Texte de la QUESTION :
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M. Patrick Braouezec souhaite attirer l'attention de M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille sur l'ambiguïté de la reconnaissance de la kafala en droit français et la situation difficile qui en résulte pour les familles et les enfants concernés. L'article 370-3 du code civil introduit par la loi du 6 février 2001, relative à l'adoption internationale, stipule que « l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution ». La distinction majeure entre la kafala et l'adoption simple ou plénière réside dans le fait que la kafala ne recrée pas de filiation pour l'enfant recueilli. En ce sens elle est assimilable selon les cas soit à une tutelle, soit à une délégation de l'autorité parentale. Certains pays de traditions musulmanes ne reconnaissent pas l'adoption, à l'exemple de l'Algérie et du Maroc, sans que dans le cas du Maroc l'on puisse parler de « prohibition », comme le constate le jugement du 9 janvier 2002 rendu par le TGI de Nîmes. La kafala ou recueil légal est l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur, au même titre que le feraient des parents. La kafala recouvre les obligations parentales du droit français : entretien sans limitation de durée, éducation, surveillance. Elle est établie par un acte authentique. L'enfant recueilli peut être de filiation connue ou inconnue. Dans le cas d'une kafala judiciaire concernant un enfant de filiation inconnue, les parents recueillant peuvent dans le pays d'origine de l'enfant obtenir un jugement de changement de nom et conférer leur patronyme à l'enfant. La situation de fait est alors largement assimilable à l'adoption simple, n'était la question de la recréation de filiation. L'objection. ressort du souci dans la tradition musulmane de ne pas rompre la filiation d'origine. Or, dans le cas de l'adoption simple, la filiation d'origine n'est pas rompue. En outre, cette difficulté n'existe pas lorsque la filiation est inconnue. Sur cet aspect, il importe donc de clarifier la situation au moyen d'un échange de lettres avec les autorités algériennes et marocaines afin de solliciter leur tolérance pour la procédure d'adoption en France lorsqu'elle concerne des enfants dépourvus de filiation, En effet, quelles qu'en soient les modalités, toutes les législations permettent de donner une famille à un enfant qui n'en a pas. Les difficultés rencontrées par beaucoup de familles et d'enfants ne correspondent pas à l'esprit de la loi et de l'article 370-3 du code civil. L'esprit de la loi visait à prévenir les abus ressortant notamment des kafala notariées ou de kafala concernant des enfants confiés au titre d'un simple recueil par leurs parents. Cette situation, source de contraintes au quotidien lors des démarches administratives et d'insécurité juridique, en termes de droits de succession et de régularisation notamment, est difficilement acceptée et acceptable pour les parents et les enfants. Une de ces difficultés se traduit par le fait que les ressortissants français sont discriminés relativement aux résidents algériens en France, qui ont la faculté de procéder au regroupement familial au bénéfice de l'enfant recueilli par kafala. En conséquence, il lui demande de lui faire part des conclusions de la réflexion engagée depuis plus d'un an au sein du conseil supérieur de l'adoption sur ces questions et des actions entreprises pour aplanir les difficultés ressortant de la distinction entre kafala et adoption, dans le cadre du principe directeur de l'intérêt supérieur de l'enfant inscrit à l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la législation de la plupart des pays de tradition musulmane, dont l'Algérie et le Maroc, interdit l'adoption. La kafala est une institution de droit musulman qui vise à assurer l'éducation et la prise en charge matérielle d'un enfant, jusqu'à sa majorité, par une famille musulmane, sans création d'un lien de filiation. Selon la législation des Etats concernés et selon les formes qu'elle peut revêtir, la kafala produit des effets d'une tutelle, d'une délégation de l'autorité parentale ou d'une simple remise de l'enfant sans transfert des droits. Par conséquent, les effets qui peuvent être reconnus en France à une kafala varient selon les mêmes modalités. En tout état de cause, elle ne peut en aucun cas être assimilée à une adoption, même simple, cette forme d'adoption créant un lien de filiation entre l'adoptant et l'adopté (art. 366 du code civil). Afin de garantir le respect de la législation des pays étrangers, la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a d'ailleurs introduit dans le code civil des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux mineurs recueillis par kafala dont la loi personnelle prohibe l'adoption, notamment l'Algérie et le Maroc. Elles cessent toutefois de s'appliquer le jour où le mineur acquiert la nationalité française postérieurement à son arrivée en France, dans les conditions de l'article 21-12 du code civil.
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