Texte de la QUESTION :
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M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de préciser la notion de « faute caractérisée », créée par la loi du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels. Lorsque les juges ont à traiter des délits non intentionnels, ils cherchent à savoir si une faute caractérisée a été commise, auquel cas la personne qui a commis cette faute caractérisée peut être condamnée, comme cela s'est vu pour le cas d'élus locaux. La jurisprudence dans ce domaine est fluctuante et on aboutit des solutions différentes dans des dossiers qui peuvent apparaître comme très similaires. Il lui demande ce qu'il compte faire dans ce domaine.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait savoir à l'honorable parlementaire que la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 relative à la définition des délits non intentionnels, et applicable à tous les justiciables, distingue selon que la faute à l'origine du dommage présente un caractère de causalité directe ou indirecte avec la réalisation de celui-ci. Dès lors que la causalité est indirecte, c'est-à-dire que l'auteur des faits reprochés a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, une faute simple, d'imprudence ou de négligence ne suffit plus à engager sa responsabilité pénale. Il est, en effet, nécessaire de pouvoir lui reprocher une faute qualifiée. Il existe deux types de fautes qualifiées. L'une consiste dans la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, l'autre dans une faute caractérisée exposant autrui à un risque que l'auteur de la faute ne pouvait ignorer. La jurisprudence est venue préciser les contours de la faute caractérisée. Celle-ci peut être non seulement une faute de commission, mais aussi une faute d'abstention ou d'omission, selon les termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 2002. Dans tous les cas, elle doit présenter un certain degré de gravité. Le 27 juillet 2005, dans l'affaire relative à l'incendie du tunnel du mont Blanc, le tribunal correctionnel de Bonneville a estimé que « la faute devient caractérisée au sens de l'article 121-3 du code pénal lorsque les circonstances de sa commission s'inscrivent dans un contexte soit d'accumulation de fautes d'imprudence ou de négligence, soit d'indifférence ou de manque de rigueur grave face aux questions de sécurité caractérisant une impéritie prolongée ». La faute caractérisée doit par ailleurs, de par sa nature, exposer autrui à un risque particulièrement grave. Il convient enfin d'établir que la personne ne pouvait ignorer le risque auquel elle exposait autrui. En outre, les solutions jurisprudentielles sont nécessairement spécifiques à chaque cas d'espèce. Non seulement les juges du fond ont le pouvoir d'apprécier souverainement les éléments de fait qui leur sont soumis, mais, depuis la loi n° 96-393 du 13 mai 1996, les juges du fond doivent, de plus, les apprécier in concreto, c'est-à-dire en tenant compte de la nature des missions de l'intéressé, de ses fonctions, de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait.
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