Texte de la REPONSE :
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ÉVOLUTION DE LA CARTE SCOLAIRE DANS LES HAUTES-ALPES M. le
président. La parole est à M. Joël Giraud, pour
exposer sa question, n° 604. M. Joël Giraud. Monsieur le président, monsieur le
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, mes chers
collègues, le département des Hautes-Alpes a une caractéristique reconnue par la
DATAR : celle du département le plus enclavé de France. Mais cet
enclavement ne se décline pas seulement en ce qui concerne les liaisons externes
à ce département : la géographie particulière des Hautes-Alpes, dont les
enfants sont scolarisés dans des villages situés entre 600 et 2040 mètres
d'altitude, constitue un ensemble d'isolats où la notion de moyenne n'a pas
grande signification, tant l'écart-type est important. Les risques majeurs sont également le lot quotidien des
habitants, et les déplacements, notamment par car scolaire, ne sont pas
facilités par des axes routiers où détecteurs d'avalanches, détecteurs de laves
torrentielles et filets pare-blocs sont légion. Telle
est la vie de beaucoup de territoires ruraux de montagne où les regroupements
scolaires, vus de Paris et sur une carte trop plate, oublient qu'il y a,
derrière, un relief certes magnifique mais aussi hostile. Ces cartes et ces moyennes oublient aussi que ces
territoires sont aussi des territoires de labeur, dont 70 % des emplois
sont saisonniers, les deux tiers de ces salariés ô combien précaires venant
de l'extérieur et ayant des besoins d'accueil pour leurs enfants y compris dans
les écoles du département. C'est pourquoi la nouvelle
carte scolaire a jeté la stupeur dans le département des Hautes-Alpes. La
nécessité de créer deux fois plus de postes qu'il n'y a de dotations en
enseignants dans le premier degré a conduit M. l'inspecteur d'académie à
proposer la fermeture quasi systématique de classes dans les bourgs-centres dès
lors que leur effectif descend en dessous de vingt élèves par classe. Il ne peut
mathématiquement en être autrement, car l'isolement de certains secteurs conduit
à y maintenir la présence de l'école, quel que soit l'effectif, pour éviter une
heure à une heure trente de car, par des routes de montagne soumises à des aléas
météorologiques permanents, deux fois par jour. Ces
élèves devront déjà, pour aller au collège, se lever tous les jours à
quatre heures du matin. Leur éviter de le faire dès l'école maternelle me
semble plus que souhaitable. C'est pourquoi ce sont aujourd'hui les
bourgs-centres qui paient le prix d'une solidarité qu'on leur impose, au nom de
la non prise en compte par l'Etat de la spécificité de la montagne, pourtant
clairement établie par la loi montagne de 1985. Pourtant, le débat relatif au développement des territoires
ruraux qui s'est déroulé il y a quelques jours a permis, dès la première
lecture, et sur tous les bancs de notre assemblée, de rappeler l'obligation
d'accueil scolaire des enfants de saisonniers, que ce soit dans la commune où
ils logent ou dans celle où ils travaillent, et d'introduire une
discrimination positive en faveur des communes classées en zone de
revitalisation rurale, en baissant de 20 % les seuils de fermeture des
classes dans ces zones De plus, aux difficultés
scolaires s'ajoutent, dans les vallées victimes de la désindustrialisation, des
difficultés sociales qui ont justifié leur classement en zone d'éducation
prioritaire. Ces communes, au parc locatif social important, continuent à
accueillir des primo-arrivants sans moyens adaptés. Tel est le cas de la commune
dont je suis le maire : L'Argentière-la-Bessée, classée à la fois en ZRR et
en ZEP. Sa taille - 2 500 habitants - permettra difficilement l'accueil de
primo-arrivants, trois encore la semaine dernière, dès lors que le nombre
d'enseignants diminuera. Et ce d'autant que la structure
spécialisée dans l'aide pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des
enfants du voyage, le CASNAV, située en Avignon, a du mal à trouver le chemin
des Alpes et se refuse à monter dans une ZEP située trop loin de sa base
logistique. Enfin, l'inquiétude est très vive face à
l'annonce de la suppression de quinze postes d'enseignants du second degré dans
un département qui compte treize collèges, la plupart de petite dimension,
justement pour tenir compte d'une géographie où on ne peut tout de même pas
demander à tous les élèves de se lever à trois heures du matin pour être
scolarisés. A moins, monsieur le ministre, que vous ne
souhaitiez être l'inventeur du collège à classe unique ! Mes questions seront donc les suivantes. Allez-vous
entendre la voix des parlementaires qui ont amendé le texte sur le développement
des territoires ruraux, en prenant en compte dans l'élaboration de la carte
scolaire les effectifs des enfants de saisonniers, en introduisant une
discrimination positive en faveur des communes classées en ZRR, en abaissant de
