AVENIR DES CENTRES D'INFORMATION
ET D'ORIENTATION
M. le président. La
parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n° 58,
relative à l'avenir des centres d'information et d'orientation.
M. François
Rochebloine. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche, dans sa déclaration de politique générale,
M. le Premier ministre a largement abordé les thèmes de la décentralisation
et de la nouvelle gouvernance, qu'il a voulu placer au coeur de l'action
réformatrice de l'actuel quinquennat. Globalement, cette orientation reçoit
l'assentiment des Français.
Cependant, au-delà de l'énoncé des
grands principes, c'est souvent au niveau du détail des réformes qu'apparaissent
les premières difficultés. Celles-ci ont été particulièrement visibles dans le
domaine de l'éducation, avec l'apparition des premières crispations ou tensions
suscitées par certaines annonces - plus ou moins déformées, je vous
l'accorde.
Il n'en demeure pas
moins, monsieur le ministre, que les inquiétudes sont réelles chez certaines
catégories de personnels, préoccupées notamment par les perspectives d'évolution
de leur métier du fait de probables réorganisations.
J'en veux pour preuve les questions
qui se posent quant à l'avenir des centres d'information et d'orientation.
Comptant actuellement 4 500 agents répartis au sein de 600 centres
relevant de l'Etat, les CIO assurent, chacun le reconnaît, une mission
d'information et d'orientation de premier ordre. Pourtant, force est de
constater qu'il n'y a jamais eu en France de vrai débat sur les problèmes de
l'orientation. Or nous savons tous l'inadéquation permanente qui persiste entre
le marché de l'emploi et l'offre de formation en direction des jeunes. Il est
également plus que temps de s'interroger collectivement sur l'organisation et le
niveau de moyens consacrés à ce service public indispensable. Sur le terrain,
les budgets de fonctionnement de ces structures sont annoncés à la baisse et
aucune dépense d'équipement informatique ne serait, dit-on, engagée dans les
prochains mois, à en croire des informations en provenance de certaines
inspections d'académie.
Dans ces
conditions, que vont devenir les CIO ? Devront-ils fusionner avec d'autres
services, comme les missions locales, spécialisées dans l'insertion des jeunes,
ce qui reviendrait à privilégier une logique de guichet unique ? A l'inverse,
les CIO vont-ils garder leur autonomie, leur organisation actuelle et leurs
personnels ?
Les transferts de
compétences qui pourraient résulter de la nouvelle phase de décentralisation
devront nous éclairer rapidement. Espérons toutefois que cette affaire sera
débattue comme il convient et qu'elle donnera lieu à une véritable concertation
à laquelle les personnels devront bien sûr être associés.
Le cadre régional pourrait être
privilégié, nous dit-on. Soit. Mais si cela est confirmé, comment sera géré
demain le déroulement des carrières des agents de l'Etat ? Comment la mobilité
des personnels sera-t-elle appréhendée ? Le statut actuel de fonctionnaire
d'Etat sera-t-il remis en cause ? Y aura-t-il en 2003 un recrutement de
directeurs de CIO ? Que deviendront les directeurs de CIO qui, pour des besoins
du service, ont accepté des postes éloignés de leur domicile et qui pouvaient
chaque année demander une mutation dans un souhait de rapprochement légitime
?
Tout cela pose une deuxième
série de questions sur l'avenir des personnels, directeurs de CIO, conseillers
d'orientation, psychologues, etc., qui appellent des réponses précises dont
dépendra d'ailleurs pour partie la réussite de la réforme engagée.
Monsieur le ministre, le
Gouvernement a décidé d'ouvrir le vaste chantier de la décentralisation et je
m'en réjouis. Mais qu'il me soit permis d'appeler avec insistance votre
attention sur l'impact des réformes projetées.
S'il ne doit pas s'agir de
déconcentrer ou de décentraliser à tout prix, la réforme doit s'adresser d'abord
et avant tout à ces jeunes Françaises et ces jeunes Français présents dans le
système éducatif et qui devront, coûte que coûte, s'insérer sur le marché du
travail. Notre responsabilité est grande. Il faut souhaiter que, sur un tel
sujet, tous les groupes présents dans cet hémicycle puissent travailler ensemble
à la recherche de solutions consensuelles.
M. le président. La
parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la
recherche.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale
et de la recherche. Monsieur le député, je vous remercie de votre question.
Elle touche à un sujet extrêmement important qui nous préoccupe au premier chef,
d'autant que les élèves et les familles ont fréquemment le sentiment de ne pas
être suffisamment informés sur la réalité de notre système scolaire et sur les
possibilités qu'il leur offre. Très souvent, les jeunes me font état d'un manque
d'informations concrètes. Ils disent souhaiter pouvoir rencontrer des
professionnels, des gens de terrain, connaissant les métiers et capables de leur
apporter de vraies réponses aux questions qu'ils se posent sur leur
orientation.
Cette tâche
d'information et d'orientation fait, vous le savez, partie des missions de
l'éducation nationale, selon les termes mêmes de la loi d'orientation
de 1989. Il revient aux équipes enseignantes, et notamment aux professeurs
principaux, de répondre aux questions des familles et des élèves en la matière.
Mais ces derniers doivent également pouvoir se tourner, c'est parfaitement
légitime, vers les 4 500 directeurs de CIO et conseillers d'orientation
psychologues, auprès desquels ils peuvent trouver des informations plus fines,
plus précises afin d'être convenablement orientés.
En ce qui concerne la
décentralisation, vous me posez une question difficile, à laquelle il serait un
peu prématuré de prétendre totalement répondre aujourd'hui ; quoi qu'il en soit,
je vais m'y efforcer.
La
quasi-totalité des présidents de région que j'ai rencontrés dans le cadre des
réunions organisées sur la décentralisation font état de deux demandes. S'ils
aspirent à participer davantage à l'élaboration de la carte des formations
professionnelles, et plus généralement à la conception de la formation
professionnelle, ils trouveraient normal d'être davantage associés à
l'information et à l'orientation, d'autant que, au fond, ils détiennent une part
substantielle de cette information qui intéresse tout autant les élèves que les
familles.
Cette demande me
paraît, sur le principe, légitime, et le meilleur moyen d'y répondre reste
l'expérimentation, sur la base de propositions formulées au niveau des
collectivités territoriales et en accord avec les services relevant de plein
droit du service public, notamment les services rectoraux. L'expérimentation
serait à mes yeux le meilleur moyen d'associer les collectivités territoriales à
un copilotage de cette mission d'information et d'orientation, qui ne saurait
raisonnablement être séparée de l'élaboration des cartes des formations
professionnelles et des plans régionaux de formation. Ce copilotage, qui doit
évidemment rester dans le cadre du service public, est non seulement à mon sens
légitime, mais réclamé avec insistance par les régions.
M. le
président. La parole est à M. François Rochebloine.
M.
François Rochebloine. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes
ces informations. Je comprends qu'il vous était difficile, en l'état, de
m'apporter des réponses plus précises. Cela dit, les expérimentations dont vous
parlez ne pourront guère concerner plus de deux, voire trois ou quatre régions,
avant d'envisager une mise en application générale de la régionalisation des
CIO. Je souhaite en tout cas, comme je l'ai indiqué dans une question, que cette
opération soit menée en pleine concertation avec les personnels concernés,
c'est-à-dire ces 4 500 directeurs de CIO et conseillers d'orientation.
C'est avec eux qu'il faut travailler ; la réussite en dépend.