votés et
disponibles ne sont pas utilisés. Cette situation conduit alors les institutions
à payer des campagnes de publicité pour les consommer, campagnes payées avec de
l'argent qui aurait été bien mieux utilisé en amont de la chaîne.
Voilà la description bien peu
valorisante d'un dispositif destiné à dynamiser l'économie et qui, au bout du
compte, contribue à la scléroser.
En conséquence, monsieur le
ministre, je vous demande de me livrer votre analyse sur le fond comme sur la
forme de ce qu'il faut bien appeler une anomalie contraire aux intérêts de la
collectivité au sens large du terme. Je vous saurai gré de bien vouloir me tenir
informé des avancées significatives qui pourraient être envisagées en la matière
pour le bien de tous.
Mme la présidente. La
parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la
pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de
la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, je vous remercie
d'avoir en quelque sorte exposé le théorème de Nayrou (Sourires), qui explique bien les difficultés
auxquelles les élus se trouvent confrontés pour la mise en oeuvre de leur
projet. Je vais essayer, au nom de Jean-Paul Delevoye et en présence de Patrick
Devedjian, qui aurait pu intervenir à ma place, de vous apporter un certain
nombre d'éléments de réponse aux vraies questions que vous avez soulevées.
Le département de l'Ariège
bénéficie de la prime d'aménagement du territoire industrielle. Les aides à
l'immobilier d'entreprise pour les PME y sont plafonnées à hauteur de 33 %
du montant de l'investissement. Cela signifie que les entreprises doivent
financer au moins les deux tiers des bâtiments que la collectivité maître
d'oeuvre souhaite mettre à leur disposition, au moyen d'une revente ou d'une
location.
Les subventions de
l'Etat - DDR ou DGE - ou de l'Europe - FEDER -, sollicitées par la collectivité,
constituent donc un complément à l'investissement immobilier dont l'objectif est
de favoriser l'implantation d'une entreprise. Elles n'ont en aucun cas vocation
à s'y substituer. Ces aides ou subventions ne sauraient donc conditionner la
réalisation du projet, dont l'essentiel du coût revient à l'entreprise candidate
à l'implantation.
Les règles
d'instruction et d'attribution des aides et subventions de l'Etat et de
l'Europe, qui imposent que les dossiers soit complets, participent d'un principe
de bonne gestion et de rigueur qui permet d'écarter des projets sans lendemain,
voire des dossiers dont l'opportunité économique n'est pas avérée. Les textes
relatifs aux subventions d'investissements de l'Etat aux collectivités locales
ont fait l'objet depuis juin 2002 d'adaptations substantielles dans le sens
d'une plus grande souplesse des modalités d'attribution.
Concernant les pièces exigées pour
présenter une demande de subvention, plusieurs évolutions significatives sont
ainsi intervenues. Ainsi, le décret du 18 avril 2003 a modifié le
décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour des
projets d'investissement. Il prévoit en particulier que, lorsque le projet
s'inscrit dans un programme cofinancé par la Commission européenne, le
commencement d'exécution de l'opération peut intervenir avant le dépôt du
dossier de demande de subvention. Si des autorisations préalables doivent
ensuite être produites à l'appui de la demande de subvention, il s'agit de
pièces qui ont été nécessaires pour commencer le projet lui-même, et dont la
production dans le cadre de la demande de subvention n'entraîne pas de coût
supplémentaire pour la collectivité.
S'agissant de la dotation globale
d'équipement, les règles d'attribution des subventions aux communes et à leurs
groupements, qui résultaient d'un décret de 1985, ont été revues en profondeur
par le décret du 23 décembre 2002 relatif à la DGE. Ce décret prévoit
en particulier que, désormais, les bénéficiaires de subventions d'investissement
de l'Etat peuvent commencer les travaux par anticipation, avant même de recevoir
notification de l'attribution d'une subvention, dès le moment où le dossier de
demande de subvention est réputé complet. Il faut rappeler que, avant ce décret,
les bénéficiaires potentiels de la DGE ne pouvaient pas engager les travaux
avant notification de la subvention, sauf à renoncer d'office à la
subvention.
