Texte de la QUESTION :
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M. Bernard Deflesselles attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les possibilités de retenir la responsabilité des gérants de débits de boissons dans les accidents de la circulation. En effet, la loi en vigueur fait interdiction aux cafetiers de « donner à boire de l'alcool à des personnes manifestement ivres ». Et de récentes condamnations judiciaires ont été prononcées à l'encontre de débitants de boissons à la suite d'accidents de la route. Les dispositions législatives comportent une trop large part de subjectivité et l'appréciation laissée aux cafetiers peut s'avérer, dans certaines situations, très délicate. Ainsi la notion d'état d'ivresse est très différente de celle d'imprégnation alcoolique ; une personne avec un fort taux d'alcoolémie peut très bien ne présenter aucun signe d'ivresse et inversement. Dès lors, il est particulièrement difficile pour les gérants de débits de boissons, qui manquent d'éléments objectifs d'appréciation, de connaître avec justesse le taux d'alcoolémie d'un consommateur. De plus, ces commerçants ne sauraient être investis de nouvelles missions et se substituer ainsi aux services de contrôle. C'est pourquoi il lui demande de lui faire part des mesures qu'il compte prendre afin d'améliorer la lutte contre la délinquance routière tout en préservant les conditions d'une exploitation satisfaisante pour les débits de boissons. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de' faire connaître à l'honorable parlementaire que l'article R. 3353-2 du code de la santé publique réprime d'une contravention de la quatrième classe le fait pour les débitants de boissons de donner à boire à des gens manifestement ivres ou de les recevoir dans leurs établissements. Cette incrimination, imputable uniquement aux débitants de boissons, se base explicitement sur l'appréciation que peuvent se faire ceux-ci de l'état d'imprégnation alcoolique de leur client au regard des signes extérieurs de l'ivresse. Le fondement juridique sur lequel la responsabilité pénale d'un débitant de boissons peut être recherchée, en qualité de complice, à la suite de la commission, par son client circulant en état d'ébriété, d'un homicide involontaire ou de blessures involontaires causées à des tiers est différent : il se base principalement sur les articles L. 234-1 du code de la route, et 121-7 du code pénal. L'article L. 234-1-I du code de la route dispose que, même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre, ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende. L'article L. 234-1-II ajoute que le fait de conduire un véhicule en état d'ivresse manifeste est puni des mêmes peines. Enfin, l'article 121-7 du code pénal définit le complice comme la personne, qui, sciemment, par aide ou assistance, a facilité la préparation d'un crime ou d'un délit. Ainsi, il ressort des articles précités qu'un débitant de boissons pourra être déclaré coupable, en qualité de complice, des délits d'homicides volontaires et/ou de blessures involontaires dans les hypothèses où, indépendamment de la connaissance qu'il avait du mode de transport de son client, soit il a servi sciemment une personne présentant déjà tous les signes extérieurs de l'ivresse, soit il a vendu à un client une quantité d'alcool telle qu'il ne pouvait ignorer que celui-ci se trouvait au-delà du taux de 0,80 gramme par litre de sang ou de 0,40 gramme par litre d'air expiré. Cette appréciation ne peut que relever des juges du fond et, les textes susvisés étant d'application générale et non catégorielle, il n'est pas envisagé de procéder à une modification du droit applicable.
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