COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU
M. le président. La
parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe UMP.
M. Pierre Lellouche.
Cette question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. J'ai l'honneur de la poser aussi au nom de l'association Reporters sans frontières, qui vient de célébrer, le 3 mai dernier, tristement d'ailleurs, la Journée internationale de la liberté de la presse. Tristement car, cette année, nous avons battu tous les records : 130 journalistes sont en prison à travers le monde pour avoir essayé d'exercer leur métier.
M. Maxime Gremetz. Il faut le dire à vos alliés américains !
M. Jacques Desallangre. La guerre en Irak a bien amélioré ce score !
M. Pierre Lellouche. Je rappelle que le droit d'informer et d'être informé figure parmi les droits fondamentaux de la personne humaine et qu'à ce titre il est reconnu par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce droit, comme les autres droits de l'homme, d'ailleurs, est ouvertement et quotidiennement tourné en dérision, aujourd'hui, à la commission des droits de l'homme de l'ONU...
M. Claude Goasguen. Présidée par la Libye !
M. Pierre Lellouche. ... qui est pourtant chargée de les faire respecter. Cette commission est devenue, ces dernières années, aux dires mêmes des organisations humanitaires, le lieu de braderies, de marchandages permanents entre les pays les plus répressifs, qui sont, je les cite, « davantage occupés à se protéger les uns les autres » qu'à faire respecter les droits de l'homme. A tel point d'ailleurs que, plus on est répressif, plus on a envie d'être membre de la commission des droits de l'homme. On a vu la Corée du Nord, par exemple, être candidate, cette année, à la commission.
Le comble de la mascarade a été atteint, vous le savez, le 20 janvier dernier, lorsque la République libyenne, en la personne de Mme Najat al-Hajjaj, a été désignée comme présidente de la commission des droits de l'homme de l'ONU. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Un député du groupe Union pour la démocratie française. Scandaleux !
M. Pierre Lellouche. La Libye, chacun le sait, pratique quotidiennement la torture, les disparitions, les arrestations arbitraires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Des journalistes libyens ont disparu depuis trente ans, et la voici emblème des Nations unies !
M. François Loncle. Grâce à la France !
M. Pierre Lellouche. Comment s'étonner, alors, que la cinquante-neuvième session de la commission, qui vient de s'achever, ait vu un véritable déferlement, une avalanche de scandales de ce genre ? Ainsi, la résolution présentée par l'Union européenne sur la Tchétchénie...
Monsieur le président.
M. Lellouche, votre temps est écoulé.
M. Pierre Lellouche. Il est écoulé ?
Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
M. le président. Oui. Vous n'êtes pas là pour un discours. Posez votre question, et posez-la en votre nom et nom pas au nom d'une association, car vous êtes le député de la nation et non pas le député d'intérêts particuliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Pierre Lellouche. J'ai dit aussi, monsieur le président...
M. le président. Posez votre question, et ne m'obligez pas à m'énerver !
M. Pierre Lellouche. Je ne saurais vous énerver. Avant de poser la question, je voulais simplement dire...
M. le président. Posez votre question au ministre, qui attend !
M. Pierre Lellouche. Le ministre sait ce qui s'est passé à la commission sur la Russie, sur Cuba...
M. le président. Quelle est votre question, monsieur Lellouche ?
M. Pierre Lellouche.
Je demande à M. le ministre de préciser quelle est l'intention de la France s'agissant de cette commission, de nous dire ce que la France a fait au mois de janvier quant à l'élection de la Libye, et de bien vouloir nous expliquer ce que la France compte faire à l'égard de cette commission.
Nous avons souligné, à juste titre, d'ailleurs...
M. le président. Merci, monsieur Lellouche. C'est la question que vous posez en tant que député.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
M. le président. On n'est pas ici le porte-parole d'associations ou d'intérêts particuliers. Vous êtes député de la nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires
étrangères. Monsieur le député, vous posez la question difficile des droits de l'homme et de leur respect dans la société internationale, notamment à travers l'action de la commission des droits de l'homme. Vous évoquez un certain nombre de situations internationales, vous évoquez la situation de la Libye, qui a aujourd'hui la présidence de cette commission. Vous savez dans quel contexte cette élection a eu lieu, à la demande du groupe africain, selon des procédures qui sont celles de cette commission, et j'ai eu l'occasion d'expliquer devant votre assemblée comment les choses se sont passées et comment la France a pris ses responsabilités, en ayant le souci de la vigilance et de l'exigence vis-à-vis de cette commission.
Les droits de l'homme, nous le savons, sont bafoués tous les jours sur la scène internationale.
M. Jacques Desallangre. Eh oui !
M. le ministre des affaires étrangères. Vous avez mentionné en particulier le cas de Cuba, et cela en valait la peine, car l'association que vous avez mentionnée a connu un compte douloureux au cours des dernières semaines. Des journalistes, des écrivains, des intellectuels ont été poursuivis, arrêtés, condamnés à des peines exceptionnellement lourdes. La répression dans ce pays a été générale, jusqu'à plusieurs condamnations à mort.
La France - et je prendrai le cas particulier de Cuba - a condamné cette situation. Elle l'a fait au nom de nos valeurs, au nom de l'amitié que nous avons pour le peuple cubain. Nous en avons immédiatement tiré les conséquences, au plan bilatéral, en réduisant nos contacts avec ce pays, au plan européen, en décidant de suspendre les négociations de coopération entre Cuba et l'Union européenne. Au niveau de la commission des droits de l'homme, j'avais souligné devant vous l'engagement de la France : vigilance et exigence. Or, le bilan de la dernière session nous le montre, vous l'avez rappelé, le fonctionnement de la commission n'est plus adapté et doit être revu. Nous voulons, en concertation avec tous nos partenaires, élaborer des solutions concrètes pour en améliorer l'efficacité. Il faut être audacieux. Il faut envisager, par exemple, la mise en place d'un corps permanent d'inspecteurs internationaux, qui permettra de dire le droit, de dire l'information dans la situation de chacun des pays concernés.
Promouvoir partout les droits de l'homme est au coeur des ambitions de la France. Nous voulons renouveler le débat sur le système multilatéral le plus efficace dans ce domaine. Car les instruments dont dispose la communauté internationale ne répondent pas aujourd'hui à toutes nos exigences. Entre le recours à la force, ou à la coercition, et le simple constat d'impuissance, il y a voie pour une démarche exigeante, fondée sur la responsabilité et sur la volonté collective. C'est le choix de la France, monsieur Lellouche. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi M. Lellouche quitte-t-il l'hémicycle ?