CONDITIONS DE CONSTITUTION
DES ORGANISATIONS DE
PRODUCTEURS
Mme la présidente. La
parole est à M. Jacques Le Guen, pour exposer sa question n° 595,
relative aux conditions de constitution des organisations de producteurs.
M.
Jacques Le Guen. Monsieur le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, je souhaite attirer votre
attention sur les effets de la dérégulation des marchés agricoles, liée
notamment aux conditions de constitution des organisations de producteurs : les
OP.
En 1996, une réforme de
l'Organisation commune des marchés - OCM - a été menée dans le secteur des
fruits et légumes. Les principales modifications ont porté, d'une part, sur les
OP, avec la définition des critères de reconnaissance de ces organisations et
des conditions de mise en oeuvre des fonds opérationnels et, d'autre part, sur
le régime des prix et interventions, à travers la baisse de l'indemnité
communautaire de retrait et le plafonnement des quantités retirées du marché.
Cette réforme, qui allait dans le
sens d'un rééquilibrage de la production, a certes eu des effets positifs, mais
sa mise en oeuvre s'est heurtée à des difficultés d'application. En effet, les
règlements communautaires n'ont pas suffisamment précisé les critères de
reconnaissance des OP. Ont ainsi été créées, en vue de bénéficier de programmes
opérationnels, des OP que l'on peut qualifier de « virtuelles », parmi
lesquelles on peut distinguer : celles qui contrôlent simplement les flux
d'informations et les flux financiers - n'ayant en commun ni moyens matériels,
ni personnels, elles se servent des programmes opérationnels pour financer des
investissements individuels - ; celles qui rassemblent des producteurs
apporteurs chez un négociant ou un transformateur - le programme opérationnel
est alors généralement mis en oeuvre par l'opérateur de l'aval, en priorité à
son bénéfice, accessoirement à celui des producteurs. Dans les deux cas, en
l'absence d'orientation collective forte, l'impact de l'OCM sur l'organisation
du marché est négligeable. A contrario, les
structures collectives fortes se servent de leur programme opérationnel pour
développer leur stratégie d'entreprise en matière de production et de
commercialisation.
Il convient
cependant de ne pas assimiler aux organisations « virtuelles » les OP qui ont
regroupé leurs moyens en vue de renforcer l'organisation économique de leur
région. Du reste, celles-ci étaient généralement déjà reconnues « groupements de
producteurs » avant la réforme de 1996.
En tout état de cause, nous avons
assisté à une multiplication des OP et la concurrence entre ces organisations
s'est vivement accrue. Il en est découlé un manque de coordination à l'échelle
d'un bassin ou d'un pays, une plus grande difficulté à fédérer la production sur
des actions communes et un risque accru d'atomisation de l'offre. La production
de l'endive en est un parfait exemple. Celle-ci subit actuellement les effets de
la désorganisation du marché, liée à la multiplication des OP dans le nord de la
France. Les producteurs finistériens, regroupés dans le secteur de Lesneven, et
particulièrement bien organisés, en souffrent beaucoup.
En outre, compte tenu de la
multiplicité des textes de référence en la matière, la mise en oeuvre des
programmes opérationnels constitue une véritable gageure. Des divergences
d'interprétation existent entre les différents corps de contrôle, tant nationaux
que communautaires. Des contrôles peuvent ainsi aboutir à la remise en cause de
certaines actions qui ont initialement été agréées par les directions
départementales de l'agriculture et la commission nationale des fonds
opérationnels.
Par ailleurs, des
problèmes fiscaux liés à l'application de la TVA aux fonds opérationnels, aux
contributions et aux actions sont apparus. L'administration fiscale admet en
effet que les aides versées par l'Union européenne aux OP ne soient pas
assujetties à la TVA, en l'absence de lien direct entre le bénéficiaire et
l'organisme payeur. Il en est de même pour les contributions financières. En ce
qui concerne les actions engagées dans le cadre d'un programme opérationnel,
l'administration fiscale entend supprimer le droit à déduction de la TVA pour
ces actions, au motif qu'elles sont financées par des aides non taxables et
qu'elles ne concourent pas au chiffre d'affaires de l'OP.