Il est apparu
nécessaire de conserver l'exigence du caractère complet du dossier, qui est
demandée pour toutes les subventions d'investissement de l'Etat, afin de
s'assurer de la viabilité des projets concernant des collectivités de petite
taille. La liste des pièces à produire à l'appui de la demande de subvention a
été déterminée par arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités locales,
du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'outre-mer, en date du
23 décembre 2002.
Afin
de n'alourdir ni les procédures ni le coût des études préalables à une
opération, la circulaire du 13 octobre 2003 relative aux modalités de
gestion de la DGE des communes prévoit que la transmission d'un avant-projet,
qui n'intervient que pour les dossiers importants portant sur des travaux
d'infrastructure ainsi que sur l'aménagement ou la réalisation de bâtiments,
peut être l'avant-projet sommaire et non l'avant-projet définitif. En outre,
afin de ne pas allonger la procédure, le décret précité du
23 décembre 2002 prévoit que, passé un délai de trois mois à compter
de la date de dépôt du dossier, celui-ci est réputé complet, déclenchant la
possibilité pour la collectivité de commencer les travaux.
S'agissant de la dotation de
développement rural - DDR -, qui est plus particulièrement destinée aux
groupements de communes rurales, les règles d'attributions des subventions
telles que définies dans la circulaire du 15 juin 1994 apparaissent
très souples. Elles doivent s'inspirer de celles posées par les textes relatifs
aux autres subventions d'investissement. A cet égard, le dossier de demande de
subvention peut ne comporter qu'un avant-projet sommaire et non un avant-projet
définitif. La production d'un avant-projet définitif est laissée à
l'appréciation des services de l'Etat et ne s'impose que lorsque ceux-ci
souhaitent procéder à une instruction approfondie du dossier.
Enfin, s'agissant des aides
européennes, le Gouvernement a demandé aux services de l'Etat de veiller à
n'engager que des projets dont la réalisation pouvait être effective dans les
deux ans, sous peine de risquer le dégagement d'office, c'est-à-dire
l'annulation des crédits.
Ainsi,
les circulaires de simplification de gestion des fonds européens du
19 août 2002 et du 27 novembre 2002 allègent les contraintes
pour les demandes de subventions inférieures à 100 000 euros :
Simplification des dossiers et
réduction des pièces annexes ;
Souplesse par rapport à l'état
d'exécution des opérations ;
Acceptation des lettres
d'intentions des collectivités ;
Suppression des demandes
d'attestation bancaire, des conventions et des visas ;
Allégement des charges de
contrôles.
Ces mesures ont déjà
produit leurs effets, puisque, à la fin de l'année 2003, aucune des régions
françaises n'a eu à subir d'annulation de crédits européens.
L'ensemble des évolutions
intervenues depuis 2002 en matière de modalités d'attribution des subventions
d'investissement de l'Etat et de l'Europe a donc permis de trouver un meilleur
équilibre entre le souci de souplesse des acteurs locaux et la nécessité
d'utiliser au mieux les deniers publics. Les ajustements qui pourraient encore
être apportés devront être étudiés à la lumière de l'examen des conséquences
concrètes des modifications intervenues.
Tels sont, monsieur le député, les
éléments d'information que Jean-Paul Delevoye m'a chargé de vous transmettre.
Mme la
présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.
M.
Henri Nayrou. Je prends note de vos explications qui seront à juger à
l'aune de leur efficacité.
Les
élus de Midi-Pyrénées constatent, à leurs dépens, que le Gouvernement est
nettement moins pointilleux quand il prend, dans la caisse des crédits européens
destinés aux zones défavorisées, 112 millions d'euros pour financer la
politique de l'Etat au profit d'autres zones.
Vous annoncez 83 millions
d'euros au lieu des 172 millions prévus à l'origine pour financer les zones
défavorisées jusqu'en 2007 : le compte n'y est pas.
Cet argent, monsieur le ministre de
l'agriculture, aurait été le bienvenu pour financer votre propre projet de loi
- dont nous allons reprendre l'examen cet après-midi - qui aurait eu bien
besoin de cette somme pour disposer des moyens qu'il n'a pas et qu'il n'aura
pas, ce que nous regrettons.