FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 595  de  M.   Le Guen Jacques ( Union pour un Mouvement Populaire - Finistère ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture, alimentation et pêche
Ministère attributaire :  agriculture, alimentation et pêche
Question publiée au JO le :  27/01/2004  page :  556
Réponse publiée au JO le :  28/01/2004  page :  920
Rubrique :  agriculture
Tête d'analyse :  organisations de producteurs
Analyse :  constitution. réglementation. conséquences
Texte de la QUESTION : M. Jacques Le Guen souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les effets de la désorganisation des marchés agricoles, liée aux conditions de constitution des organisations de producteurs (OP). En 1996 a été menée une réforme importante de l'organisation commune de marchés, avec pour objectifs principaux de réduire les retraits et encourager les producteurs à se regrouper en OP. Si l'intention était louable, car destinée à renforcer l'organisation économique des producteurs, des difficultés d'application sont vite apparues. Le règlement européen CE 2200/96 n'a pas suffisamment précisé les critères de reconnaissance des OP. Ceci a abouti dans tous les pays européens, à la création d'OP hétérogènes avec une forte proportion d'OP dont le seul objectif est de bénéficier des programmes opérationnels. La mise en place de cette nouvelle réglementation s'est par ailleurs faite dans la précipitation et la confusion. Compte tenu de la multiplicité des textes de référence et des questions de l'administration, les OP ont donc monté leur programme opérationnel avec l'appui de leur direction départementale de l'agriculture. Les corps de contrôle qui interviennent dans les OP remettent aujourd'hui en cause des actions qui ont initialement été agréées. En ce qui concerne les actions engagées dans le cadre d'un programme opérationnel, et c'est là un enjeu essentiel, l'administration fiscale entend supprimer le droit à déduction de la TVA pour ces actions, au motif qu'elles sont financées par des aides non taxables et qu'elles ne concourent pas au chiffre d'affaires de l'OP. Des discussions sont actuellement en cours pour décider des seuils à fixer pour la reconnaissance des OP. L'abaissement de ceux-ci serait envisagé. La Bretagne, qui est particulièrement bien organisée, pourrait être pénalisée par une décision en ce sens. Aux difficultés conjoncturelles de certaines filières, comme celle de l'endive, viendraient ainsi s'ajouter des effets de dérégulation, liés à la multiplication des OP. Il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions sur l'état d'avancement des réflexions en cours et lui indiquer les décisions qu'il envisage de prendre dans ce domaine.
Texte de la REPONSE :

CONDITIONS DE CONSTITUTION
DES ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS

    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Le Guen, pour exposer sa question n° 595, relative aux conditions de constitution des organisations de producteurs.
    M. Jacques Le Guen. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, je souhaite attirer votre attention sur les effets de la dérégulation des marchés agricoles, liée notamment aux conditions de constitution des organisations de producteurs : les OP.
    En 1996, une réforme de l'Organisation commune des marchés - OCM - a été menée dans le secteur des fruits et légumes. Les principales modifications ont porté, d'une part, sur les OP, avec la définition des critères de reconnaissance de ces organisations et des conditions de mise en oeuvre des fonds opérationnels et, d'autre part, sur le régime des prix et interventions, à travers la baisse de l'indemnité communautaire de retrait et le plafonnement des quantités retirées du marché.
    Cette réforme, qui allait dans le sens d'un rééquilibrage de la production, a certes eu des effets positifs, mais sa mise en oeuvre s'est heurtée à des difficultés d'application. En effet, les règlements communautaires n'ont pas suffisamment précisé les critères de reconnaissance des OP. Ont ainsi été créées, en vue de bénéficier de programmes opérationnels, des OP que l'on peut qualifier de « virtuelles », parmi lesquelles on peut distinguer : celles qui contrôlent simplement les flux d'informations et les flux financiers - n'ayant en commun ni moyens matériels, ni personnels, elles se servent des programmes opérationnels pour financer des investissements individuels - ; celles qui rassemblent des producteurs apporteurs chez un négociant ou un transformateur - le programme opérationnel est alors généralement mis en oeuvre par l'opérateur de l'aval, en priorité à son bénéfice, accessoirement à celui des producteurs. Dans les deux cas, en l'absence d'orientation collective forte, l'impact de l'OCM sur l'organisation du marché est négligeable. A contrario, les structures collectives fortes se servent de leur programme opérationnel pour développer leur stratégie d'entreprise en matière de production et de commercialisation.
    Il convient cependant de ne pas assimiler aux organisations « virtuelles » les OP qui ont regroupé leurs moyens en vue de renforcer l'organisation économique de leur région. Du reste, celles-ci étaient généralement déjà reconnues « groupements de producteurs » avant la réforme de 1996.
    En tout état de cause, nous avons assisté à une multiplication des OP et la concurrence entre ces organisations s'est vivement accrue. Il en est découlé un manque de coordination à l'échelle d'un bassin ou d'un pays, une plus grande difficulté à fédérer la production sur des actions communes et un risque accru d'atomisation de l'offre. La production de l'endive en est un parfait exemple. Celle-ci subit actuellement les effets de la désorganisation du marché, liée à la multiplication des OP dans le nord de la France. Les producteurs finistériens, regroupés dans le secteur de Lesneven, et particulièrement bien organisés, en souffrent beaucoup.
    En outre, compte tenu de la multiplicité des textes de référence en la matière, la mise en oeuvre des programmes opérationnels constitue une véritable gageure. Des divergences d'interprétation existent entre les différents corps de contrôle, tant nationaux que communautaires. Des contrôles peuvent ainsi aboutir à la remise en cause de certaines actions qui ont initialement été agréées par les directions départementales de l'agriculture et la commission nationale des fonds opérationnels.
    Par ailleurs, des problèmes fiscaux liés à l'application de la TVA aux fonds opérationnels, aux contributions et aux actions sont apparus. L'administration fiscale admet en effet que les aides versées par l'Union européenne aux OP ne soient pas assujetties à la TVA, en l'absence de lien direct entre le bénéficiaire et l'organisme payeur. Il en est de même pour les contributions financières. En ce qui concerne les actions engagées dans le cadre d'un programme opérationnel, l'administration fiscale entend supprimer le droit à déduction de la TVA pour ces actions, au motif qu'elles sont financées par des aides non taxables et qu'elles ne concourent pas au chiffre d'affaires de l'OP.
    Monsieur le ministre, des mesures doivent être prises pour revenir à l'esprit d'origine de la réforme de 1996 et sécuriser les organisations de producteurs. Or, l'abaissement des seuils fixés pour leur reconnaissance qui serait actuellement envisagé irait à l'encontre de ces objectifs. Il faudrait au contraire accroître la dimension économique des OP et favoriser celles qui ont une activité économique effective. Pourriez-vous me préciser vos intentions dans ce domaine ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, ainsi que vous l'avez rappelé, les organisations de producteurs sont au centre des mécanismes de l'organisation commune de marché « fruits et légumes ». En effet, la reconnaissance de la qualité d'organisation de producteurs conditionne l'accès aux aides communautaires par le biais des programmes opérationnels.
    Comme je l'avais dit, il y a un an presque jour pour jour, dans votre circonscription, à Saint-Pol-de-Léon, au cours de l'année 2003, les règlements communautaires relatifs, d'une part, aux programmes et aux fonds opérationnels, d'autre part, à la reconnaissance des organisations de producteurs, ont été aménagés. Ces adaptations étaient nécessaires pour simplifier, mais surtout pour sécuriser la mise en oeuvre de l'organisation commune de marché - qui, vous l'avez rappelé, a été réformée il y a quelques années -, car l'incertitude et l'insécurité juridiques qui prévalaient nuisaient à la stabilité et à la sérénité des producteurs.
    Cette révision, qui a eu lieu l'année dernière, a permis d'améliorer le champ d'action des programmes opérationnels : de nouvelles actions réclamées par la profession deviennent éligibles, à l'image de la promotion des marques propres des organisations de producteurs, ou sont simplifiées, comme c'est le cas des investissements dans les exploitations. Par ailleurs, la prise en compte de l'activité des filiales pour calculer le montant du fonds opérationnel est officialisée, et les conditions d'alimentation du fonds opérationnel sont assouplies.
    Les organisations françaises de producteurs pourront bénéficier pleinement de ces nouvelles mesures, dans un cadre national que nous sommes en train d'élaborer en concertation avec les corps de contrôle, de manière à apporter un maximum de garanties aux structures économiques. En fixant ainsi les règles du jeu de façon claire et concertée entre tous les acteurs - professionnels, administrations, contrôleurs -, notre objectif est de sécuriser la mise en oeuvre de cette organisation commune de marché, dont vous avez rappelé le difficile démarrage.
    Par ailleurs, comme vous me l'avez demandé, je m'attache à clarifier, avec le ministre chargé du budget, le régime de TVA applicable aux actions engagées dans le cadre d'un programme opérationnel, afin de sortir de l'ambiguïté et de l'insécurité.
    Concernant la reconnaissance des organisations de producteurs, le nouveau règlement permet de sécuriser sur le plan juridique l'action des Etats membres, en précisant et en encadrant les marges de subsidiarité.
    C'est dans ce nouveau cadre que la France doit se déterminer sur les seuils à fixer pour la reconnaissance des organisations de producteurs. Une réflexion approfondie est actuellement menée par mes services sur cette question, en étroite concertation avec les représentants de la profession. Ces discussions s'articulent autour de deux objectifs prioritaires : d'une part, conforter l'organisation économique existante ; d'autre part, répondre à certaines situations particulières. De ce point de vue, je puis vous assurer, monsieur le député, que je veillerai à ce que la fixation des seuils ne pénalise en aucune façon les régions qui, comme la Bretagne, ont su s'organiser de manière efficace.
    Voilà, monsieur le député, les éléments de réponse que je voulais apporter à vos très légitimes interrogations.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Le Guen.
    M. Jacques Le Guen. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Je suis persuadé qu'elles permettront de rassurer un grand nombre de producteurs de fruits et légumes de notre secteur. Nous resterons vigilants, mais nous savons que nous pouvons compter sur vous.

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