Monsieur le ministre, des mesures
doivent être prises pour revenir à l'esprit d'origine de la réforme de 1996 et
sécuriser les organisations de producteurs. Or, l'abaissement des seuils fixés
pour leur reconnaissance qui serait actuellement envisagé irait à l'encontre de
ces objectifs. Il faudrait au contraire accroître la dimension économique des OP
et favoriser celles qui ont une activité économique effective. Pourriez-vous me
préciser vos intentions dans ce domaine ?
Mme la présidente. La
parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la
pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de
la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, ainsi que vous l'avez
rappelé, les organisations de producteurs sont au centre des mécanismes de
l'organisation commune de marché « fruits et légumes ». En effet, la
reconnaissance de la qualité d'organisation de producteurs conditionne l'accès
aux aides communautaires par le biais des programmes opérationnels.
Comme je l'avais dit, il y a un an
presque jour pour jour, dans votre circonscription, à Saint-Pol-de-Léon, au
cours de l'année 2003, les règlements communautaires relatifs, d'une part, aux
programmes et aux fonds opérationnels, d'autre part, à la reconnaissance des
organisations de producteurs, ont été aménagés. Ces adaptations étaient
nécessaires pour simplifier, mais surtout pour sécuriser la mise en oeuvre de
l'organisation commune de marché - qui, vous l'avez rappelé, a été réformée il y
a quelques années -, car l'incertitude et l'insécurité juridiques qui
prévalaient nuisaient à la stabilité et à la sérénité des producteurs.
Cette révision, qui a eu lieu
l'année dernière, a permis d'améliorer le champ d'action des programmes
opérationnels : de nouvelles actions réclamées par la profession deviennent
éligibles, à l'image de la promotion des marques propres des organisations de
producteurs, ou sont simplifiées, comme c'est le cas des investissements dans
les exploitations. Par ailleurs, la prise en compte de l'activité des filiales
pour calculer le montant du fonds opérationnel est officialisée, et les
conditions d'alimentation du fonds opérationnel sont assouplies.
Les organisations françaises de
producteurs pourront bénéficier pleinement de ces nouvelles mesures, dans un
cadre national que nous sommes en train d'élaborer en concertation avec les
corps de contrôle, de manière à apporter un maximum de garanties aux structures
économiques. En fixant ainsi les règles du jeu de façon claire et concertée
entre tous les acteurs - professionnels, administrations, contrôleurs -, notre
objectif est de sécuriser la mise en oeuvre de cette organisation commune de
marché, dont vous avez rappelé le difficile démarrage.
Par ailleurs, comme vous me l'avez
demandé, je m'attache à clarifier, avec le ministre chargé du budget, le régime
de TVA applicable aux actions engagées dans le cadre d'un programme
opérationnel, afin de sortir de l'ambiguïté et de l'insécurité.
Concernant la reconnaissance des
organisations de producteurs, le nouveau règlement permet de sécuriser sur le
plan juridique l'action des Etats membres, en précisant et en encadrant les
marges de subsidiarité.
C'est
dans ce nouveau cadre que la France doit se déterminer sur les seuils à fixer
pour la reconnaissance des organisations de producteurs. Une réflexion
approfondie est actuellement menée par mes services sur cette question, en
étroite concertation avec les représentants de la profession. Ces discussions
s'articulent autour de deux objectifs prioritaires : d'une part, conforter
l'organisation économique existante ; d'autre part, répondre à certaines
situations particulières. De ce point de vue, je puis vous assurer, monsieur le
député, que je veillerai à ce que la fixation des seuils ne pénalise en aucune
façon les régions qui, comme la Bretagne, ont su s'organiser de manière
efficace.
Voilà, monsieur le
député, les éléments de réponse que je voulais apporter à vos très légitimes
interrogations.
Mme la présidente. La
parole est à M. Jacques Le Guen.
M. Jacques Le Guen. Je
vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Je suis persuadé qu'elles
permettront de rassurer un grand nombre de producteurs de fruits et légumes de
notre secteur. Nous resterons vigilants, mais nous savons que nous pouvons
compter sur vous.