FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 60825  de  M.   Bocquet Alain ( Député-e-s Communistes et Républicains - Nord ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  22/03/2005  page :  2904
Réponse publiée au JO le :  19/07/2005  page :  7168
Date de changement d'attribution :  02/06/2005
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  conseils de prud'hommes
Analyse :  fonctionnement
Texte de la QUESTION : M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de l'institution prud'homale. Le Gouvernement n'a de cesse de multiplier, de toute part, les attaques en règle contre le monde du travail. C'est ce qu'ont exprimé plusieurs centaines de conseillers prud'homaux qui s'alarment de l'insuffisance des moyens qui leur sont donnés pour rendre justice aux salariés. Ces manques de moyens rendent les tribunaux victimes d'engorgement et les délais pour traiter les dossiers se comptent désormais en années pour que les salariés obtiennent un jugement. Pour dissuader encore un peu plus les travailleurs qui voudraient faire valoir leur droit, le Gouvernement, ainsi que le dénoncent les conseillers prud'homaux, a pris une mesure inique en plein coeur de l'été dernier, à l'insu de tous, rendant obligatoire l'assistance d'un avocat pour se pourvoir en cassation. Une obligation qui s'élève à 4 000 euros, à la charge des salariés, alors que jusqu'ici cette démarche était gratuite. Cette disposition, véritablement inacceptable, est une entrave caractérisée aux principes du droit du travail. L'objectif non avoué est de rendre la justice prud'homale, institution unique en Europe, plus complexe, plus contraignante et moins facile d'accès pour les salariés. En plus de faciliter aux employeurs l'atomisation des droits des salariés, en élargissant considérablement le champ des dérogations au code du travail, le Gouvernement a accordé au patronat une nouvelle faveur avec cette réforme des conseils des prud'hommes. En conséquence, il lui demande, sans délais, de suspendre l'application du décret et de donner les moyens à cette institution de fonctionner afin de faire vivre le droit du travail.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il est très attaché à la qualité de la justice prud'homale. Il rappelle que les moyens dévolus à l'indemnisation des conseillers prud'hommes sont fonction des crédits ouverts en loi de finances pour le ministre de la justice sur le chapitre des vacations des services judiciaires. Il précise que ces crédits ont progressé de 7,56 % entre 1999 et 2004. Dans le même temps, les dépenses consacrées aux vacations des conseillers prud'hommes et aux remboursements des salaires maintenus ont augmenté de 25 % alors que le nombre d'affaires terminées est en légère baisse entre 1999 et 2003 (172 369 en 1999 et 165 421 en 2003) et a connu une augmentation de 4,9 % en 2004 selon les premières estimations. Ces chiffres ont conduit la Cour des comptes à critiquer le dispositif d'indemnisation des conseillers prud'hommes. Ainsi, une mission relative au régime juridique applicable à l'indemnisation des conseillers prud'hommes a été confiée à M. Henri Desclaux, procureur général honoraire. Diverses questions sont abordées, notamment les principes qui sous-tendent l'indemnisation et les modalités du contrôle de la dépense. Une large concertation est menée à cette occasion, associant l'ensemble de ceux qui concourent au fonctionnement des juridictions prud'homales. Un rapport de mission sera prochainement remis au garde des sceaux. S'agissant des délais de traitement des affaires, la durée moyenne devant les conseils de prud'hommes s'est élevée à 12,2 mois en 2004 selon les premières estimations. Par ailleurs, l'instauration de la représentation obligatoire en matière civile, et notamment prud'homale, devant la Cour de cassation dans les matières qui, jusque-là, en étaient dispensées, à l'exception du contentieux des élections professionnelles et des listes électorales, est de nature à rétablir l'égalité des armes entre les parties au procès. En effet, les plus fortunés recourent très fréquemment aux conseils d'un avocat, malgré la dispense de représentation, et les parties qui ne peuvent y avoir accès se trouvent placées en position d'infériorité tout au long de la procédure. En outre, la complexité grandissante du droit rend de moins en moins conciliable la défense des intérêts des parties sans l'intervention d'un professionnel du droit, avec les règles d'un procès équitable, ce d'autant que la Cour de cassation est juge du droit et non du fait. Les statistiques établissent ainsi que, lorsque les parties ne sont pas représentées, le nombre de non-admissions est trois fois plus élevé et le nombre d'irrecevabilités quatre fois plus élevé que lorsqu'elles sont assistées par un avocat au conseil. Si, traditionnellement, la dispense de représentation obligatoire est présentée comme une mesure instituée en faveur du justiciable, dans les faits, le double système de procédure sans représentation obligatoire mais avec faculté de représentation entraîne une inégalité pour la partie non représentée face à une partie représentée. Ainsi, la réforme aura pour effet d'assurer une meilleure information des plaideurs sur leurs droits et les chances de succès du pourvoi et permettra à la Cour de cassation d'exercer pleinement sa mission dans un délai raisonnable, conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme. Par ailleurs, un assouplissement des conditions d'admission à l'aide juridictionnelle a été opéré sous la forme d'un relèvement du plafond de ressources. Ainsi, l'article 29 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce modifie la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et prévoit que, lorsque le pourvoi en cassation est susceptible d'entraîner l'annulation d'une décision ayant fixé une indemnité de licenciement, le montant de cette indemnité est exclu de l'appréciation des ressources pour bénéficier de l'aide juridictionnelle. Enfin, l'ordre des avocats aux conseils s'est engagé, par délibération en date du 8 août 2004, à modérer ses honoraires en matière sociale et à assurer aux salariés une consultation préalable.
CR 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O