20 % les seuils de fermeture des classes ? Allez-vous tenir compte de la spécificité de la montagne,
où la notion de moyenne d'enfants par classe n'a aucune pertinence du fait de la
géographie - comme je viens de le démontrer -, en réattribuant des postes
d'enseignants dans le premier et le deuxième degrés dans le département des
Hautes-Alpes, pour y éviter à la fois la fermeture d'écoles en dessous de vingt
élèves par classe dans les bourgs-centres et la fermeture de collèges trop
petits pour supporter la moindre suppression de postes ? Confirmez-vous enfin la solidarité nationale en faveur des
zones d'éducation prioritaire, en particulier celles situées dans les zones de
revitalisation rurale, en prenant en compte dans l'élaboration de la carte
scolaire les enfants de deux ans, mais aussi en évitant toute reprise
d'emplois ? M. le président. La parole est à M. le
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la
recherche. Monsieur Giraud, je vous remercie de votre question qui va me
permettre d'apporter quelques précisions de nature à vous rassurer. Nous sommes dans une période - c'est classique au moment de
l'élaboration de la carte scolaire - où toutes les rumeurs, toutes les
hypothèses circulent. Fort heureusement, le pire n'est pas toujours sûr. Je voudrais vous rassurer sur le principe. Quand on
travaille sur la carte scolaire, au sein de mon ministère, avant les académies,
nous ne réfléchissons jamais en seuls termes arithmétiques, car ce serait
grotesque. Plusieurs facteurs sont pris en compte :
l'aménagement du territoire, la sociologie de l'académie, les besoins
spécifiques. Je peux vous communiquer si cela vous intéresse tous les critères
retenus pour l'élaboration de la carte scolaire. Celle-ci n'est pas du tout
établie dans un esprit de système géométrique ou arithmétique, brutal et
obtus. Dans le département des Hautes-Alpes, 96 postes
ont été attribués - nous ne sommes donc pas dans le négatif, mais dans le
positif - au recteur d'Aix-Marseille pour la rentrée scolaire 2004 dans le
premier degré. Pour tenir compte d'une augmentation des élèves dans le premier
degré, cinq postes ont été réservés dans les Hautes-Alpes, ce qui devrait
permettre d'assurer très convenablement et sans le moindre souci la rentrée
2004. C'est assez confortable. Il ne devrait pas y avoir le moindre problème. En ce qui concerne les collèges, une baisse de 141 élèves
est prévue. Si nous avions appliqué des critères mécaniques pour les collèges en
tenant compte de cette baisse, nous aurions supprimé dix postes, pour équilibrer
la baisse démographique et maintenir les taux d'encadrement. Nous avons conclu, précisément en fonction des paramètres
que vous évoquiez - géographiques et sociologiques en particulier - à une
diminution de moyens de cinq postes seulement au lieu de dix pour les collèges,
alors que 141 élèves disparaissent. La carte scolaire a
donc été envisagée, là aussi, avec bon sens. Je vous
rappelle que je suis comptable au niveau de l'Etat de la péréquation entre les
régions. Je dois assurer une égalité de situation entre elles. Les régions qui
ont été sur- dotées et celles qui ont été sous-dotées pendant des années doivent
se retrouver, à un moment ou un autre, en situation d'équilibre. Lorsqu'il y a
des baisses démographiques, on est donc obligé de prendre aux uns pour donner
aux autres, à ceux qui connaissent une augmentation démographique. La politique de scolarisation des enfants dès l'âge de deux
ans restera non seulement prioritaire dans les ZEP - donc il n'y a rien de
changé - mais aussi dans les zones rurales, comme j'ai eu l'occasion de le
rappeler à l'un de vos collègues du Sénat. Quant à la
scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans, aucune modification n'est
prévue. Elle se situe cette année autour de 32 %. C'est la plus élevée du
monde, sans équivalent dans les pays voisins. Cette politique sera maintenue,
prioritairement dans les ZEP et dans les zones rurales. M. le président. La
parole est à M. Joël Giraud. M. Joël Giraud. Je vous remercie, monsieur le
ministre, pour votre réponse. Je prends note avec
intérêt que la prospective pour les collèges ne fait pas disparaître, comme
avions pu le craindre, dix postes voire plus, mais cinq postes seulement. Je continue cependant à être inquiet pour le premier degré.
En effet, la diminution de cinq postes prévue - moins cinq postes par rapport à
plus dix postes - nous place dans une situation où, pour maintenir les écoles
dans certains isolats de montagne, toutes les classes de moins de vingt élèves
dans des communes comme Briançon et L'Argentière, classée en ZEP, ou Guillestre,
vont disparaître, car nous ne pouvons effectivement pas fermer des écoles trop
éloignées. Pourriez-vous, monsieur le ministre,
réétudier une attribution de postes tenant mieux compte de cette spécificité
" montagne " pour le premier degré dans le département des
Hautes-Alpes ?
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