FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 62507  de  M.   Leroy Maurice ( Union pour la Démocratie Française - Loir-et-Cher ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  12/04/2005  page :  3648
Réponse publiée au JO le :  07/02/2006  page :  1346
Erratum de la Réponse publié au JO le :  28/02/2006  page :  2248
Date de changement d'attribution :  02/06/2005
Rubrique :  risques professionnels
Tête d'analyse :  maladies professionnelles
Analyse :  amiante. victimes. indemnisation
Texte de la QUESTION : M. Maurice Leroy appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les préoccupations exprimées par les victimes de l'amiante, leurs familles et les associations constituées pour défendre leurs intérêts. Ces personnes ont, en particulier, été très choquées par l'ordonnance de non-lieu rendue en décembre 2003 par le juge d'instruction de Dunkerque, confirmée par la décision de la cour d'appel de Douai en juin 2004. Elles ont ainsi le sentiment que les responsabilités ne sont pas assumées et peinent à comprendre la logique du cadre légal de la loi du 10 juillet 2000, relative aux délits non intentionnels. Elles demandent au Gouvernement les dispositions mises en oeuvre ou qu'il entend mettre en oeuvre pour répondre à la douleur légitime des victimes de l'amiante et de leurs familles.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le Gouvernement et, plus largement, l'ensemble des pouvoirs publics, sont mobilisés pour répondre, au nom de la solidarité nationale, aux légitimes attentes des personnes victimes de l'exposition à l'amiante. Cette mobilisation s'est déjà exprimée au travers de l'adoption de différents dispositifs, au premier rang desquels figure l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui a introduit un mécanisme de cessation anticipée d'activité dès l'âge de cinquante ans pour les personnes exposées à l'amiante. Réservé à l'origine aux salariés relevant du régime général de la sécurité sociale, celui-ci, à la faveur de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires, a été étendu progressivement à d'autres catégories de travailleurs, notamment dans le secteur naval, militaire et agricole. Dans le prolongement de travaux conduits par l'inspection générale des affaires sociales, d'autres secteurs pourraient également bénéficier dans l'avenir de cet élargissement, notamment dans le domaine de la fonction publique hospitalière. Parallèlement, l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Ce fonds a relu plus de 22 000 demandes et proposé plus de 15 000 offres d'indemnisation, offres au demeurant acceptées à hauteur de 95 %, et ce pour un montant de plus de 720 millions d'euros. Au plan fiscal, la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 portant modification de l'article 82 du code général des impôts a exonéré de l'impôt sur le revenu les indemnités versées aux victimes de l'amiante. Par l'effet de l'article 9 de la loi de finances pour 2005, ces indemnités ont également bénéficié du régime d'exonération de droits de succession prévu à l'article 775 bis dudit code, et ce quelles que soient la date d'ouverture de la succession et la date de versement des indemnités éligibles. À titre préventif, dans le domaine environnemental, des mesures de protection ont enfin été mises en place par le décret du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis, mesures qui vont faire l'objet d'une évaluation qui sera disponible dans le courant de l'année 2006. L'adoption de ces différentes dispositions atteste de l'implication de l'État en faveur des victimes de l'exposition à l'amiante. Au plan pénal, la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels a modifié l'article 121-3 du code pénal afin de limiter la pénalisation excessive des faits causant un préjudice à autrui, lorsqu'ils sont dus à une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence imputable à une personne physique. Aux termes de ces dispositions, deux hypothèses doivent désormais être distinguées pour déterminer si la responsabilité pénale d'une personne physique peut être engagée au titre d'une infraction non intentionnelle. Lorsqu'il existe un lien de causalité direct entre la négligence ou l'imprudence et le dommage causé, une faute légère suffit, comme par le passé, à engager la responsabilité pénale de la personne mise en cause. En revanche, lorsque celle-ci n'est pas directement à l'origine du dommage mais qu'elle a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation de celui-ci ou qu'elle n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, sa responsabilité pénale ne pourra être retenue que s'il est établi qu'elle a soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer. Il appartiendra aux juridictions de préciser la portée de ces dispositions dans le cadre des affaires particulières concernant l'exposition à l'amiante. En tout état de cause, l'équilibre défini par ce texte entre le risque de condamnations inappropriées, préjudiciables au développement des activités sociales et à l'innovation, et la nécessaire responsabilisation des acteurs sociaux, apparaît devoir être préservé. Il convient en effet de faire la part entre le bien-fondé de la réforme ainsi introduite par la loi du 10 juillet 2000 et les difficultés spécifiques de certains dossiers de santé publique dont la justice pénale peut être saisie, qui tiennent pour l'essentiel à l'ancienneté des faits, à l'évolution des connaissances scientifiques, à l'établissement du lien de causalité et à l'administration de la preuve. Compte tenu de la technicité particulière des affaires concernant l'exposition à l'amiante, des instructions ont été données aux procureurs généraux pour que soient prises des réquisitions tendant au regroupement de ces procédures au sein des juridictions interrégionales spécialisées en matière sanitaire. Une telle mesure, rendue possible par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité permettra que ces procédures, confiées à des magistrats spécialisés bénéficiant du concours d'assistants, soient traitées avec efficacité et célérité.
UDF 12 REP_PUB Centre O